Le plan de sauvetage du gouvernement allemand contre le coronavirus: des milliards pour les riches, le rationnement pour les pauvres

Le plan de sauvetage du gouvernement allemand contre le coronavirus: des milliards pour les riches, le rationnement pour les pauvres

« La guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens ». La célèbre phrase du théoricien militaire Carl von Clausewitz est bien adaptée pour décrire le plan de sauvetage de 756 milliards d’euros du gouvernement allemand pour mener la « guerre » contre la crise des coronavirus. Il s’agit de la poursuite de la politique d’enrichissement des riches aux dépens des pauvres que la grande coalition poursuit depuis des années.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes: 600 milliards d’euros sont prévus pour soutenir les grandes entreprises, contre 50 milliards seulement pour les petites entreprises et les travailleurs indépendants. Pourtant, les petites et moyennes entreprises (PMU) de moins de 500 salariés représentent quelque 58 % de tous les emplois soumis aux cotisations sociales en Allemagne, soit environ 18 millions de personnes.

Les petites entreprises et les travailleurs indépendants en particulier sont durement touchés par la crise du coronavirus. Elles dominent les secteurs de l’alimentation, du divertissement et de nombreux autres services qui ont dû fermer complètement à cause du COVID-19, et disposent généralement de très peu de réserves financières sur lesquelles s’appuyer.

Par exemple, environ un quart des 260 000 emplois soumis à cotisation sociale de Leipzig, ainsi que d’innombrables travailleurs précaires et indépendants, dépendaient de l’organisation de foires commerciales et de conférences, qui ont complètement cessé leurs activités. La situation est similaire dans d’autres villes dotées d’important secteurs touristique et de services.

Le gouvernement s’attend à ce qu’environ 3 millions de petites entreprises et de travailleurs indépendants fasse la demande d’une aide au titre du fonds de 50 milliards d’euros, ce qui signifie un maximum de 15 000 euros par demandeur. Les entreprises de moins de cinq employés recevront un paiement de 9 000 euros pendant trois mois, tandis que les entreprises de moins de 10 employés recevront des paiements allant jusqu’à 15 000 euros pour la même période de trois mois. Cela représente entre 500 et 600 euros par employé et par mois, ce qui est beaucoup trop peu pour vivre.

En outre, on peut se demander si ces fonds parviendront un jour aux demandeurs. Le gouvernement a promis une aide exempte de toute bureaucratie. Mais compte tenu de la surcharge des autorités, elles-mêmes touchées par la crise du coronavirus, et des structures administratives complexes en Allemagne, il ne s’agit là que d’une promesse vide.

La situation est encore pire pour les bas salaires et les bénéficiaires de l’aide sociale Hartz IV, particulièrement touchés par la crise. La plupart des banques alimentaires, qui leur proposaient des produits alimentaires abordables, ont fermé en raison de la pandémie et les denrées dans les supermarchés deviennent plutôt rares ou chères. Aucune aide financière n’a été prévue par le gouvernement pour eux. Il prévoit une augmentation des dépenses de 7,5 milliards d’euros, mais seulement parce que le nombre de demandeurs de Hartz IV augmentera d’environ 1,2 million.

Au contraire, les grandes entreprises et leurs bailleurs de fonds des banques sont inondés de liquidités. Le « fonds de stabilisation économique » (FSE) prévu est encore plus important que le fonds de sauvetage des banques de 2008-2009. À l’époque, celui-ci s’élevait à 480 milliards d’euros. Le FSE est accessible aux entreprises employant au moins 2 000 personnes et réalisant un chiffre d’affaires de 320 millions d’euros par an.

Le frein à l’endettement, qui était considéré comme intouchable tant que le débat tournait autour de l’imposition d’une austérité brutale sur le système de santé et les prestations sociales, est suspendu pour permettre ce sauvetage. Les chambres basses et hautes du Parlement fédéral, le Bundestag et le Bundesrat, se réuniront aujourd’hui et demain à cet effet.

Avec 400 milliards d’euros, le fonds peut acheter des dettes d’entreprises et d’autres obligations d’entreprises qui demandent de l’aide. Un montant supplémentaire de 100 milliards d’euros sera mis à la disposition de la Banque nationale pour la reconstruction (KfW), pour l’émission de prêts. 100 milliards d’euros supplémentaires seront mis à disposition pour que l’État puisse reprendre des entreprises.

Le ministre des affaires économiques, Peter Altmeier (Démocrates-chrétiens), a précisé que l’État reprendrait partiellement ou totalement des entreprises pendant la crise du coronavirus si nécessaire. Ce type de rachat par l’État n’a rien à voir avec la nationalisation des entreprises privées telle que l’entendent les socialistes. Au contraire, ces entreprises recevront une infusion de fonds publics et, une fois qu’elles seront redevenues rentables, le gouvernement les remettra à leurs propriétaires.

Le plan de sauvetage de 600 milliards d’euros n’inclut pas les fonds destinés à payer les travailleurs licenciés, qui peuvent recevoir entre 60 et 67 % de leur salaire antérieur. Cela est financé par la caisse d’assurance chômage et permet aux entreprises de renvoyer les travailleurs chez eux avec des salaires de misère, sans frais supplémentaires.

Les 600 milliards d’euros du FSE sont exclusivement destinés à assurer la liquidité des grandes entreprises et à garantir leur rentabilité future. Le Süddeutsche Zeitung a déclaré que la question de savoir « si le programme de prêts sans restriction pour les entreprises aide réellement les entreprises ou seulement les banques » reste ouverte. Après tout, les garanties de prêts du gouvernement concernent les banques, alors que les entreprises qui ne peuvent plus rien produire ou vendre, portent toujours la responsabilité ».

Les 600 milliards d’euros du FSE s’ajoutent aux 750 milliards d’euros annoncés par la Banque centrale européenne pour l’achat d’actions. Cette mesure vise aussi exclusivement à maintenir en activité le casino qui depuis 2008-2009 génère des profits massifs pour les fonds d’investissement, les banques et les milliardaires.

Les gouvernements européens n’ont même pas pu se mettre d’accord pour interdire les ventes à découvert, qui permettent aux spéculateurs de faire des profits sur les cours des actions lorsqu’ils baissent. Bridgewater, le grand fonds spéculatif mondial, qui a réalisé d’énormes profits pendant la crise de 2008, parie déjà quelque 14 milliards de dollars sur la chute du cours des actions des entreprises européennes.

La chancelière allemande Angela Merkel et d’autres responsables gouvernementaux lancent régulièrement des messages de solidarité à la population et sont soutenus en cela par tous les partis représentés au Parlement. Le leader du groupe parlementaire du Parti de gauche, Dietmar Bartsch, a écrit sur Twitter suite à l’allocution de Merkel dimanche soir: « Merci à la chancelière pour ses paroles claires. Le groupe parlementaire du Parti de gauche soutiendra toutes les mesures qui favorisent la solidarité et évitent de porter préjudice au pays, à la population et à l’économie. Cet appel à la solidarité est une tâche qui incombe au gouvernement ».

La réalité, c’est qu’ils exploitent la crise afin d’étendre systématiquement l’assaut sur les dépenses sociales, d’enrichir les riches et de renforcer l’appareil policier et étatique ainsi que les politiques militaires poursuivies par la grande coalition ces dernières années.

Peter Schwarz

Article paru en anglais, WSWS, le 25 mars 2020


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