1942-2022
« Sur la terre russe, martyrisée comme la terre française et par le même ennemi, le Régiment « Normandie », mon Compagnon, soutient, démontre, accroît, la gloire de la France ! »
« En rendant le dernier soupir, vous avez dit : « Vive la France ! » Eh bien, dormez en paix ! La France vivra parce que vous avez su mourir pour elle… » (Général Charles de Gaulle)
« … « Normandie-Niemen » sonne vraiment bien…. ce nom mêlant la France et la Russie, comme notre uniforme, qui est désormais celui de notre régiment pour toujours… » (Roland de la Poype, Compagnon de la Libération, héros de l’Union soviétique, pilote du « Normandie-Niemen »)
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2022 est l’année du 80ème anniversaire de la création du régiment de chasse « Normandie-Niemen », unité de combat parmi les plus décorées de France, symbole de la fraternité franco-soviétique, symbole de la France libre. Il a été créé à l’initiative du général de Gaulle, du général Marcial Valin, du général Ernest Petit, du lieutenant-colonel Charles Luguet et du capitaine Albert Mirlesse. Ce régiment est composé de volontaires français ayant répondu à l’appel du général de Gaulle. Ils étaient issus de tous les milieux sociaux (nobles, ouvriers, étudiants…) et venaient des quatre coins de la France. Ils avaient tous une volonté commune : se battre pour la France, leur Patrie !
Ils ont fait rayonner la France pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est notre devoir de leur rendre hommage et de faire rayonner leur mémoire auprès des générations futures.
La création de groupe de chasse « Normandie » :
Le général de Gaulle considérait comme important que les soldats français servent sur tous les fronts de la guerre. Il décide d’engager des forces sur le front de l’Est, en URSS, où d’après lui se jouait le destin du monde. L’URSS était le premier pays ayant échangé avec le général de Gaulle des représentations diplomatiques. En décembre 1941, S.E.M. Alexandre Bogomolov est nommé ambassadeur de l’URSS auprès des gouvernements alliés en exil à Londres (polonais, norvégien, grec et yougoslave). Le général de Gaulle nomme Roger Garreau, diplomate expérimenté, comme représentant de la France libre en URSS. Il a déjà travaillé à Moscou comme deuxième secrétaire de l’Ambassade de France entre 1924-1927. Le général Ernest Petit, camarade de promotion à Saint-Cyr de Charles de Gaulle fut nommé Attaché militaire en 1942.
Le groupe de chasse 3 (GC3) est créé le 1 septembre 1942 par décret du général de Gaulle sur la base aérienne Rayak au Liban.
Il fallait trouver un nom au régiment. Selon la tradition, chaque unité des FAFL (forces aériennes françaises libres) doit porter le nom d’une province française. Le premier commandant Joseph Pouliquen suggère le nom de sa province natale, la Bretagne, mais ce nom est déjà attribué à un autre groupe. À l’unanimité, il est alors décidé de donner le nom « Normandie », la province voisine. Les 2 léopards d’or sur fond de gueules, signes héraldiques de la noblesse et du courage décorent le blason de GC3. Une soixantaine d’écussons ont été réalisés par des orfèvres arméniens des souks de Damas. L’emblème de « Normandie » est solennellement remis aux pilotes le 24 octobre 1942 lors de la cérémonie officielle de la création du groupe de chasse « Normandie » en présence du colonel Edouard Corniglion-Molinier, commandant des FAFL au Moyen-Orient.
Le premier groupe « Normandie » est parti à bord de 3 avions le 28 novembre 1942 de Téhéran via Bakou. Il atterrit les 29 et 30 novembre 1942 à Ivanovo (ville située à 250 km au nord-est de Moscou) sous le commandement de Joseph Pouliquen (1897-1988) et de Jean Tulasne (1912-1943). Il est composé de 14 pilotes et du personnel technique (interprètes, médecin, techniciens etc.)
Entre 1942 et 1945, les FAFL ont envoyé 96 pilotes.
Ainsi débutait l’épopée du groupe de chasse le plus connu des FAFL ..
