par Karine Bechet-Golovko.
Hier soir, Ô surprise, le Premier ministre russe Michoustine annonce avoir succombé aux charmes du virus, il a été testé positif et doit donc se mettre en retrait. Poutine en prend acte et, de manière inédite, transfert les compétences, formellement par oukase et sans mention du caractère temporaire de la décision, au premier vice-Premier ministre Beloussov, en charge de l’économie. Le président Poutine serait-il en train de reprendre la main ? Y aurait-il enfin une prise de conscience de la catastrophe économique qui se profile et que des recettes purement manageriales et numériques ne pourront résoudre. Espérons-le !
Le Premier ministre a annoncé au Président Poutine hier soir être touché par le coronavirus et donc se mettre en retrait temporairement. La réaction de Poutine est extrêmement intéressante, particulièrement sur deux points.
Tout d’abord, la furie virale s’accompagne d’une furie numérique. Dans cette turbulence, les déclarations du Président ramènent les choses à leur place :
« Sans contact direct avec ses collègues, il n’est pas possible de prendre des décisions dans les affaires publiques »
Ces paroles évidentes, qui ne concernent pas que les affaires d’État, font plaisir à entendre. Il est bon lors d’une hystérie collective de rappeler certaines évidences : l’on ne peut pas gérer un État à distance. Ensuite, il faudra remettre ces évidences en œuvre. Espérons que la volonté politique sera suffisante pour aller au bout de la logique énoncée par ces paroles.
Ensuite, le Président Poutine a formalisé le remplacement de Michoustine par Beloussov, en adoptant immédiatement un oukase, ne précisant pas le caractère temporaire de l’acte (le voir ici). Ce qui est assez surprenant à plusieurs titres. Tout d’abord, parce que ni la pratique habituelle (Medvedev n’a jamais été remplacé formellement ainsi, même lors de certaines de ses absences), ni le protocole ne l’exigent. Ensuite, parce que même si Michoustine est réellement malade, ce qui est tout à fait possible, les fêtes de Mai arrivent et tout fonctionne au ralenti – par ailleurs le virus n’est pas éternel et il a plutôt une bonne tête. Enfin, parce que dans le texte de l’oukase, étrangement, ne figure pas le terme « temporairement » – Beloussov est nommé par intérim pour remplacer Michoustine, mais pas par intérim temporairement.
Cela ouvre la voie à de nombreuses questions. La presse d’opposition y voit le signe de la mise à l’écart définitif du Premier ministre, qui n’est pas adapté aux nouvelles circonstances. Peskov, de son côté, dément sa mise à l’écart – mais de toute manière, tant que ce n’est pas officiel, ce n’est pas à lui de l’annoncer. Dans tous les cas, la mise à l’écart n’est plus nécessaire, le message est passé.
L’on pourrait se dire que ce ne sont que les aléas du sanitaire qui rattrapent le politique … s’il n’y avait cet oukase. Beaucoup de questions, auxquelles l’on ne peut trouver de réponse certaines se posent. A-t-il pris trop de place, pour des résultats controversés ? Remplit-il son rôle ? Comme en France, où le Premier ministre sert de coupe-circuit politique entre l’opinion publique et le Président. La Russie reprend-elle ses esprits pour gérer une crise économique (et donc sociale, et donc potentiellement politique) qui s’annonce suite à son entrée dans le jeu global du Covid ?
L’espoir est (enfin) à nouveau permis, mais attendons les faits.
source : http://russiepolitics.blogspot.com
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