Les Philippines défendent leur souveraineté et leur sécurité intérieure

Les Philippines défendent leur souveraineté et leur sécurité intérieure

Par Andrew Korybko − Le 13 février 2020 − Source oneworld.press

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Les États-Unis d’Amérique ont le droit d’exprimer leurs préoccupations – soient-elles réelles, simulées, ou exagérées – quant à la guerre contre la drogue menée par les Philippines. Mais cibler les dirigeants responsables de cette guerre afin de contraindre le gouvernement à reconsidérer ses actions est gênant : cela rappelle au pays son ancien statut de colonie étasunienne.

La décision de Duterte, le président philippin, de mettre fin au Visiting Forces Agreement (VFA) entre son pays et l’ancien colonisateur étasunien démontre que Manille défend fermement sa souveraineté et sa sécurité nationale. Le dirigeant spontané a menacé de prendre cette décision si les États-Unis concrétisent leur projet d’annuler le visa de son ancien chef de la police nationale, le sénateur Ronald Fela Rosa, du fait qu’il aurait supposément contrevenu gravement aux droits de l’homme dans la guerre contre la drogue.

Les États-Unis se sont montrés très critiques quant à la manière dont est menée cette campagne anti-narcotiques, accusant les Philippines d’encourager imprudemment une enquote {justice populaire} qui a résulté dans la perte de plus de 5000 vies, certaines estimations non-officielles portant ce nombre à 12 000 ou plus. Pour sa défense, le président Duterte n’a eu cesse d’affirmer que son action en vue de faire respecter la loi était nécessaire depuis longtemps, et est menée par les autorités compétentes, de manière responsable, afin d’éviter des pertes innocentes.

Indépendamment de ce que les puissances étrangères et les groupes d’opposition puissent ressentir à l’égard de la campagne passionnée du président Duterte contre les drogues, il est selon la constitution de son droit le plus strict, en tant que dirigeant du pays, de définir l’agenda national de la sécurité des Philippines. Les ingérences étrangères, du type de celle des États-Unis, qui en arrivent à annuler le visa du sénateur Rosa, constituent une violation de la souveraineté des Philippines, et sont un signe patent du fait que Washington fait monter la pression sur Manille pour qu’elle mette fin à son programme de sécurité intérieure.

Les États-Unis ont le droit d’exprimer leurs préoccupations – soient-elles réelles, simulées, ou exagérées – quant à la guerre contre la drogue menée par les Philippines. Mais cibler les dirigeants responsables de cette guerre, en vue de contraindre le gouvernement à reconsidérer ses actions est gênant : cela rappelle au pays son ancien statut de colonie étasunienne. Le président Duterte, en fier patriote qu’il est, n’allait pas tolérer cette manifestation flagrante de néo-colonialisme sans imposer des conséquences significatives sur les États-Unis, afin que ceux-ci reviennent en fin de compte sur leurs propres actions.

La fin programmée du VFA, au cours des six prochains mois, pourrait fortement réduire l’empreinte militaire étasunienne en Asie du Sud-Est, et aux abords de la Mer de Chine du Sud, objet de nombreux contentieux, où l’oncle Sam a fomenté des problèmes contre la Chine au cours des deux dernières années. Le traité de défense mutuelle entre les deux États resterait encore en vigueur, mais les soldats étasuniens ne pourraient plus s’entraîner aux Philippines, ce qui éliminerait les bases militaires non officielles maintenues par les États-Unis sur ce territoire.

Les États-Unis font régulièrement « tourner » leurs soldats entre les sites dont ils disposent aux Philippines, afin de ne pas maintenir une présence « permanente » qui violerait les lois de ce pays ; il s’agit d’une exploitation retorse de l’esprit originel de ces lois, mais les dirigeants précédents ont fermé les yeux sur ces méthodes, percevant des bénéfices mutuels à une coopération militaire établie de la sorte. Cette attitude est en cours de changement rapide, comme le découvrent à présent les États-Unis, car le président Duterte ne les autorisera plus à rester s’ils continuent à ne pas respecter son pays.

Bien que les États-Unis soutiennent les forces armées des Philippines contre État islamique dans l’île de Mindanao, au Sud, leur assistance n’est pas irremplaçable. Les Philippines, quant à elles, jouent un rôle irremplaçable pour les grands intérêts stratégiques étasuniens dans la région vis-à-vis de la Chine, du fait de leur emplacement géographique, et la VFA a jusqu’ici permis l’établissement de facto de bases militaires étasuniennes dans ce pays. Les Philippines peuvent donc fort bien se débrouiller sans les États-Unis, mais la réciproque n’est pas vraie.

Il reste six mois avant que l’accord n’expire, suite à la décision prise par le président Duterte de mettre fin à cet accord. Il est donc possible que les deux parties rediscutent des termes de cet accord, ou le renouvellent sans modification, si les États-Unis cessent leurs ingérences dans les affaires intérieures philippines. Néanmoins, si l’accord n’est pas renouvelé, la seule bonne chose à faire pour les États-Unis sera de partir. Si l’on en juge leur refus de quitter l’Irak, malgré le refus de cette nation de les laisser rester sur son sol, nul ne peut savoir si les États-Unis quitteront effectivement les Philippines.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone

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