Quand il a été demandé au président Kaïs Saïed si, aux présidentielles, candidat, il comptait se porter
Il avait alors rétorqué que « le problème n’est pas s’il allait se porter candidat ou non, mais que c’était
Une question de vie ou de mort ». Rien que ça ! Cela s’est passé, dans la ville de Monastir, le 6 avril dernier [1]
Mon étonnement face à cette exagération, une fois candidat déclaré, s’est retrouvé injustifié
Car, depuis qu’il a présenté sa candidature, notre candidat-président apparaît de plus en plus inquiet
Et les derniers développements montrent qu’il commence vraiment à s’affoler
En effet, lui, quand il était candidat, il y a cinq ans, il s’était insurgé
Qu’on puisse proposer que la Loi électorale, par voie parlementaire, soit amendée
À quelques mois du scrutin, « il s’agit d’assassiner la démocratie », a-t-il clamé
« Il s’agit d’assassiner la république, c’est, à mettre les lois à sa mesure, chercher
Pour rester au pouvoir et exclure ses rivaux. C’est à travers le référendum que devrait
Être amendée la Loi électorale, loi qui n’est pas simplement un vote pour une idée
C’est aussi et surtout le choix d’une personne, et ce choix ne peut pas être issu d’un comité
Mais de l’électeur lui-même, la question est une question de principe », a-t-il développé
« En matière de Loi électorale, la parole et au peuple et non aux députés », a-t-il martelé
En se référant au général De Gaulle, et ce, en lisant ses notes, et également à Michel Debré :
« Michel Debré parle de la mort de l’État républicain : » La Loi électorale n’est pas un procédé
Secondaire, croire à cela est une erreur monumentale, car, le pouvoir et la démocratie sont créés
Par la Loi électorale, et par elle peuvent être assassinés » ». Par suite, il a résumé ses idées
Propres : « On ne doit absolument pas pouvoir changer le Code électoral pendant que, au pouvoir, on est
Le changer à ses mesures, car, ceci représente l’assassinat de la démocratie, comme cela s’est passé
En Tunisie où les lois sont faites sur mesure ». Ce bel engagement, le candidat Kaïs Saïed, l’a exposé [2]
Il y a cinq ans. Mais, aujourd’hui, le candidat président Kaïs Saïed, sur ce beau discours, il s’est rétracté
À seulement deux semaines de l’élection présidentielle, tous ces nobles principes, il les a reniés [3]
Lui, qui, il y a cinq ans, s’était insurgé qu’on puisse proposer que la Loi électorale soit amendée
Par voie parlementaire, il a décidé d’évincer ce Tribunal administratif qui dérange ses projets
En chargeant son parlement d’amender la Loi électorale afin que ce rabat-joie soit éloigné
Du traitement des litiges électoraux de toutes sortes qui, à la justice ordinaire seront confiés
En plus, l’amendement proposé énonce clairement que les nouvelles dispositions seront appliquées
Ça va de soi, au scrutin présidentiel de 2024 qui, à la première semaine d’octobre, est programmé
Afin de légitimer les manœuvres dont le but est de, une présidentielle sur mesure, se tailler
Il convient de noter que le projet de cet amendement, le vendredi 20 septembre, a été déposé
Bien que l’on soit en vacances législatives, le même jour, le bureau de l’ARP a eu le temps de l’étudier
Et l’a transféré à la Commission de législation générale, alors que le bureau de l’ARP, en juillet
A rejeté une demande présentée par pas loin de la moitié des membres du parlement pour examiner
Des propositions de loi urgentes, pendant les vacances législatives ; là, ces vacances, il ne faut pas les perturber ! [4]
Célérité dans le parcours du dit amendement, lors des étapes des projets de loi, jamais égalée
J’ai dit « son parlement », car, seulement un Tunisien sur dix, aux dernières élections législatives, a voté
Que l’on est loin de sa rhétorique de « démocratie réelle », par le slogan « Du village à Carthage », résumée
Alors que la réalité est une autocratie partant de Carthage vers le village le plus reculé
