

Campé à Rome, dans les années 1970, L’immensità, d’après le titre d’une chanson de Don Backy, met en scène une famille sur le point d’exploser dont l’éclatante figure centrale, Clara, interprétée avec panache et sensibilité par Penélope Cruz, fait écho à Grazia, mère de famille éprise de liberté qu’incarnait Valeria Golino 20 ans auparavant dans Respiro, également d’Emanuele Crialese.
À l’instar de Clara, Grazia choquait son entourage par ses extravagances, sa sensibilité à fleur de peau et sa relation fusionnelle avec ses trois enfants, particulièrement l’aîné, au grand dam du chef de famille (ici aussi joué par Vincenzo Amato). Puisant dans ses souvenirs d’enfance, Emanuele Crialese a préféré les cossus appartements romains aux beautés de l’île de Lampedusa, au sud de la Sicile, afin de rendre hommage à sa propre mère.
Toutefois, il a substitué le personnage du fils aîné à celui d’une adolescente persuadée d’être née dans le mauvais corps, Adri (Luana Giuliani, dont le regard intense reflète une palette limitée d’émotions), diminutif d’Adriana, qui voudrait qu’on l’appelle Andrea, prénom masculin. Rappelons que l’an dernier, à la Mostra de Venise, le cinéaste, qui rêvait depuis des années de tourner L’immensità, avait dévoilé être un homme trans.
Évoquant la petite Laure dans Tomboy, de Céline Sciamma, qui traitait finement d’identité de genre, Andrea est trop heureux quand Sara (Penélope Nieto Conti), qui habite avec sa famille dans un bidonville menacé d’être rasé, le prend d’emblée pour un garçon. Andrea le sera encore plus en découvrant qu’il plaît à Sara.
Chronique familiale
N’ayant pas voulu faire un film sur la transition ni la révélation de genre, Crialese et ses complices scénaristes, Francesca Manieri et Vittorio Moroni, laissent planer le doute quant à l’identité de genre de l’ado. Témoin des malheurs de sa mère, qu’il accuse d’être trop belle lorsque cette dernière se fait harceler par des passants, Andrea est-il réellement un garçon transgenre ? Conscient du machisme ambiant, repousse-t-il les stéréotypes féminins que la société conservatrice veut lui imposer ? Ce qui est clair, c’est que le comportement d’Andrea contribue à créer de plus en plus de tensions entre son père, coureur de jupons tyrannique, et sa mère, qui se réfugie dans la fantaisie.
En contrepoint aux disputes entre les parents, aux coups du père et aux pleurs de la mère, Emanuele Crialese offre d’amusantes scènes où Clara entraîne ses enfants dans la danse. Pendant que la violence s’accentue dans ce foyer aux riches couleurs qui s’assombrissent, Clara se fait son cinéma tandis qu’Andrea l’imagine en Raffaella Carrà chantant Rumore ou en Patty Pravo reprenant en italien la chanson-thème de Love Story.
Si charmants que soient ces tableaux au kitsch assumé tournés en noir et blanc, calqués sur de réels numéros de variétés de l’époque, ceux-ci font stagner le récit et empêchent les personnages de se développer. Malgré son histoire déchirante, L’immensità demeure une chronique familiale douce-amère où le cinéaste, peut-être par pudeur, a évité d’aller en profondeur.
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Source : Lire l'article complet par Le Devoir
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