Dans son remarquable ouvrage « L’épopée du Normandie-Niemen », Roland de la Poype décrit l’accueil réservé aux pilotes français à Ivanovo : « … À un moment, sans que l’on s’y attende, l’un des artistes s’avance vers nous, un papier à la main. Après nous avoir salués, il commence à nous lire, dans un excellent français, un poème de bienvenue saluant « les fidèles de de Gaulle combattant pour l’indépendance et la liberté »… Ce court poème déclenche des applaudissements si chaleureux de la part du public que nous avons du mal à retenir une larme. Pour mes camarades comme pour moi, cette soirée restera l’un des moments les plus émouvants de notre séjour en Russie… »
Après leur arrivée à Ivanovo, le groupe « Normandie » suit un entrainement. Leur participation aux combats débute en avril 1943.
Après avoir testé différents types d’appareils – dont certains anglais ou américains – proposés par les autorités soviétiques, le commandant d’unité Jean Tulasne choisit le Yak soviétique.
En écartant toutes considérations diplomatiques, Jean Tulasne n’a fait que suivre les recommandations du général de Gaulle : choisir le meilleur sans se soucier de la nationalité de son constructeur. Le Yak, ce petit chasseur conçu par l’ingénieur soviétique Alexandre Yakovlev se montre l’avion le plus approprié aux missions et au théâtre d’opérations qui attendent « Normandie ».
En août 1943, suite à une décision commune du commandement français et soviétique, l’ensemble du personnel technique français est remplacé par le personnel soviétique. Des pilotes français et des mécaniciens russes sont alors réunis dans une même unité. C’est une première dans l’Histoire.
En juin 1944, à l’occasion de la libération de la Lituanie, une bataille brutale et sanglante s’était déroulée pour la prise du fleuve Niemen. Afin de récompenser l’unité pour sa contribution importante à la couverture aérienne lors du franchissement du fleuve Niemen par les forces soviétiques, Joseph Staline autorise l’ajout le nom « Niemen » à celui de « Normandie ». Le groupe de chasse devient alors « Normandie-Niemen ».
Entre 1943 et 1945, le régiment « Normandie-Niemen » participe à plusieurs grandes campagnes aériennes : OREL – SMOLENSK – ORSHA-NIEMEN – INSTERBOURG – KOENIGSBERG – PILLAU.
Tout au long de leur épopée, ces héros ont montré au monde entier ce qu’est le véritable héroïsme mais aussi ce qu’est la véritable amitié.
L’histoire tragique du marquis Maurice de Seynes et du paysan Vladimir Bielozoub illustre la fraternité des aviateurs français avec leurs mécaniciens soviétiques.
Le 15 juillet 1944, le capitaine Maurice de Seynes s’envole avec son mécanicien, l’adjudant-chef Vladimir Bielozoub. Après le décollage une fuite d’essence dans la cabine est constatée. Les tentatives de faire atterrir l’appareil n’aboutissent pas. N’ayant qu’un seuil parachute à bord de l’avion, Maurice de Seynes refuse d’obéir aux ordres de s’éjecter par solidarité avec son mécanicien. Les deux hommes s’écrasent. Ils sont enterrés, côte à côte, entre deux izbas, à Doubrovka. Une cérémonie simple et spontanée est organisée par les villageois. Les enfants sont venus déposer une brassée de fleurs tricolores sur leur tombe. Madame Louise de Seynes, mère de Maurice de Seynes, a gardé toute sa vie dans son appartement parisien les portraits de son fils unique et de son mécanicien soviétique.
« Normandie-Niemen » subira de lourdes pertes tout au long de la guerre.
Le 12 avril 1945, Georges Henry obtient la 273e victoire aérienne du « Normandie ». Quelques minutes après son retour triomphal, il est pris pour cible par l’artillerie allemande, Georges Henry est victime d’éclats d’obus qui le blessent à la tempe et à la nuque ; il succombe à ses blessures quelques heures plus tard.
Le destin a voulu que 2 ans après la mort des 3 premiers pilotes du « Normandie » ( Raymond Derville, André Poznanski et Marcel-Yves Bizien), l’aspirant Henry est le 42e et dernier pilote tué du « Normandie ». Il avait 25 ans….
Sur les 96 pilotes, 42 sont « Morts pour la France ».
« Normandie – Niemen » deviendra l’unité française la plus titrée de tous les temps. Entre 1943 et 1945, ils ont réalisé 5240 missions de guerre, 4354 heures de vol de guerre. Ils ont participé à 869 combats aériens. Le groupe a obtenu 273 victoires aériennes confirmées. Cela représente environ 80% de victoires aériennes de la France combattante.
Les 4 pilotes français Marcel Albert, Roland Paulze d’Ivoy de la Poype, Jacques André et Marcel Lefevre ( les 2 derniers à titre posthume) ont reçu le titre de héros de l’Union soviétique, le plus haut titre honorifique de l’URSS. Le GC-3 sera fait « Compagnon de la Libération » par le général de Gaulle.
Retour triomphal en France
Le 15 juin 1945, le régiment quitte l’Union soviétique avec ses Yak-3 offerts par les autorités russes en signe de reconnaissance et d’amitié entre la France et l’URSS.
Le 20 juin 1945, le régiment est accueilli en héros par une foule immense au Bourget.
Roland de la Poype se souvient : « … Je n’ai jamais vu autant du monde … une véritable marée humaine qui vibre, qui crie, les yeux levées au ciel… Le Paris que nous aimons tant et qui incarne la France nous a réservé l’accueil le plus délirant et le plus chaleureux qu’on puisse rêver… L’émotion monte d’un cran quand Charles Tillon commence à lire la liste des pilotes du « Normandie-Niemen » disparus au combat. Quarante-deux noms, sur un effectif de quatre-vingt-seize pilotes, qui s’égrènent dans un silence aussi impressionnant que le vacarme qui l’ a précédé… »
Le 14 juillet 1945, lors de la parade de la fête nationale, le régiment « Normandie-Niemen » a survolé les Champs Elysées avec ses Yak-3 aux couleurs de « Normandie-Niemen » : une grande étoile rouge, une bande tricolore sur le nez, une longue flèche d’argent, 2 léopards (insigne de NN) et la croix de Lorraine. L’un de ces Yak-3 est exposé au Musée de l’Air et de l’Espace au Bourget.
Après la guerre, les pilotes survivants vont poursuivre des carrières différentes. Certains resteront dans l’armée comme le général Louis Delfino ou l’amiral André Jubelin. D’autres vont faire des carrières politiques comme Pierre Poyade ou revenir dans la vie civile.
L’héritage de « Normandie-Niemen » en France et en Russie :
Depuis 2011, c’est le régiment 2/30 qui perpétue la tradition et porte aujourd’hui le nom de « Normandie-Niemen » (nommé familièrement « Neu-Neu »). Il est rattaché à la Base aérienne 118 « colonel Rozanoff » à Mont de Marsan.
Après la guerre, les pilotes français et leurs mécaniciens soviétiques ont gardé des liens d’amitié. Des associations de vétérans ont été crées dans les 2 pays. Après leurs disparitions, les familles continuent d’honorer leurs mémoires.
Il y a 5 ans, Anne-Marie Guido, la fille de Maurice Guido (1915-1983) a transmis au Musée de la Victoire de Moscou les effets personnels de son père : ses décorations, carnets individuels, photos etc.
« C’est magnifique de voir que vous vous souvenez tant du Normandie-Niemen, que vous l’apprenez à vos enfants à l’école. En France c’est un petit peu oublié », fait part Marie Guido lors de son interview à RBTH (27 novembre 2017).
Cette photo a été prise le 4 juin 2015, 70 ans après le retour du régiment en France, à l’occasion de l’inauguration de l’Espace Normandie-Niemen au Bourget (actuellement le seul musée en France consacré à « Normandie-Niemen »).
Les 5 vétérans-mécaniciens survivants sont venus de différents pays de l’ex-URSS : Kazakhstan, Russie, Moldavie, Biélorussie. Malgré leur âge, ils tenaient absolument à faire ce long voyage pour assister à l’inauguration de ce lieu de mémoire commun. Ils sont entourés de la nouvelle génération des pilotes de régiment « Normandie-Niemen » qui ont fait spécialement un déplacement de Mont de Marsan.
