De 3,4 % en rythme annualisé au deuxième trimestre de 2019 et 1,1 % au trimestre suivant, la croissance du produit intérieur brut (PIB) n’était plus que de 0,3 % au cours des trois derniers mois de l’année au pays, a rapporté vendredi Statistique Canada.
Survenue en pleine période de tensions commerciales et d’incertitude des marchés mondiaux, alors que Washington et Pékin n’avaient pas encore conclu la trêve dite « de Phase 1 » dans leur guerre commerciale et que les États-Unis, le Mexique et le Canada mettaient la dernière main à la nouvelle version de leur nouvel accord de libre-échange, cette baisse de régime de l’économie canadienne découle sans doute aussi de facteurs conjoncturels particuliers, observe Statistique Canada, dont l’interruption de service de l’oléoduc Keystone après une fuite, des conditions de récolte défavorables dans les Prairies, la grève au Canadien National ainsi que les grèves dans les usines de General Motors aux États-Unis.
Ce contexte semble s’être particulièrement fait sentir sur le front commercial, avec un recul des exportations de 5,1 % en rythme annualisé, mais aussi du côté de l’investissement des entreprises (-3 %). La construction résidentielle n’a pas fait mieux, passant d’un rythme de croissance de 13 % au troisième trimestre à seulement 1,1 % pour les trois derniers mois de l’année. En fait, l’économie canadienne n’a essentiellement dû son salut qu’à l’augmentation des dépenses des ménages (+2 %), particulièrement en services (3,2 %), comme le loyer (2,8 %), les restaurants (1,6 %) ou les services de télécommunication (4 %). Cette hausse des dépenses des ménages a notamment été rendue possible par un rythme d’augmentation de la rémunération des employés de 4,8 %, rapporte Statistique Canada qui ne tient pas compte, ici, de l’inflation.
D’une tuile à l’autre
Ce passage à vide en fin d’année 2019 avait largement été annoncé par les analyses et même par la Banque du Canada. On s’attendait toutefois à ce qu’il soit tout de suite suivi d’un rebond au début de 2020. Le retour de la croissance dans 15 des 20 principales industries du pays au mois de décembre, pour un rythme annualisé de 3,6 %, pourrait sembler conforter ces attentes, a observé l’économiste à la Banque TD, Brian DePratto, dans une brève analyse vendredi.
Mais ce serait sans compter avec l’épidémie de COVID-19 qui plombe déjà la Chine, deuxième économie mondiale, fait craindre un ralentissement marqué de l’économie mondiale et risque aussi de faire baisser les prix du pétrole et des autres matières premières exportées par le Canada. Ce serait aussi sans tenir compte des effets qu’auront fatalement eus sur l’économie canadienne les blocus ferroviaires des dernières semaines, a noté Brian DePratto.
L’économiste en chef de la Banque de Montréal, Douglas Porter, estime désormais ne pas avoir d’autre choix que de revoir à la baisse ses prévisions de croissance économique pour le Canada cette année. Statistique Canada rapporte que cette croissance est passée de 3,2 % en 2017, à 2 % en 2018, puis à 1,6 % l’an dernier. Douglas Porte croyait, encore récemment, qu’on pouvait espérer une expansion de 1,7 % en 2020, mais n’attend plus maintenant qu’un taux de 1,2 %.
Baisse des taux d’intérêt ?
Ses confrères d’Oxford Economics, Tony Stillo et Michael Davenport, estiment même à 40 % les probabilités d’une récession économique au Canada cette année. Aussi, ces derniers croient non seulement que la Banque du Canada abaissera ses taux d’intérêt d’un quart de point de pourcentage, à sa première réunion de politique monétaire venue, c’est-à-dire la semaine prochaine, mais aussi qu’elle récidivera à la réunion suivante, prévue en avril. Cela porterait le taux directeur de la banque centrale canadienne de 1,75 % à 1,25 %.
L’équipe d’économistes de la Banque Nationale en appelait aussi, vendredi, aux deux mêmes baisses consécutives des taux d’intérêt de la Banque du Canada, mais estimait que les pouvoirs publics devaient en faire plus encore, évoquant l’assouplissement des règles hypothécaires mises en place dans le marché résidentiel afin de freiner le surendettement des ménages et appelant de ses voeux « des mesures de relance budgétaire à Ottawa et dans certaines provinces ».
Économiste principal au Mouvement Desjardins, Benoit P. Durocher estime, pour sa part, que la Banque du Canada devrait attendre encore un peu avant de recourir à une baisse des taux d’intérêt. « La grande majorité des problèmes sont de nature temporaire, fait-il valoir. Le retour à la normale devrait donc éventuellement entraîner un rebond de l’économie canadienne un peu plus tard dans l’année. »
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec