Par Daniel McAdams − Le 1er février 2020 − Source Ron Paul Institute
Il existe un réel danger pour les conseillers et analystes de politique étrangère – et en particulier pour ceux qu’ils servent – lorsqu’ils se trouvent dans une bulle, une chambre d’écho, et que toutes leurs conclusions sont basées sur des données erronées. Inutile de dire que c’est encore pire quand ils croient qu’ils peuvent créer leur propre réalité et inventer de toutes pièces des narratifs fictifs.
Les choses se passent rarement comme prévu dans ces circonstances.
Le président Trump a gobé un baratin, probablement monté par une cabale autour du secrétaire d’État Mike Pompeo et du néocon, depuis longtemps discrédité, David Wurmser, sur les bienfaits d’un assassinat du chef militaire vénéré de l’Iran, Qassim Soleimani. Ancien conseiller de Netanyahu et propagandiste de la guerre en Irak, Wurmser aurait envoyé des mémos à son mentor, John Bolton, lorsque ce denier était conseiller à la sécurité nationale de Trump – maintenant, bien sûr, il est le héros de la #résistance pour avoir diffamé son ancien patron – promettant que tuer Soleimani serait une opération gratuite qui soulèverait le peuple iranien contre son gouvernement et provoquerait le changement de régime tant attendu dans ce pays. Le meurtre de Soleimani – l’architecte de la défaite de État islamique – « ébranlerait le fragile équilibre interne des forces, et le contrôle sur celles-ci, dont le régime [iranien] dépend pour sa stabilité et sa survie », a écrit Wurmser.
Comme c’est le plus souvent le cas avec les néocons, il s’est terriblement trompé.
L’opération n’était pas gratuite. Au contraire. L’assassinat de Soleimani sur le sol irakien a conduit le Parlement irakien – lui-même le résultat de notre «instauration de la démocratie» dans le pays – à voter pour expulser les forces américaines.
La décision de Trump a eu un effet opposé à celui promis par les néocons. Elle n’a pas jeté les Iraniens dans la rue pour renverser leur gouvernement, elle a catalysé l’opposition des diverses factions politiques et religieuses irakiennes à la présence militaire américaine permanente, et resserré davantage les relations avec l’Iran. Et à part lancer ce qui serait une guerre catastrophique avec peu ou pas de soutien de ses alliés, il n’y a rien que Trump puisse faire à ce sujet.
L’attaque de représailles de l’Iran contre deux bases américaines en Irak a été initialement commentée par le président Trump comme une simple piqûre de moustique. Pas de mal, rien de grave, pas de blessures. Ceci malgré le fait qu’il devait avoir connaissance que du personnel américain avait été blessé dans l’attaque. La raison de ce mensonge était que Trump comprend probablement à quel point une escalade serait dévastatrice pour sa présidence. La vérité a donc commencé à émerger lentement – onze militaires américains ont été blessés, mais c’était juste «une migraine». Nous savons maintenant que cinquante soldats américains ont été traités pour une lésion cérébrale traumatique. Ce n’est peut-être pas le dernier décompte, mais n’attendez pas des médias grand public qu’ils fassent des reportages. [On est déjà à 104, NdSF]
L’agence de presse iranienne FARS a rapporté, au moment de l’attaque, que du personnel américain avait été blessé, et la réponse du gouvernement américain a été de retirer complètement cette agence de presse d’Internet, sur ordre du Trésor américain !
Aujourd’hui, la Chambre des représentants US a voté pour annuler l’autorisation, datant de 2002, d’engager la guerre en Irak, et pour interdire l’utilisation de fonds pour la guerre contre l’Iran sans autorisation du Congrès. C’est une mesure importante, bien que largement symbolique, pour freiner l’excuse souvent utilisée de l’autorisation de guerre en Irak pour des actions manifestement sans rapport, comme l’assassinat de Soleimani et les milliers de frappes aériennes d’Obama sur la Syrie et l’Irak.
Le président Trump a fait valoir que l’interdiction de fonds pour une action militaire contre l’Iran rend en fait la guerre plus probable, car elle serait limitée à des frappes militaires de peu d’ampleur, comme l’agression contre la Syrie après l’attaque chimique présumée à Douma en 2018 – revendication qui s’est récemment effondrée. La logique est erronée et reflète à nouveau le danger de croire à sa propre propagande. Comme nous l’avons vu dans la réponse militaire iranienne à l’assassinat de Soleimani, les frappes militaires de Trump avant la guerre ont eu un effet de cliquet dans l’escalade plutôt qu’un relâchement de la pression ou un effet dissuasif.
Comme l’a récemment déclaré le site d’analyse des événements financiers et d’actualités ZeroHedge :
Depuis la «guerre des pétroliers» de l'été dernier, Trump s'est coincé dans un coin du ring, allant d'escalade en escalade vers ce dernier «grand point de non retour» qu'a été l'assassinat ordonné de Soleimani, tout en espérant toujours éviter une guerre directe majeure. La situation a atteint un point culminant où il n'y avait "pas d'issue". Trump s'est retrouvé avec deux "mauvaises options", soit reculer, soit aller à la guerre.
Les Iraniens n’ont pas grand-chose à perdre à ce stade et les alliés européens des États-Unis, même s’ils sont impuissants, en ont assez de l’obsession pour l’Arabie Saoudite et Israël comme base de leur politique au Moyen-Orient.
Alors pourquoi ouvrir cet essai avec une photo de Trump célébrant son «Accord du siècle», mort-né, pour Israël et la Palestine ? Parce qu’il s’agit encore une fois d’un président crédule et faible dirigé par le bout du nez vers la conflagration à venir au Moyen-Orient. Laissés à leur sort critique, sans même un semblant de sympathie américaine, les Palestiniens, après le déploiement de ce plan de «paix» verront à nouveau qu’ils n’ont pas d’amis en dehors de la Syrie, de l’Iran et du Liban. Alors qu’Israël continue de flirter avec l’idée d’annexer tout simplement de grandes parties de la Cisjordanie, il est clair que les freins sont lâchés pour toute réticence israélienne à pousser à un contrôle maximal du territoire palestinien. Alors qu’y a-t-il à perdre ici ?
Trump croit qu’il fait avancer la paix au Moyen-Orient, tandis que l’excellent site Web Mondoweiss observe à juste titre qu’un des principaux architectes du «plan de paix», le propre gendre de Trump, Jared Kushner, « nargue les Palestiniens parce qu’il veut qu’ils rejettent sa ‘paix‘ « . Le rejet du plan est le feu vert pour une guerre d’anéantissement des Palestiniens.
Il apparaît que le Borg ne puisse pas se retenir, que la chambre d’écho auto référentielle, qui passe pour une analyse «experte» de Washington, sera de nouveau prise au dépourvu par la profession de foi irresponsable de l’analyse néocon de la politique étrangère. « Mon Dieu, nous ne l’avons pas vu venir ! » Mais le lendemain, les grands experts seront de retour sur les stations de TV avec leur auréole intacte.
Les nuages s’amoncellent…
Daniel McAdams
Traduit par jj, relu par Kira pour le Saker Francophone
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