Leurs camarades français ne pouvaient plus être présents : la plupart d’entre eux a disparu, les autres étaient gravement malades mais leurs familles étaient là pour saluer les camarades soviétiques, « les anges gardiens » de leurs pères et de leurs grands-pères.
Le dernier des pilotes français, Gaël Taburet, s’est éteint le 10 février 2017 à l’âge de 97 ans à Cannes.
L’année dernière la France et la Russie ont rendu hommage au Docteur Valentin Ogourtsov (1926 -2021), dernier mécanicien résidant en Russie. Il est décédé à Iaroslavl à l’âge de 95 ans. Mais en Moldavie, à Tiraspole, vit encore Igor Ilyin, le dernier mécanicien soviétique mais aussi poète, écrivain, journaliste.
Malgré l’exploit de ce régiment, le « Normandie-Niemen » est très peu connu en France. Le rôle de l’URSS dans la victoire de la Seconde Guerre mondiale est minimisé en Occident et l’épopée du « Normandie-Niemen » n’est pas enseignée à l’école. Contrairement aux Russes, les Français ne connaissent pas l’importance de ce régiment.
En Russie, la popularité de ce régiment est équivalente à celle de Notre-Dame de Paris ou de la Tour Eiffel. Un des pilotes français se souvient d’un épisode émouvant lors de sa venue à Moscou. En apprenant qu’il était un pilote du « Normandie-Niemen », le chauffeur de taxi a refusé catégoriquement d’être payé. Pour ce dernier, c’était un honneur de conduire un pilote du « Normandie-Niemen » !
Les plusieurs écoles russes portent le nom de ce régiment. L’histoire du « Normandie-Niemen » est inscrite au programme scolaire. Sur les lieux de batailles et de passage du « Normandie-Niemen » ont été construit des musées ou des monuments en sa mémoire.
« Il ne s’agit évidemment pas d’arithmétique. Que signifiait un groupe de pilotes, même des meilleurs et des plus hardis, dans un combat gigantesque où l’on s’affrontait par millions ? Il s’agit d’amitié, d’élan du cœur, qui sont plus chers aux peuples que tous les discours et les déclarations. Il s’agit du sang versé sur la terre russe. Et la Russie n’oubliera jamais que les Français, pilotes au « Normandie », sont venus chez nous avant Stalingrad ». Ces mots du journaliste de guerre et écrivain soviétique Ilya Ehrenbourg (1891-1967), compagnon de « Normandie-Niemen », décrivent parfaitement ce que représente pour la Russie l’engagement des pilotes français auprès de l’Armée rouge pendant la Seconde guerre mondiale.
La Maison « Normandie-Niemen », lieu de mémoire
La Maison « Normandie-Niemen » (sis 29, quai Pretchistenskaïa à Moscou) est un de ces lieux de mémoire pour ceux qui connaissent l’histoire de ce régiment hors paire.
L’immeuble, situé sur les bords de la Moskova, a été construit en 1904 par le marchand et amateur d’art Ivan Tsvetkov pour y abriter sa collection de gravures. En 1909, Tsvetkov a fait don de son « palais-musée » à la ville de Moscou. Pendant un certain temps, il était une succursale de la galerie Tretiakov. Dans les années 30, la collection est répartie entre les musées, tandis que le palais est transformé en logements collectifs.
En 1942, le gouvernement soviétique y installe « la mission militaire française » aux ordres du général Ernest Petit, envoyé par le général de Gaulle en tant qu’attaché militaire de la « France libre ». C’est ici que le général Petit prépare l’arrivée du groupe de chasse « Normandie ». C’est dans cette résidence, lors de sa première visite à Moscou en décembre 1944, que le général de Gaulle a remis les distinctions françaises et soviétiques aux pilotes français. Quelques officiers soviétiques ont reçu également des mains du Général l’ordre de la Légion d’honneur. Parmi les récipiendaires soviétiques il y avait le général Stepan Levandovitch, le parrain du « Normandie-Niemen » et le général Gueorguï Zakharov, commandant de la 303e division soviétique à laquelle était rattachée le groupe de chasse « Normandie ».