Avilissant corps intermédiaires, société civile, partis politiques, citoyens lambda et députés
Finalement, tout ce beau monde se comporte avec la Tunisie comme étant leur propriété privée
Jouant, dangereusement, avec le cap du destin du pays et de notre collective destinée
Certains d’entre eux n’agissent pas de leur plein gré, mais, par la force de qui vous savez, se trouvent obligés
Qui, à travers des institutions spécifiques interposées, d’abord l’ISIE, et, aujourd’hui, l’ARP
Essaye, par tous les moyens, de conserver le pouvoir, même s’il fallait jouer avec la Crédibilité
De l’État de droit, en le rendant incapable de faire appliquer les décisions judiciaires qui iraient
À l’encontre de sa réélection, émanant du Tribunal administratif, seule autorité
En la matière, en confiant ses prérogatives à la justice judiciaire qu’il a déjà apprivoisée
Par sa déclaration putschiste de juillet, quand il s’est autoproclamé, entre autres, président du parquet [5]
En ayant toute latitude de nommer les juges, les déplacer, les muter, les congédier, comme il voudrait
D’ailleurs, la garde des Sceaux « s’est imposée comme un rouage essentiel de son équipe, en particulier
Dans un contexte de campagne électorale où les juges ne sont, très loin des candidats, jamais » [6]
Je disais donc, en confiant ses prérogatives à la justice judiciaire qu’il a déjà apprivoisée
Par son « autoritarisme populiste en forme de coup d’ État permanent », comme Jeune Afrique l’a exprimé [7]
Dans une enquête qui lui a été consacrée, ce qui ne lui a pas plu, et Jeune Afrique, il l’a censuré [8]
Censure que l’Histoire retiendra parmi les caractéristiques de son mandat liberticide confirmé
Comme étant la première censure depuis 14 ans, depuis notre Révolution du 14 janvier
La grande peur du candidat-président sont les recours de la justice administrative qui pourraient
Invalider sa réélection, justice qui s’est déjà opposée aux injustices par l’ISIE opérées [9]
À son profit ; lui qui s’imaginait déjà réélu, est tombé dans l’impulsivité d’imaginer
Un changement des règles du jeu en cours de partie, alors que la campagne a déjà commencé
Seulement à deux semaines du jour du scrutin : ce qui, officiellement, la mort de l’État de droit, scellerait
Jusqu’à la dernière minute, il cherchera tous les subterfuges, si réprimables soient-ils, pour, au pouvoir, rester
Il tient à tout prix à éradiquer le risque de voir sa réélection, par les juges administratifs, invalidée
Quitte à confirmer le doute, déjà grand, sur l’intégrité du scrutin, par de nouveaux scandales et irrégularités
Une différence de taille existe entre la cour de la justice judiciaire qui est, à 3 magistrats, limitée
Qui sont soumis, depuis son coup d’État, dans tous les aspects de leur carrière, à l’exécutive autorité
Dont la nomination, la promotion, la mutation et la suspension se font au gré de ce dernier
Parce que le jugement qu’il a prononcé n’a pas plu à ladite autorité, plus d’un juge s’est vu muté [9]
« À l’inverse, plusieurs autres ont été promus parce que, des arrestations de politiciens, ils ont décidé » [10]
Alors que celle du Tribunal administratif, en assemblée plénière, de 27 magistrats, est composée
Tous magistrats de haut rang, parmi les plus émérites de la justice administrative qui ont déjà montré
Une indépendance certaine vis-à-vis de l’exécutif, en prouvant qu’ils ne lui étaient pas inféodés
En outre, les litiges électoraux n’ont pas de lien avec les domaines de compétence de la première cour citée
Qui en sont très éloignés : comme si on demandait à un pâtissier de se transformer, illico presto, en boucher
Alors que le Tribunal administratif, dans le traitement de ces litiges, est, par essence, spécialisé
Ce sont des vérités que l’on doit admettre, si l’on est de bonne foi et normalement constitué
La répartition de la justice en ordres judiciaire, administratif et financier est à respecter
