par Nadim Nashif.
La communauté internationale doit absolument se positionner contre les opérations de surveillance de plus en plus invasives d’Israël, explique Nadim Nashif.
Que ce soit en Cisjordanie occupée, à Gaza ou en Israël, les Palestiniens vivent sous un nuage permanent de surveillance israélienne. Parmi les récentes révélations, citons le déploiement par l’armée israélienne de la technologie de reconnaissance faciale Blue Wolf, qui aurait été couronné par un concours décernant un prix aux soldats israéliens qui avaient photographié le plus de civils palestiniens, et l’installation du logiciel espion Pegasus de NSO Group sur les téléphones des défenseurs palestiniens des droits de l’homme.
Si ces révélations ont pu choquer la communauté internationale, les Palestiniens savent depuis longtemps qu’Israël utilise les territoires occupés comme laboratoire pour tester des technologies de surveillance invasives.
Cela permet aux entreprises israéliennes d’exporter leurs technologies dans le monde entier avec l’estampille « testées sur le terrain ».
En plus de violer les droits de l’homme des Palestiniens, la surveillance israélienne des communautés palestiniennes pose un grand problème à la communauté internationale.
L’absence de réglementation, de contrôle et de transparence qui entoure la vente et la fourniture d’outils de surveillance constitue une menace pour les communautés marginalisées, les défenseurs des droits humains, les universitaires et les journalistes du monde entier.
Des gouvernements, qui partagent les mêmes façons de voir qu’Israël, s’inspirent de plus en plus de ses techniques pour surveiller leurs propres citoyens, ce qui met la communauté internationale dans l’obligation de prendre des mesures pour protéger le droit à la vie privée.
De fait, les systèmes de surveillance israéliens sont devenus un élément central du contrôle de la vie quotidienne des Palestiniens.
Depuis le début de l’occupation en 1967, Israël a progressivement renforcé son contrôle des technologies de l’information et de la communication en Cisjordanie et à Gaza, au mépris des accords d’Oslo, qui exigeaient qu’Israël transfère progressivement le contrôle aux Palestiniens.
Cela a entraîné de graves violations des droits numériques des Palestiniens, avec notamment un système d’accessibilité à plusieurs niveaux qui permet aux Israéliens de bénéficier d’un accès à la 5G, tandis que les Palestiniens de Cisjordanie occupée n’ont accès qu’à la 3G, et Gaza à la 2G.
Chantage
Israël interdit toute avancée technologique aux communautés palestiniennes, tout en contrôlant l’infrastructure qui sous-tend l’État de surveillance.
Un lanceur d’alerte appartenant à l’armée israélienne a récemment révélé que les autorités israéliennes ont les moyens d’écouter n’importe quelle conversation téléphonique en Cisjordanie et à Gaza. Sans compter que tous les téléphones mobiles importés à Gaza par le check point de Kerem Shalom sont équipés d’un mouchard israélien.
La très controversée Unité 8200 d’Israël utilise ces techniques de surveillance pour repérer les Palestiniens qu’il est possible de faire chanter pour les contraindre à devenir des informateurs.
L’Unité recherche souvent des Palestiniens homosexuels et les menace de révéler leur orientation sexuelle à leurs amis et à leur famille, ce qui peut leur causer de gros ennuis, s’ils n’acceptent pas de devenir des informateurs et d’espionner leur communauté pour le compte du gouvernement israélien.
Au cours des cinq dernières années, les méthodes de surveillance israéliennes se sont notablement accrues et diversifiées.
Israël a encouragé le secteur de la technologie et de la sécurité à créer des algorithmes et des outils de surveillance pour passer au crible le contenu des médias sociaux palestiniens, et a fait arrêter, depuis 2015, des centaines de Palestiniens pour « incitation sur les médias sociaux », grâce à son programme controversé de police prédictive.
La « pandémie de Covid-19 » a exacerbé la situation, car Israël a utilisé le prétexte de la santé publique pour déployer de nouvelles mesures de surveillance invasives.
Les Palestiniens sont, depuis toujours, confrontés à de sévères restrictions de la liberté de mouvement et ne peuvent se déplacer sans permis, mais, à la faveur de l’épidémie, Israël a lancé l’année dernière une application mobile qui remplace les services de délivrance de permis en présentiel.
L’application a été présentée comme une mesure de santé publique, mais son objectif est en réalité beaucoup plus pervers, comme on peut le voir dans ses conditions de service qui obligent les utilisateurs à donner, à l’État d’occupation, accès aux données stockées sur leur téléphone, telles que les appels et les photos.
Cette mesure est d’autant plus problématique que ces services revêtent une importance capitale pour de nombreux Palestiniens.
Sans les permis appropriés, il peut être difficile de trouver du travail dans les petites zones géographiques auxquelles sont confinés de nombreux Palestiniens.
La réponse d’Israël à l’épidémie a donc obligé les Palestiniens à choisir entre la possibilité de gagner leur vie et leur droit à la vie privée.
Caméras en circuit fermé
Dans le même temps, la vidéosurveillance et les logiciels de reconnaissance faciale sont une réalité quotidienne pour les Palestiniens. En 2000, plusieurs centaines de caméras de télévision en circuit fermé (CCTV) ont été installées dans la vieille ville de Jérusalem.
En 2015, ce système a été considérablement étendu, et aujourd’hui, la technologie de reconnaissance faciale est devenue si répandue que de nombreux Palestiniens ne se sentent même plus en sécurité dans leur propre domicile.
Certaines caméras de vidéosurveillance sont positionnées de telle sorte qu’elles peuvent voir ce qui se passe dans les maisons privées, ce qui conduit certaines femmes à dormir avec leur hijab, tandis que d’autres familles hésitent à laisser leurs enfants jouer dehors.
Les caméras ont supprimé la notion même de vie privée.
Alors que le système de surveillance israélien est clairement bâti sur la violation des droits fondamentaux des Palestiniens, y compris leur droit à la vie privée, la réponse des gouvernements du monde entier a été lente et molle.
Les efforts des organisations de la société civile et des défenseurs des droits numériques sont donc essentiels pour accroître la pression publique sur les sociétés de surveillance.
En réponse à la pression croissante, les États-Unis ont récemment inscrit NSO Group et Candiru sur une liste noire, en disant qu’ils « ont développé et fourni des logiciels espions à des gouvernements étrangers qui ont utilisé ces outils pour cibler de manière malveillante des responsables gouvernementaux, des journalistes, des hommes d’affaires, des militants, des universitaires et des employés d’ambassades ».
Et l’année dernière, Microsoft, aux prises avec un audit public déterminé, a annoncé qu’il allait vendre sa participation dans la société israélienne de reconnaissance faciale AnyVision.
Cependant, ces avancées ne sont pas suffisantes pour résoudre les problèmes systémiques que posent ces systèmes de surveillance israéliens déjà bien enracinés, et l’expérimentation de ces technologies sur les Palestiniens.
Les gouvernements du monde entier doivent, d’une part, exiger que le développement et le déploiement des technologies de surveillance soient réglementés et transparents, et, d’autre part, sanctionner les entreprises qui exploitent des communautés marginalisées pour tester leurs produits.
source : https://www.middleeasteye.net
traduction Dominique Muselet
via https://www.chroniquepalestine.com
illustration : Des Palestiniens franchissent un poste de contrôle militaire israélien séparant Jérusalem-Est occupée de la Cisjordanie. Ce qui était un cauchemar pour Orwell dans son roman « 1984 » est en train de devenir la norme en Palestine occupée – Photo : Emil Salman via imeu.org
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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