Après la guerre, ce palais est devenu la résidence officielle de l’Attaché militaire français.
La façade de l’immeuble porte une plaque commémorative rappelant la mémoire des 42 pilotes français tombés sur le front soviétique. Cette plaque a été inaugurée le 18 mai 1956 par Guy Mollet, alors Président du Conseil, en présence du Maréchal Gueorguï Joukov, à l’époque ministre de la Défense.
C’est un lieu incontournable pour toutes les délégations officielles.
La délégation de la Renaissance Française a eu le privilège d’y être reçue en juin 2013 par le général Guy Nuyttens, Attaché de Défense de l’époque.
Malheureusement, en 2018, la France a abandonné la location de cette résidence la jugeant trop couteuse. Depuis, elle sert de résidences aux diplomates étrangères.
Actuellement y loge l’Ambassadeur du Liban. Toutefois, la plaque commémorative en mémoire des 42 pilotes français y figure toujours.
« Normandie-Niemen » et le Nord de la France
En tant que présidente de la délégation Nord-Pas-de-Calais de la Renaissance Française, délégation fondée en 1982 par Maurice Schumann (porte parole de la France libre), je souhaiterais évoquer la mémoire des 4 pilotes du « Normandie-Niemen » originaires du Nord.
Voici leurs histoires :
Raymond Derville (1914-1943)
Raymond Derville est né le 27 février 1914 à Roubaix (Nord). Il est le fils de Louis Derville, négociant en bois et d’Elisabeth Toulemonde.
Passionné d’aviation, il prend ses premières leçons de pilotage à l’aéro-club de Lille-Ronchin. Diplômé de l’HEC, il s’engage dans l’Armée de l’Air en 1935.
Lorsque la France entre en guerre en septembre 1939, il est mobilisé et suit la formation des élèves officiers de réserve (EOR). Au moment de l’armistice, Raymond Derville refuse la défaite et décide de gagner l’Angleterre afin de poursuivre le combat. À son arrivée en Angleterre, il fait le choix de répondre à l’Appel du général de Gaulle et s’engage dans les FAFL. Il va suivre le parcours des écoles de la RAF (Royal Air Force) et en mai 1941 obtient son brevet de pilote de chasse. À l’occasion de la visite du général Valin au Moyen-Orient en mai 1942, apprenant qu’une escadrille est en voie de création pour combattre sur le front russe et que l’on demande des volontaires, Raymond Derville s’inscrit immédiatement. Il fait ainsi partie des 14 premiers pilotes de « Normandie », et arrive en URSS le 28 novembre 1942.
Le 13 avril 1943, Raymond Derville abat un Focke-Wulf Fw 190, mais au cours de ce même combat aérien, il disparaît dans le secteur de Spas-Demiansk. Son Yak s’écrase sur les lignes allemandes, probablement près du village de Krassilino.
Ce 13 avril 1943, « Normandie » enregistre ses premières pertes avec les disparitions de Raymond Derville et de ses deux camarades, Marcel-Yves Bizien et André Poznanski.
Raymond Derville a très probablement été fait prisonnier et exécuté par les Allemands. Le maréchal Wilhelm Keitel, chef de l’état-major suprême allemand, a donné l’ordre stipulant que tous les pilotes français capturés sur le front russe doivent être fusillés sans jugement.
Le lieu de sa sépulture demeure à ce jour inconnu.
Cité à l’ordre de l’armée aérienne, chevalier de la Légion d’honneur, le lieutenant Raymond Derville est aussi titulaire de la Croix de guerre 39-45, la Médaille de la Résistance française et la Médaille coloniale.
Jules Joire (1914-1944)
Jules Joire est né le 29 août 1914 à Roubaix (Nord).
Son père est un banquier du Nord. Le siège de la « Banque Joire » est situé au n° 49 de la rue de Lille, à Tourcoing (la banque Joire est rattachée actuellement à la Banque populaire). En octobre 1934, Jules Joire est admis à l’école de pilotage d’Istres, où il obtient quelques mois plus tard son brevet de pilote militaire.
