Cela fait une semaine que nous sommes entrés en Carême. Avant d’entamer ces semaines axées sur la prière, le jeûne et l’aumône, certains auront peut-être profité des jours gras. À Cadiz, d’où je vous écris, le Carnaval est une véritable institution. Quand on m’a demandé si, au Canada, nous avions aussi de telles festivités, j’ai répondu « si… pero no ».
Il faut dire que le Carnaval de Québec suscite chez moi une profonde indifférence. J’ai d’ailleurs écrit un article à ce sujet:
Quand j’écoutais mes parents se remémorer leurs souvenirs carnavalesques, j’étais intriguée par cet événement dont ils se souvenaient par-delà les litres de caribou avalés. J’ai déjà assisté à la visite de bonhomme dans une résidences pour personnes âgées; les voir si émues m’avait médusait.
Samedi dernier, quand j’ai déambulé dans les rues bondées de Cadiz, j’ai été moi aussi prise de nostalgie. Je regrette un carnaval que je n’ai jamais connu.
La tierra de la alegria
L’événement principal autour duquel s’articule le Carnaval de Cadiz est une joute de chants satiriques.
Pendant plusieurs jours, différents groupes s’affrontent lors d’une compétition officielle. Des amis ou des collègues se groupent et chantent à propos des problèmes de l’actualité ou de la vie quotidienne. La fête commence quand, à la fin de la compétition, ces différents groupes envahissent la ville. Il y a les participants officiels mais autant d’ilegales qui animent les rues.
Le rassemblement auquel j’ai participé à Cadiz serait impensable à Québec.
À Cadiz, les gens ne vont pas au Carnaval : ils sont le Carnaval.
De l’après-midi à la fin de la soirée, j’ai observé une foule bigarrée composée autant de jeunes enfants, d’adolescents que de vieillards. Tous sont déguisés. Les concepts de groupes étaient la norme.
J’ai vu des familles de coronavirus, d’escargots et de mimes, des hommes déguisés en femmes et des femmes déguisées en hommes, des grand-mères habillées en allemandes sexy.
Les adultes se promenaient une bouteille de vin à la main sous le regard amusé des policiers.
Les festivités se sont terminées par un défilé, la Cabalgata del Humor, une procession de citoyens où les confettis fusent de partout. La colère et la joie cohabitent dans cette fête qui met de l’avant toutes les nuances de la vie sociale.
À Cadiz, les gens ne vont pas au Carnaval : ils sont le Carnaval.
Pour un retour aux sources
En Europe et ailleurs dans le monde, le Carnaval est loin d’être un événement aseptisé comme celui auquel nous avons été habitués au Québec. Cela peut bien sûr amener des débordements. Cette année, deux villes d’Espagne ont organisé un défilé sous la thématique des nazis et des camps de concentrations. En Croatie, on a brûlé des mannequins à l’effigie d’un couple homosexuel.
N’empêche qu’à force de cloisonner nos rassemblements dans un « périmètre festif », comme à la Saint-Jean-Baptiste, on est voué à les rendre insignifiants.
À Cadiz, ce périmètre, c’est la ville au grand complet.
Depuis 2009, un groupe de citoyennes de Québec organise, la Revengeance des duchesses. Cet événement en marge du carnaval officiel donne carte blanche à ses duchesses afin qu’elles puissent diffuser sur le web leurs idées et créations.
Au fil des années, nous avons pu voir un éventail varié de duchesses.
J’ai particulièrement aimé lire la poésie de Roselyne Chevrette, qui vit avec la trisomie. Chaque année, je me régale en visionnant cette vidéo de Franie-Éléonore Bernier. J’ai moi-même représenté mon quartier à l’édition de 2016: j’y ai notamment parlé de ma participation à une messe en compagnie de l’Arche, à la maison Revivre.
Ainsi, ce ne sont pas les beuveries que je regrette, mais cette occasion manquée de remettre en question, collectivement, ce à quoi nous donnons du pouvoir dans nos vies.
Pour Loïc Landrau, le Carnaval est « une rampe de lancement festive vers la prière et l’introspection, donc vers Dieu ».
Je suis d’accord. À condition qu’on prenne la fête au sérieux.
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Source: Lire l'article complet de Le Verbe