Lancé en 2013, Financial Afrik est un magazine panafricain spécialisé dans l’information financière et économique, dont la direction est basée à Dakar, Douala et Lomé. Il revendique une ligne éditoriale panafricaine. Adama Wade est son directeur de publication. Il répond ici aux dernières interventions de Jean-Yves Le Drian ~ Danielle Bleitrach
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par Adama Wade.
Retardée par la chute de Kaboul, la tournée africaine (Nigeria, Sénégal et Kenya) du secrétaire d’État américain aux affaires étrangères Antony Blinken a enfin eu lieu, parsemée de petites piques envers le géant chinois et de déclarations d’intentions. Alors que Pékin envisage des concertations concrètes sino-africaines à Dakar, Washington promeut un sommet virtuel sur les démocraties et Paris s’émeut, via son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, appelant à la création d’un « new deal » avec l’Afrique pour lequel il n’y a ni schéma ni chiffres. « Nos concurrents n’ont ni tabous, ni limites » a affirmé Jean-Yves Le Drian, en désignant la Chine et la Russie, taxées de partenaires « prédateurs ».
Une manière, vieille, pour l’Occident d’enrober ses intérêts stratégiques (sécuriser ses sources d’énergie et s’assurer l’accès aux mineras et terres rares) derrière les belles intentions civilisatrices et démocratisantes et son messianisme droit-de-lhommique.
En face, la Chine, destinataire du cinquième des exportations mondiales de matières premières, avance démasquée, le chéquier à la main. Lors du septième forum sino-africain en 2018, le président Xi Jinping avait promis 60 milliards de dollars à l’Afrique dont une ligne de crédit de 20 milliards de dollars, un fonds de 15 milliards de dollars de financement des importations africaines, 15 milliards de dollars d’aide gratuite et de prêts sans intérêts, assortis d’un engagement à annuler la dette des pays les plus pauvres, des pays insulaires et enclavés. Pendant ce temps, le locataire de la Maison Blanche traitait l’Afrique de « pays de merde » et tentait, entre autres, de mettre le Rwanda au pas pour avoir envisagé d’interdire les friperies américaines dans le cadre de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), une loi Bill Clinton lancée en 2000 et à l’efficacité discutable.
Alors que les grandes institutions financières occidentales réduisent la voilure sur l’Afrique (Barclays, BNP Paribas), les chinoises continuent de planter leur fanion en prévision de la Route de la Soie. Les entreprises de l’Empire du Milieu dominent le secteur des infrastructures où elles sont concurrencées non pas par leurs homologues d’Europe et d’Amérique mais par les groupes turcs et brésiliens. Mais si l’Occident a perdu le match sur le terrain des infrastructures et du financement, il peut toujours le gagner sur le tapis vert à travers un arbitre comme le FMI, épouvanté par l’augmentation de l’endettement des pays africains vis-à-vis de Pékin. Le Ghana a eu à s’en expliquer. Le Congo et le Mozambique aussi. Le Djibouti beaucoup plus, lui qui a vu sa dette envers le pays de Confucius passer de 50 à 85% du PIB en deux ans.
Selon le cabinet américain China Africa Research Initiative (Cari), basé à Washington, la Chine a prêté à l’Afrique un total de 125 milliards de dollars entre 2000 et 2016. C’est plus que ce que toutes les initiatives de la Banque mondiale, du FMI et du G20 promettent à l’Afrique à longueur des forums et des initiatives. En fait, le continent africain a affaire à deux concurrents : d’abord un partenaire pragmatique, qui a une surface financière intéressante et qui ne s’embarrasse pas de principes. Puis, en face, un ancien partenaire donneur de leçons et gardien des normes financières et commerciales mondiales (qui peuvent toujours être brandies) qui prétend voler au secours de l’Afrique. Sans opter forcément pour l’un ou l’autre, à concurrence de la sauvegarde de ses intérêts, l’Afrique doit poursuivre son travail d’intégration, sa logique horizontale qui lui permettra, à travers la Zone de Libre-Échange continental (ZLECA), de parler d’une seule voix face aux logiques verticales de ses partenaires qui veulent la cantonner dans son rôle de réservoir de réserves pétrolières et minières et, tout au plus, d’enjeu géopolitique à l’heure où les carottes semblent cuites sur la mer de Chine. Les réactions des officiels africains sont en tout cas explicites.
La Chine offre « une grande opportunité » pour un pays ayant besoin d’infrastructures, a dit le ministre nigérian des Affaires étrangères, Geoffrey Onyeama, en échos aux déclarations du secrétaire d’État américain aux Affaires étrangères. Et d’enfoncer le clou : « Nous serions allés avec n’importe qui d’autre fournissant quelque chose à un taux compétitif pour nous ». Une déclaration à rattacher à celle du président rwandais Paul Kagame lors de la World Policy Conférence au Maroc en octobre 2019 : « L’Afrique n’est le prix à gagner ou à perdre pour personne. Pas du tout (…). Il est de notre responsabilité, en tant qu’africains, de prendre en charge nos propres intérêts et de développer notre continent à son plein potentiel. En réalité, cela a toujours été la question principale. Nous avons attendu beaucoup trop longtemps, en fait pendant des siècles ».
Limités dans leurs capacité d’endettement et ne pouvant plus donner de garanties souveraines aux bailleurs occidentaux (intransigeants sur cette question), les pays africains se tournent de plus en plus vers les BRICS. Et ce ne sont pas les cris d’orfraie à propos du « piège de la dette » qui les retiendront vu que, pour le moment, les principaux « pièges » semblent être les contrats signés avec certaines multinationales du Nord à travers les zones exclusives de règlement des différends que sont les tribunaux londoniens ou américains. Le cas du dossier du « Tchad face à Glencore » est suffisamment illustrateur de la théorie du « piège de la dette », théorie nourrie par la mauvaise gouvernance de nos États combinée à l’appétit vorace et sans pitié des partenaires.
source : https://histoireetsociete.com
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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