Refusant la défaite, il parvient à regagner l’Angleterre pour rejoindre les FAFL.
Il se porte ensuite volontaire pour la première expédition des Forces françaises libres en Afrique-occidentale française.
Jules Joire est désigné pour faire partie des plénipotentiaires dont la mission consiste à prendre contact avec les forces de Vichy et les convaincre de rallier le général de Gaulle afin de continuer la lutte auprès des Anglais.
Malheureusement il est arrêté et emprisonné à Dakar. Inculpé de haute trahison par le gouvernement de Vichy, après 2 mois de prison, il est gracié le 2 janvier 1941.
Après de nombreuses tentatives, il rejoint l’Afrique du Nord en 1943.
Dès son arrivée à Alger, l’adjudant-chef Joire se porte volontaire pour les renforts destinés au groupe de chasse « Normandie ». Il rejoint sa nouvelle unité à Sloboda début octobre 1943. Le 18 mars 1944, le jour de sa promotion au grade de sous-lieutenant, il effectue le vol d’entrainement à Toula. Son avion percute celui de Maurice Bourdieu à la sortie d’un nuage. Jules Joire parvient à sauter en parachute, mais dans sa descente, il est rattrapé par son avion qui lui arrache son parachute et il meurt en s’écrasant au sol. Cruelle ironie du destin pour Jules Joire, qui lui fait trouver la mort le jour où il devait apprendre sa promotion.
Roland de la Poype se souvient avec beaucoup d’émotion de ce jour noir pour « Normandie » :
« … des fantassins russes découvrent le corps de Joire intact, parmi les débris de son avion. Sous une tempête de neige, nous enterrons nos deux camarades dans un boqueteau de bouleaux. Nous retenons avec peine nos larmes en voyant les pauvres cercueils de bois blanc descendre dans la terre glacée… La mort de Jules Joire, « Julot », le petit gars de Roubaix, nous touche beaucoup. Fervent patriote… »
Chevalier de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération, Jules Joire est aussi titulaire de la Croix de guerre 39-45, la Médaille de la Résistance française, la Médaille des blessés et la Médaille des évadés.
Après avoir été inhumé à Moscou au cimetière Vvedenskoé, à la demande de sa famille, son corps a été restitué à la France en 1953. Il repose désormais au cimetière militaire de Tourcoing (Nord). Cette même commune de Tourcoing, en baptisant une rue « Jules et Jean Joire », lui rend hommage, ainsi qu’à l’un de ses frères, Jean, qui a trouvé la mort lors de la Bataille du Monte Cassino.
Jean-Jacques Deschepper (1922 – 1994)
Jean-Jacques Deschepper est né le 3 septembre 1922 à Roubaix (Nord).
Fils d’aviateur, il est mobilisé en 1941 à l’âge de 18 ans. Bien décidé à rejoindre l’aviation de la France libre, il parvient à gagner l’Afrique du Nord. Il s’engage dans l’armée de l’Air le 29 décembre 1942, à Alger.
joint « Normandie-Niemen » en février 1945. Il rentre en France avec son Yak-3 et se pose au Bourget le 20 juin 1945.
Démobilisé en 1946, il devient expert en assurances mais il n’abandonne pas l’aviation. Il poursuit la carrière dans la réserve active à la 10e Escadre de chasse.
Nommé lieutenant le 25 juin 1947, il devient le premier pilote de réserve à franchir le mur du son.
Promu capitaine en janvier 1955, puis commandant en juin 1962, il accède au grade de lieutenant-colonel le 1er octobre 1969. Il totalise 1345 heures de vol.
Chevalier de la Légion d’honneur, officier de l’ordre national du Mérite, il est aussi titulaire de la Médaille de l’aéronautique et la Médaille des services militaires volontaires.
Le lieutenant-colonel Jean-Jacques Deschepper est décédé le 11 avril 1994. Il repose au cimetière de Croix (Nord).
Emmanuel Brihaye (1913-2004)
Emmanuel Brihaye est né le 30 septembre 1913 à Glageon (Nord).
