« Les réformes sociétales ne doivent pas être un prétexte pour ne pas faire de réformes sociales », a estimé récemment Emmanuel Maurel, chef de file de l’aile gauche du PS. En toile de fond : le débat autour du mariage pour tous. Si la mesure en elle-même fait l’objet d’un large consensus au PS et dans l’ensemble de la gauche, certains considèrent qu’en période de crise, l’ordre des priorités n’est pas le bon. Entretien avec le philosophe André Tosel.
Plus que jamais, le gouvernement ne doit-il pas se concentrer sur la justice sociale et le pouvoir d’achat des classes populaires ? Dit autrement : les questions sociétales ne sont-elles pas d’autant plus investies par le pouvoir que celui-ci est en difficulté sur les enjeux sociaux, économiques, industriels ? Evidemment, la plupart des élus socialistes s’exprimant en ce sens le font plus par crainte que la gauche ne soit battue lors des prochaines échéances électorales que mus par une conscience de classe. D’ailleurs, même d’anciens strauss-kahniens comme Jean-Christophe Cambadélis donnent de la voix. Reste qu’il y a derrière ces préoccupations électoralistes un débat de fond sur l’identité de la gauche, son rapport aux classes populaires et les attentes réelles de celles-ci. Le social et le sociétal s’imbriquent l’un dans l’autre, et l’un ne doit pas aller sans l’autre, nous montre en substance le philosophe communiste André Tosel. Une parole de sagesse, particulièrement bienvenue à l’heure où, face à des sujets complexes, le débat démocratique est constamment menacé d’être dévoyé en un choc des préjugés.
André Tosel :
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La famille, ses institutions, ses pratiques réglant la reproduction des humains est aussi bien sociale que sociétale : elle est sociale car elle demeure une unité de reproduction de la vie générique humaine en reproduisant génération après génération les acteurs sociaux, et elle est sociétale en tant que les règles structurales de l’alliance et de la parenté sont à la base des modes d’existence.
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On ne voit pas pourquoi la revendication d’une liberté nouvelle devrait relancer l’opposition entre la droite et la gauche. Il s’agit plutôt de savoir si cette revendication marque un degré nouveau de liberté effective.
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Si la solidarité doit se manifester avec tous ceux qui se voient privés d’une liberté, inversement on peut souhaiter que tous ceux qui défendent le mariage pour tous manifestent activement leur solidarité avec la masse de ceux que matraque et esclavagise le capitalisme impitoyable.
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Source : Pour André Tosel, le social et le sociétal s’imbriquent l’un dans l’autre | L’Humanité (11 janvier 2013)