Le retrait de la Russie des territoires qu’elle avait commencé à administrer s’accompagne sans surprise d’une vague de répression, dont nous avons déjà souvent parlé sur ce blog. A Kherson, la situation est d’autant plus tendue, que la région a formellement voté pour la sortie de l’Ukraine et l’entrée dans la Fédération de Russie. Quand l’armée russe a laissé la ville principale de la région, la machine extrémiste à broyer les résistances s’est mise en route et le premier jugement pour collaboration à l’encontre d’une simple habitante de la région vient de tomber.
Du 23 au 27 septembre 2022, des référendums d’autodétermination ont été organisés dans les régions de Lougansk, Donetsk, Zaporojie et Kherson. 87,05% des suffrages exprimés à Kherson l’ont été en faveur du rattachement à la Russie. Le 28 septembre, le gouverneur de la région de Kherson s’est adressé à V. Poutine en vue de l’adhésion de la région à la Fédération de Russie, ce qui a été ratifié solennellement pour les quatre nouveaux Sujets de la Fédération le 30 septembre.
Evidemment, ni l’Occident, ni le protectorat ukrainien n’ont reconnu les résultats de ces référendums, ce qui ne change rien à leur validité de point de vue du droit interne russe, et donc pour les populations, tant que la Russie contrôle physiquement ces territoires. Or, dès le 9 novembre, à peine un mois après le référendum, l’armée russe se retire de la ville, la laissant aux mains des Ukrainiens (voir notre texte ici).
Immédiatement, un régime d’occupation se met en place dans la ville, avec punitions publiques, restriction de la liberté de circulation des civils et interpellations à la pelle (voir notre texte ici). La ville et ses habitants ont voté pour le retour en Russie, ils en seront punis, car évidemment tous ne sont pas partis avec l’armée russe – c’est leur maison, ils y ont grandi, ont choisi de faire confiance à la Russie et d’y entrer « pour toujours » comme l’annonçaient les panneaux publicitaires, ils n’ont pas choisi de tout quitter. Et les gens, en général, ont toujours du mal à prendre conscience de la possibilité réelle de la violence quotidienne, ils s’attendent à ce que cela passe « tout seul ».
Mais rien ne « passe tout seul », les répressions ont eu lieu, les arrestations aussi. Et le premier « jugement » vient de tomber :
« Selon l’enquête, après la prise de Berislav par les Russes, cette femme a volontairement rejoint les rangs de l’administration d’occupation locale.
« Là, elle a rempli les missions de Moscou, pour l’organisation et la réalition de ce référendum illégal dans la partie temporairement occupée du Sud de l’Ukraine. Pour ce faire, l’agresseur a constitué de soi-disant listes électorales de la région, a exhorté les gens à se rendre aux bureaux de vote et à voter. en faveur du pays agresseur. Elle a personnellement fait le tour des habitations et a demandé aux gens de mettre la marque « nécessaire » sur les bulletins de vote », a déclaré le SBU dans un communiqué.
La femme a été reconnue coupable d’activités de collaboration.
« Compte tenu de sa coopération à l’enquête, le tribunal l’a condamnée à cinq ans de prison avec privation du droit d’occuper des fonctions au sein du gouvernement et de s’engager dans des activités liées au processus électoral pendant une période de 10 ans », a déclaré le SBU. »
Cette habitante de la localité de Novoalexandrovka a payé cher pour son choix. Et elle n’est pas seule. L’Ukraine a établi une liste d’environ 6 000 personnes liées à l’organisation de ces référendums à Kherson. Cela laisse prévoir une belle période de « justice extraordinaire », faisant suite à ce que les pouvoirs locaux appellent avec un humour noir « des mesures de stabilisation » – autrement dit les arrestations et mesures d’intimidation à l’encontre des habitants. Et tant que la Russie ne contrôlera pas ces territoires, ces 6 000 hommes et femmes seront réellement en danger. Le reste n’est que littérature et bonne conscience.
Karine Bechet-Golovko
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Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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