En 1936, il obtient son diplôme d’ingénieur à l’Ecole centrale de Paris.
Le 15 octobre 1936, il entre dans l’armée de l’Air pour effectuer son service militaire, puis il signe un engagement comme officier de carrière.
Volontaire pour les renforts destinés au groupe « Normandie » à la fin de l’année 1943, il rejoint le régiment en URSS le 26 janvier 1944. Il participe à la deuxième campagne et quitte son unité le 12 décembre 1944 avec le groupe de permissionnaires pour la France.
Après la guerre, il est officier d’état-major au bureau des programmes de matériels au ministère de l’Air.
Officier de la Légion d’honneur, commandant de réserve de l’armée de l’Air, il prend sa retraite en 1968 et se retire sur la Côte-d’Azur.
Emmanuel Brihaye est décédé le 22 juin 2004. Il a été inhumé à Antibes (Alpes-Maritimes).
Le 14 octobre 2006, la municipalité de Glageon a rendu hommage au commandant Emmanuel Brihaye en inaugurant une stèle à sa mémoire.
La Renaissance Française et « Normandie-Niemen »
L’exploit du régiment « Normandie-Niemen » dans sa lutte contre le nazisme reste exceptionnel. Devenant présidente de la délégation russe de la Renaissance Française, je me devais de contribuer à sa mémoire.
Durant les 10 ans de ma présidence, j’ai eu l’immense privilège de côtoyer l’une des mémoires vivantes de ce régiment, Docteur Valentin Ogourtsov (1926-2021), mécanicien d’Yves Mourier et celui de Georges Henry. J’ai été très honorée d’être choisie par la famille Mourier de transmettre les cadeaux à la famille Ogourtsov et de devenir, pour ces 2 familles, « un petit pont d’amitié » entre le passé et le présent de ce régiment hors paire.
Fréderic Mourier, le petits fils d’Yves, entretient une correspondance avec Alexandre, fils de Valentin Ogourtsov. Il espère un jour venir à Iaroslavl, en Russie, dans la ville natale de « l’ange gardien » de son grand-père.
Un an avant sa mort, j’ai pu rencontrer Ivan Moltchanov (2018-2016), le doyen des anciens combattants du régiment « Normandie-Niemen ». Je me suis rendue à son domicile pour lui remettre la Médaille d’or de la Renaissance Française en présence des élèves du Lycée français de Moscou et des journalistes français. Malgré son âge (97 ans) et sa santé précaire, il tenait à nous recevoir en tenue d’apparat avec toutes ces nombreuses décorations.
Grâce à « Normandie-Niemen », j’ai également pu faire la connaissance d’Andreï Kovalchuk, auteur de la composition sculpturale « Normandie-Niemen » à Léfortovo, lauréat de la Renaissance Française et Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres. Cette rencontre a donné naissance à d’autres projets communs.
Une amitié de 10 ans nous lie avec l’Association « Mémorial Normandie-Niemen » et celle « Espace Normandie-Niemen ». Ensemble, nous avons pu contribuer à la réalisation du parcours « 5326 km en vélo à la gloire de « Normandie-Niemen » de Jonas Berteau.
Ce sont des rencontres inoubliables.
Texte : Zoya ARRIGNON
Présidente de la délégation de la Fédération de Russie
Présidente de la délégation Nord – Pas- de- Calais
Déléguée de l’ASAF pour Pas- de- Calais
Photos : Zoya ARRIGNON, Mémorial Normandie-Niemen, Yves Donjon, Sergueï Dybov, Nathalia Kroupinina
sources :
• « Ceux de Normandie-Niemen » Yves Donjon, ed. Astoure, 2002 ;
• « L’épopée du Normandie-Niemen », Roland de la Poype , Jean-Charles Stasi, ed. Perrin, 2007 ;
• « Normandie-Niemen » Sergueï Dybov, ed. EKSMO, Moscou 2011 / « Нормандия-Неман » Сергей Дыбов, изд. ЭКСМО, 2011.
• « Une Histoire de la Russie », Jean-Pierre Arrignon, ed.Perrin, 2020
source : La Renaissance française
envoyé par Dominique Delawarde
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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