Pour réduire le pouvoir des grandes sociétés pétrolières étrangères

Pour réduire le pouvoir des grandes sociétés pétrolières étrangères

L’auteur est directeur fondateur du Parkland Institute de l’Université de l’Alberta et membre du Regroupement Des Universitaires
 

DES UNIVERSITAIRES / La production de pétrole et de gaz est la source de pollution par le carbone la plus importante et celle qui croît le plus rapidement au Canada. Cela montre qu’une grande partie du problème se situe du côté de l’offre. Pourtant, le plan climat fédéral cible principalement la demande via des taxes carbone sur les consommateurs. Au lieu de réduire progressivement la production de pétrole et les émissions qui en découlent, le gouvernement fédéral permettra aux grandes sociétés pétrolières d’augmenter leur production, leurs émissions et leurs bénéfices, puis de payer pour la capture de certaines de leurs émissions grâce à des subventions payées par les contribuables. Essentiellement, les Canadiens paient tandis que les grandes pétrolières profitent.
 

Enquête sur l’ACPP

Pour découvrir pourquoi le gouvernement fédéral a laissé les grandes pétrolières s’en tirer à si bon compte, j’ai mené une enquête qui a permis de constater une énorme tromperie. Établie à Calgary, l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) est le principal groupe de pression des grandes sociétés pétrolières. Elle exerce continuellement des pressions sur les gouvernements, se drape dans le drapeau de la feuille d’érable et diabolise les militants écologistes en les accusant d’être non canadiens. Pourtant, les grandes sociétés pétrolières appartiennent en grande partie à des intérêts étrangers et l’ACPP elle-même est financée en grande partie par des intérêts étrangers.

Cela ne l’a pas empêché de lancer une campagne en 2019 contre les « militants anti-pipeline financés par l’étranger » qui ont soutenu « une démarche concertée pour mettre fin à notre industrie ».
 

Le gouvernement de Jason Kenney

Jason Kenney, chef du Parti conservateur uni de l’Alberta, a répondu à l’appel de l’ACPP et a promis que, si son parti remportait les élections provinciales de 2019 en Alberta, il mettrait sur pied un « centre de crise » et une enquête publique pour faire la lumière sur « les énormes sommes d’argent » que des fondations américaines auraient versées à des groupes environnementaux canadiens pour enclaver le pétrole de l’Alberta.

M. Kenney a remporté les élections et mis sur pied l’enquête publique. Il a suivi la piste de l’argent et a constaté que le financement étranger annuel des environnementalistes qui tentaient de bloquer les flux de pétrole de l’Alberta était minime et inférieur au coût de l’enquête publique elle-même.

Néanmoins, la ministre de l’Énergie de l’Alberta, Sonya Savage, a qualifié de « réelle préoccupation » le fait qu’un groupe « influence le cadre politique et réglementaire en utilisant des fonds étrangers ».
 

LA bonne question à poser

D’accord. Alors, pourquoi son gouvernement n’a-t-il pas demandé à la commission d’enquête publique d’examiner les flux beaucoup plus importants d’argent du pétrole étranger qui alimentent massivement les débats sur l’énergie et le climat au Canada? Toutes les grandes sociétés pétrolières et gazières qui exercent leurs activités au Canada appartiennent en totalité ou en majorité à des intérêts étrangers. Le financement étranger, c’est de la propriété étrangère.
 

L’ACPP

L’ACPP et les grandes sociétés pétrolières pour lesquelles elle fait du lobbying sont la principale raison pour laquelle le Canada est de loin le pire pays du G-7 au chapitre de la pollution par le carbone. Les émissions du pétrole et du gaz dépassent celles de tous les modes de transport au Canada. Alors que les émissions des États-Unis et du Japon sont à peu près au niveau de 1990, celles du Canada ont augmenté de 21%. Celles de l’Union européenne et de la Grande-Bretagne ont baissé de 25% et de 40%, respectivement.

Après les allégations d’ingérence russe dans les élections présidentielles américaines de 2016, Ottawa a interdit une telle ingérence, mais, dans le secteur pétrolier, Ottawa a laissé une échappatoire dans laquelle l’ACPP s’est largement immiscée.
 

Ingérence électorale

Le Canada a interdit aux « entités étrangères », y compris les « sociétés hors du Canada », de faire des dépenses électorales, mais non aux sociétés étrangères ayant leur siège social au Canada. Il faut éliminer cette échappatoire.

Où l’ACPP obtient-elle des fonds pour embaucher 36 lobbyistes à temps plein, dépenser beaucoup d’argent en publicité et financer des groupes de façade, comme le Canada’s Energy Citizens, qui se font passer pour des citoyens? Les revenus de l’ACPP ne sont pas dévoilés publiquement, mais on peut facilement estimer que 97% de ceux-ci proviennent de sociétés étrangères membres, parce que les droits d’adhésion sont fondés sur leur production de pétrole et que 97% du pétrole produit par les membres du conseil d’administration de l’ACPP provient de sociétés étrangères.
 

Influence politique étrangère

Mon enquête a révélé que 77% des sociétés siégeant au conseil d’administration de l’ACPP en 2020 étaient entièrement ou majoritairement des sociétés étrangères.

Quand les grandes sociétés pétrolières étrangères parlent, Ottawa écoute. Elles ont eu 11 452 contacts avec les représentants du gouvernement fédéral entre 2011 et 2018, et ont tenu trois réunions par semaine au cours de la première année de la pandémie. Elles disent aux gouvernements de cesser de produire du pétrole, mais exigent d’énormes subventions, y compris une demande récente de 32 milliards de dollars pour le captage du carbone. L’ACPP prétend que l’industrie pétrolière est le fondement de l’économie canadienne. C’est faux. L’industrie emploie directement moins de 1% des travailleurs canadiens.
 

Recommandations

Dans mon rapport, je recommande que les gouvernements fédéral et provinciaux se joignent aux mesures prises par les États-Unis pour interdire aux sociétés étrangères de s’ingérer dans les élections. Les sociétés influencées par l’étranger sont celles dont 5% appartiennent à un gouvernement étranger, 20% à un seul propriétaire non gouvernemental, ou 50% à des intérêts étrangers divers.

Si le Canada veut vraiment réduire ses émissions et respecter ses obligations internationales, il doit rapidement réduire la production pétrolière, appuyer généreusement les travailleurs du secteur pétrolier dans la transition, freiner l’influence des grandes pétrolières en révélant qu’elles se font passer pour des Canadiens et interdire leur ingérence dans le financement des élections.

Gordon Laxer est l’auteur du rapport « Posing as Canadian. How Big Foreign Oil Captures Canadian energy and climate policy », publié par le Conseil des Canadiens et le Centre canadien de politiques alternatives. Ce rapport est disponible à www.gordonlaxer.com.

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