Editorial du « Monde ». Au fil des ans, le baromètre sur l’image du Front national, rebaptisé en 2018 Rassemblement national, est devenu un précieux indicateur politique. Réalisé par Kantar-OnePoint pour Le Monde et Franceinfo, il permet de mesurer, sur longue période, les effets du tournant entrepris en 2007 par Marine le Pen en vue de « dédiaboliser » le parti d’extrême droite dans l’espoir de le conduire un jour au pouvoir.
Non qualifiée au second tour de l’élection présidentielle de 2012, la fille de Jean-Marie Le Pen est parvenue en finale lors du scrutin de 2017, mais pour être largement battue par Emmanuel Macron. Sa performance, lors du débat de l’entre-deux-tours, était apparue humiliante aux yeux mêmes de ses troupes, tant elle s’était montrée incapable de maîtriser ses dossiers.
Deux ans et demi plus tard, la présidente du Rassemblement national continue de souffrir de lourds handicaps : 22 % des Français seulement estiment qu’elle ferait une bonne présidente de la République et ils ne sont que 36 % à la juger capable de rassembler au-delà de son camp.
Le niveau global d’adhésion aux idées du RN, loin de progresser, stagne à 26 %, soit 7 points de moins qu’à la veille de la présidentielle de 2017. La normalisation recherchée est donc loin d’être acquise.
Cependant, plus personne ne peut affirmer que Marine Le Pen ne sera jamais élue présidente de la République, car une accoutumance s’est créée, qui alimente un possible : désormais, 56 % des Français pensent que son parti est en mesure d’accéder au pouvoir un jour en France. C’est 9 points de plus qu’il y a un an et 16 points de plus qu’il y a deux ans.
Par ailleurs, ils ne sont plus qu’une courte majorité (51 %) à estimer que le parti d’extrême droite représente un danger pour la démocratie. C’est 4 points de moins qu’en 2019. Enfin, la coupure se creuse au sein des sympathisants du parti Les Républicains, où une forte minorité (48 %) se dit prête à des alliances.
Ces indicateurs tombent à un moment où le RN accumule les déboires financiers : le parti est perclus de dettes, ses dépenses de personnel explosent sans que les recettes suivent. Depuis la dernière présidentielle, le nombre de ses adhérents a fondu et, dans certaines communes, aucune liste n’a été déposée en vue des municipales, faute de candidats crédibles.
Cela n’empêche pas Marine Le Pen, qui s’est déjà déclarée candidate pour 2022, de remonter peu à peu son handicap. Elle le fait sans avoir besoin de forcer le trait car, depuis le mouvement des « gilets jaunes », elle est persuadée d’être devenue l’opposante numéro un. Les quelques conquêtes qu’elle espère aux élections municipales de mars prochain, puis aux régionales de 2021, participent de l’accoutumance qu’elle veut créer en renvoyant sur l’actuel président l’accusation qu’il avait efficacement portée à son encontre lors du débat de la présidentielle de 2017 : celle d’insécuriser le pays.
Pour le président de la République, l’avertissement contenu dans le sondage est sérieux. Toute sa stratégie, construite autour d’un socle électoral d’à peine 30 %, repose sur l’idée que Marine Le Pen n’accédera jamais à l’Elysée parce que, au dernier moment, un front républicain s’érigera pour l’en empêcher. Certes, la barrière existe encore, mais elle est fragilisée par l’anticipation des électeurs qui se considèrent aujourd’hui comme des orphelins politiques. La proportion de ceux qui pensent que « le RN peut accéder un jour au pouvoir » a particulièrement augmenté chez les sympathisants de gauche (+ 15 points en un an), qui sont aujourd’hui en rupture avec la politique présidentielle. A leurs yeux, Emmnanuel Macron n’est plus le bon rempart.
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