Les mélanger, à la carte, pour les besoins de la basse politique, c’est manquer de sens des responsabilités
Première qualité d’un homme d’État qui doit prendre de la distance à l’égard de lui-même, pour le commun intérêt
Quoi qu’il arrive, par ces diverses manœuvres, l’élection de qui vous savez est, d’avance, complètement discréditée
Discréditée aussi par le verrouillage, dans le domaine de l’observation des élections, qu’il a opéré
En interdisant à des associations et observateurs, aussi bien étrangers que nationaux, de superviser
Les élections, gage de garantie de leur transparence, comme ils l’ont déjà fait, lors de toutes les élections passées
Avec professionnalisme et impartialité, salués par tous les experts qui suivent notre actualité
Parmi lesquels on peut citer Mourakiboun et I WATCH qui, les premières marches du podium, ont occupées [11]
C’est la première fois, depuis 2011, que des associations citoyennes, d’observer des élections, sont empêchées
Il fut un temps où le président Kaïs Saïed informait l’UE des crises tuniso-tunisiennes, sans hésiter
À lui exposer son mode de gouvernance. Il fut un temps où l’UE venait à la rescousse des droits et libertés [12]
Quand le régime tunisien les bafouait ; et, c’était bien comme ça, surtout que ce type de relations est justifié
Par les clauses droits de l’homme contenues dans l’article 2 de l’Accord d’association, entre l’UE et la Tunisie, signé
Qui est toujours en vigueur, puisqu’aucune des parties ne l’a dénoncé ; et, il est donc injuste que l’UE soit accusée
Par ce comportement, de s’immiscer dans les affaires intérieures de la Tunisie, puisque l’article 2 le prévoyait
Malheureusement, depuis quelques temps, l’UE réduit à peau de chagrin ce qui lui reste de démocratique crédibilité
Depuis que la question migratoire, par la surenchère des extrêmes droites, en une obsession pan-européenne, s’est transformée
Depuis qu’elle a trouvé dans le régime de Kaïs Saïed un gendarme pour que la migration subsaharienne soit bloquée [13]
Et, tant que ce régime remplira cette mission, du côté de l’UE, pour sa maltraitance des droits humains, il n’aura pas à s’inquiéter
Et cette mission, il la remplit à merveille, selon le ministère italien de l’Intérieur qui, cette semaine, a indiqué
Que « les autorités tunisiennes ont empêché le départ de plus de 61 000 migrants, depuis le début de l’année
Migrants qui voulaient rejoindre les côtes européennes ; un chiffre qui témoigne de l’engagement constant des pays transités
Et d’origine des migrants dans la lutte contre l’immigration irrégulière » , déclaration qui a a été largement diffusée [14]
Un point nous interroge : Dans cette étape perturbée, il n’y a pas eu de réunion du Conseil de sécurité
Nationale ! Cela signifierait-il que les militaires, dans sa quête d’un deuxième mandat, l’ont abandonné
N’appréciant pas le refus à ses opposants de candidater que, avec l’aide de l’ISIE, il a mené
Prenant les élections pour une réunion strictement privée où il pourrait choisir, à sa guise, les invités
Il en est de même de l’absence de brutalités policières, lors des dernières manifestations pour les libertés
Cela indiquerait-il une certaine réserve des sécuritaires envers ce régime qui commence à ressembler
De plus en plus aux pires régimes qui ont provoqué souffrances et malheurs, parce que un homme, messie, s’est déclaré
Dans tous les cas, nos gouvernants devraient revisiter le destin des régimes dictatoriaux qui les ont précédés
Qui croyaient que la dictature est le meilleur moyen de rester au pouvoir, verrouillant tout ce qui peut les menacer
Toute crise politique qui perdure, véhiculée par un pouvoir autocratique, finira, assurément, par l’effondrer
Et qu’ils sachent que la flamme de la Révolution de janvier et son esprit, de nos cortex, ne seront jamais effacés
