Interview de NGAGNE DIOUF
RÉDACTEUR EN CHEF
Agence de Presse Africaine (APA)
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Question 1 – Le Brexit, avantage ou inconvénient pour l’Afrique ?
Pour répondre à votre première question : « le Brexit et l’Afrique », il faut d’abord bien comprendre la nature profonde et l’objectif ultime de cette opération de guerre commerciale entre le petit Royaume-Uni et l’Union européenne (la troisième puissance économique mondiale) sous une économie mondialisée.
Une condition préalable à la bonne compréhension de ce bras de fer commercial et financier est d’évacuer l’émotivité que propage les médias mainstream à propos de ce Brexit soi-disant « démocratique » dont on a trop vapoté la marijuana et le narguilé.
Pour cela, il faut revenir aux données fondamentales. C’est près de 80% de son commerce international que le petit Royaume-Uni effectue avec L’Union de Bruxelles et c’est moins de 20% de son commerce extérieur que l’UE effectue avec le petit Royaume-Uni en cours de désertification industrielle au profit de l’Asie du Sud-est et de l’Afrique où se délocalisent les entreprises britanniques productrices de plus-value.
Qui dépend davantage de son concurrent ? Celui qui dépend d’un seul client pour écouler ses marchandises (produits et services) ou celui qui a déjà diversifié ses marchés et n’est prisonnier d’aucun marché spécifique? rappelez-vous, vous pays africains quand la plupart d’entre vous étaient dépendant d’un seul produit ressource (le cacao de la Côte d’Ivoire par exemple) que vous deviez sacrifier à un seul pays importateur – entreprises européennes de transformation et donc de production de la plus-value et d’accumulation des profits.
La question du Brexit devient donc : « pourquoi cette futile et ridicule obsession d’une portion de la classe du grand capital britannique de sortir de son marché d’exclusivité sous prétexte de retrouver sa prétendue indépendance économique, commerciale et enfin – comble de la fumisterie – son «indépendance politique» (sic) « ? On ne gagne aucune liberté en s’entravant de chaines aux pieds. On ne gagne aucune indépendance nationale en érigeant des barrières douanières autour de son marché national qui périclite et s’atrophie. L’impérialisme c’est la conquête et l’expansion des marchés, pas les restrictions et l’exclusion des concurrents. N’allez surtout pas croire que Boris Johnson soit devenu un antiimpérialiste. Il est mandaté par sa clique pour renégocier le pacte qui lie le Royaume-Uni impérialiste aux puissances impérialistes européennes.
L’Union européenne douanière, commerciale, financière, monétaire, industrielle, tarifaire et de service, est le fruit de multiples compromis à la mesure de l’apport de chaque concurrent présent aux négociations. Le résultat de ces négociations perpétuelles a donné l’Union administrative, institutionnelle, juridique et politique que l’on connait. Au cours des tractations chacun des partenaires et concurrents tentait d’obtenir des avantages pour le secteur d’affaires où il excellait en échange de concessions dans les secteurs économiques où il se savait dépasser. C’est ainsi que la Grande-Bretagne a littéralement sacrifié son secteur industriel périclitant (construction navale notamment), son secteur portuaire déclinant, son secteur minier (charbon) anémié en contrepartie du raffermissement de son secteur financier assiégé dans la City. C’est en servant de plaque tournante au capital financier de l’Europe vers les autres continents que la City a pu se maintenir comme première place financière mondiale alors que le Royaume-Uni ne constitue qu’une puissance économique de second ordre. Le capital allemand, français, italien, espagnol a fait prospérer la City londonienne au prix des millions d’emplois du secteur manufacturier britannique. Les milliardaires britanniques ont survécu en sacrifiant l’ouvrier britannique, auquel aujourd’hui il demande de nouveaux sacrifices. Et voici que l’informatisation et la numérisation des transactions financières et boursières éliminent les emplois du secteur tertiaire, qui s’ajoutent aux pertes d’emplois du secteur secondaire, le secteur primaire ayant été sacrifié depuis fort longtemps.
C’est dans cette conjoncture économique catastrophique pour le Royaume-Uni, couplée à la crise économique mondialisée qui ne fait qu’empirer, qu’une faction du grand capital britannique propose (à la mode de Donald Trump), de tout remettre à plat, de brasser les cartes et de renégocier l’Union dont elle n’est que le quatrième pion en importance. L’idée de ces factieux n’est pas de mettre fin à tout accord commercial entre le Royaume et ses voisins – partenaires et concurrents – mais d’obtenir des concessions de concurrents plus prospères quitte à ébranler les colonnes du temple et quitte à sacrifier toute la classe salariée britannique.
Nonobstant le fait que la corde nationaliste est fortement sollicitée par ces capitalistes mondialistes, la pugnacité du grand capital britannique délinquant a peinturé le pays dans un coin de l’empire désagrégé, provoquer la résurgence des autonomistes écossais, raviver les tensions en Irlande du Nord, et provoquer la migration du capital européen (allemand notamment) vers la bourse de Francfort et au total affaiblit le Royaume-Uni coincé dans sa redingote mortuaire et sa surenchère surannée. Ne reste à Boris Johnson que deux arguments désespérés à brandir pour sauver le trône du vieil empire : l’argutie du nationalisme vindicatif et l’utopie d’accaparer les marchés africains dont la perfide Albion a été chassée.
Question 2 – Quels seront les principaux impacts du Brexit sur les économies africaines?
C’est au milieu de cette conjoncture économique trouble et au centre de conjectures géostratégiques et militaires sous tension (au Moyen-Orient et en Afrique) que Boris Johnson espère utiliser le drame britannique du Brexit pour relancer la conquête de l’Afrique qui fait déjà l’objet de toutes les convoitises de la part des grands blocs militaires impérialistes en guerre commerciale (Alliance de Shanghai, Alliance Atlantique Nord, Union européenne, le petit Royaume-Uni). Les années qui viennent seront terribles pour l’Afrique où s’affronteront toutes les puissances financières et militaires de la Terre pour se partager marchés, ressources et sources de plus-value. Certains diront du « Déjà vu ».
Qu’on le veuille ou pas, l’Afrique, dont les différentes monnaies nationales ou transnationales (franc CFA) sont accrochées à l’euro, sera impactée par la saga du Brexit qui devrait impulser une tendance à la baisse (dévaluation et forte inflation) des monnaies africaines. Le Brexit n’offrira pas d’opportunité particulière pour les industriels africains qui, de peine et de misère, s’échinent à s’implanter et à prospérer sur leur continent dans un contexte concurrentiel mondialisé, militarisé, terrorisé, de surproduction et de sous-consommation pour cause de paupérisation des populations. Le secteur minier qui a toujours émietté quelques retombées fiscales locales ne bénéficiera en rien de l’effondrement du marché britannique.
Question 3 – Est-ce que le Royaume-Uni peut devenir « le plus grand investisseur du G7 » (Boris Johnson dixit) en Afrique ?
Boris Johnson est véritablement la marionnette politique des chauvins nationalistes britanniques. Voici un misérable à la tête politique d’une puissance périclitante qui ne parvient pas à performer contre ses alliés et rivaux continentaux, et qui prétend devenir un investisseur de capitaux qu’il ne maitrise pas, qu’il ne possède pas, émissaire grossier de Wall Street qui n’a plus besoin de la City pour arnaquer les marchés étrangers. La tragédie du Brexit est à l’image de l’impérialisme britannique… un siècle après la tornade. L’assiette du capital à partager allant s’amenuisant le commandant yankee ne souhaite plus partager avec son adjudant la plus-value qui se raréfie. Non, le Brexit, qui n’aura pas lieu selon nous, ne peut propulser le petit Royaume-Uni à la tête de l’économie mondiale. Une province chinoise investit davantage en Afrique que le Royaume-Uni déconfit.
Question 4- Quelles sont les forces de Londres pour réussir sa conquête africaine (face aux puissances déjà installées) ?
C’en est fini de l’Empire britannique et la mission de l’expressionniste Boris n’est pas de réécrire l’histoire de l’empire déchu, mais tout juste de jouer le fier-à-bras dans l’espoir de négocier ces « beaux restants » aux plus offrants, quitte à risquer de s’effondrer. Le Royaume-Uni joue son vatout. Vous voulez connaitre les forces de Londres face à ses concurrents impérialistes, elles sont minimes, elles se résument à sa capacité de réduire les salaires réels des travailleurs britanniques au niveau des salariés africains ou alors, si le prolétariat britannique résiste à sa paupérisation misérabiliste, à délocaliser vers l’Afrique ce qui reste d’usines dans la Royaume britannique. Dans les deux hypothèses Johnson sera le fossoyeur du plus grand empire capitaliste déchu. Analysez bien ce déclin, car demain ce sera le sort réservé à tous les anciens empires du XXe siècle révolu. Le problème pour nous analystes est de comprendre ce que cette évolution inéluctable nous enseigne sur l’avenir collectif de l’humanité.
NGAGNE DIOUF
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