Portés par notre jeunesse et les vétérans de notre mouvement démocrate qui, eux, par le passé, ont lutté
Pour qu’aujourd’hui, ces gouvernants, bien que n’ayant jamais milité, en quoique ce soit, puissent gouverner
Puisse Dame nature, dans l’avenir, nous protéger, pour que l’alternance politique pacifique dans nos contrées
Ne soit pas sabotée par des concurrents empêchés de candidater, exilés ou incarcérés
Par la volonté d’un président ayant fomenté une dictature constitutionnelle pour qu’il puisse, le pouvoir, garder
Régime secrètement préparé pour que « tous les pouvoirs entre les mains du président de la République soient concentrés » [15]
Lui permettant d’avoir la mainmise sur les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, ainsi que le parquet
En conclusion, quant à moi, cette fois-ci, dans la magique encre électorale, mon index, je ne vais pas le tremper
Pour ce scrutin privé de débats politiques, démocratiques et contradictoires des médias publiques et privées
Privé de ses candidats les plus sérieux qui sont soit exilés, soit emprisonnés, soit interdit de candidater
Les raisons de mon abstention ont été, dans un autre poème, longuement exposées, de façon détaillée [16]
Salah HORCHANI
[1] https://www.businessnews.com.tn/une-election-pour-quoi-faire,519,140662,3
[2] Voir la vidéo suivante, de la minute 40 : 40 à la minute 42 : 00, de la minute 43 : 20 à la minute 43 : 50 et de la minute 45 : 10 à la minute 45 : 20
https://www.youtube.com/watch?v=EJ2Gg_PK3Dg&t=2436s
[3] https://kapitalis.com/tunisie/2024/09/20/projet-damendement-de-la-loi-electorale-le-rtdl-denonce-et-declare-letat-durgence-populaire/
https://kapitalis.com/tunisie/2024/09/20/tunisie-arp-proposition-damendement-de-la-loi-electorale/
[4] l’ARP = l’Assemblée des Représentants du Peuple, l’équivalant de l’Assemblée nationale française. Le taux de participation dans les élections pour la législature actuelle s’est élevé à, environ, 10% (je dis bien 10%).
Ci-dessous, il sera question de l’ISIE = l’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections.
Voir la vidéo suivante, de la minute 0 : 40 à la minute 1 : 50.
https://www.facebook.com/aymen.ben.salah.page.oficielle/videos/2061867707595866
[5] https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/080921/tunisie-monsieur-le-president-kais-saied-de-votre-systeme-n-en-veut-pas
[6] https://www.jeuneafrique.com/1611128/politique/a-tunis-leila-jaffel-confirme-sa-position-cle-dans-le-dispositif-de-kais-saied/
[7] Jeune Afrique, N° 3140, septembre 2024, pages 48-52.
[8]https://www.facebook.com/photo/?fbid=1775511849888203&set=a.120896128683125
[9] https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/020924/tunisie-farouk-bouasker-surnomme-par-jeune-afrique-l-homme-de-kais-saied
[10] https://www.businessnews.com.tn/mawadda-jmei-elle-leur-a-montre-la-liberte-ils-ont-regarde-le-doigt,519,141209,3
[11] https://lactualite.com/actualites/les-autorites-electorales-tunisiennes-accusees-de-partialite/
[12] https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/151021/tunisie-ue-et-usa-notre-president-et-nos-medias-ont-la-memoire-courte
[13] https://www.legrandsoir.info/tunisie-en-hommage-aux-immigres-subsahariens-morts-dans-le-desert.html
[14] https://www.agenzianova.com/fr/news/migranti-il-viminale-61-mila-partenze-fermate-dalle-autorita-tunisine/
https://www.facebook.com/photo?fbid=490495873960898&set=a.193273083683180
https://www.facebook.com/photo?fbid=1792244694881585&set=a.120896128683125
[15] https://www.middleeasteye.net/news/tunisia-exclusive-top-secret-presidential-document-plan-constitutional-dictatorship
https://www.frstrategie.org/publications/notes/tunisie-coup-force-kais-saied-un-coup-etat-constitutionnel-2021
[16] https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/060824/presidentielles-2024-quel-front-quel-candidat-pour-que-le-jasmin-refleurisse
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir