La guerre en Ukraine. Où en est-elle ?

La guerre en Ukraine. Où en est-elle ?

Par M.K. Bhadrakumar – Le 12 mai 2023 – Source Indian Punchline

Le président ukrainien Vladimir Zelensky a quelque peu fait tomber le suspense en déclarant jeudi aux médias occidentaux que son armée devait attendre et avait encore besoin “d’un peu plus de temps” pour lancer la contre-offensive tant attendue contre les forces russes.

Il a reconnu que les brigades de combat ukrainiennes étaient “prêtes“, mais a expliqué que l’armée avait encore besoin de “certaines choses“, notamment des véhicules blindés qui “arrivaient par lots” des pays de l’OTAN.

Zelensky a expliqué que “nous pouvons aller de l’avant et, je pense, réussir. Mais nous perdrions beaucoup de gens. Je pense que c’est inacceptable. Nous devons donc attendre. Nous avons encore besoin d’un peu de temps“.

Cependant, l’affirmation de Zelensky selon laquelle l’armée ukrainienne a encore besoin de certains équipements est en contradiction avec les déclarations fermes des responsables occidentaux. Le chef de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré il y a quinze jours, une semaine après son retour de Kiev à la suite d’entretiens avec Zelensky et ses principaux collaborateurs, que l’OTAN avait livré plus de 98 % des véhicules de combat promis à l’Ukraine.

Stoltenberg a ajouté : “Au total, nous avons formé et équipé plus de neuf nouvelles brigades blindées ukrainiennes. Cela permettra à l’Ukraine d’être en position de force pour continuer à reprendre les territoires occupés“.

Mardi dernier, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a largement approuvé les propos de Stoltenberg, lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre britannique des affaires étrangères en visite, James Cleverly, tout en prenant soin d’ajouter une mise en garde :

Ils (les militaires ukrainiens) ont mis en place […] ce dont ils ont besoin pour continuer à reconquérir avec succès le territoire qui a été saisi par la force par la Russie […] Il ne s’agit pas seulement des armes, mais aussi de l’entraînement. Il faut s’assurer que les Ukrainiens peuvent entretenir les systèmes que nous leur fournissons, et il est important, bien sûr, qu’ils aient les bons plans pour réussir.

Cleverly est d’accord avec la teneur des propos de Blinken, mais il y a ajouté une perspective politique. C’est tout à fait acceptable, puisqu’il s’agit d’une guerre plus politique que militaire.

Cleverly a déclaré qu’il ne fallait pas s’attendre à une contre-offensive cinématographique de la part de Kiev. Il met en garde : “Le monde réel ne fonctionne pas comme ça. J’espère et je m’attends à ce qu’ils s’en sortent très, très bien, car chaque fois que j’ai vu les Ukrainiens, ils ont dépassé les attentes… (mais nous) devons être réalistes. C’est le monde réel. Ce n’est pas un film hollywoodien.

Pour être juste, Stoltenberg avait également lancé une mise en garde identique, affirmant que “nous ne devrions jamais sous-estimer la Russie“. Il a affirmé que la Russie mobilisait davantage de forces terrestres et qu’elle était “prête à envoyer des milliers de soldats malgré un taux de pertes très élevé“.

Ces trois responsables ont peut-être insisté sur le fait que, quelle que soit l’issue de l’offensive ukrainienne prévue, les pays de l’OTAN “doivent maintenir le cap et continuer à fournir à l’Ukraine ce dont elle a besoin pour l’emporter” face à ce qui semble être un conflit qui va se prolonger. En effet, Blinken et Cleverly sont tous deux en phase avec les propos de Stoltenberg.

En fait, alors même que les deux ministres des affaires étrangères s’exprimaient, les États-Unis annonçaient, le même jour, une aide supplémentaire de 1,2 milliard de dollars à l’Ukraine, destinée à renforcer les défenses aériennes et à maintenir l’approvisionnement en munitions.

Ces dernières semaines, la question de savoir si une contre-offensive ukrainienne est effectivement en préparation a suscité beaucoup d’angoisse. La réponse est un “oui” catégorique. En ce qui concerne le calendrier, il semble qu’il y ait des divergences d’opinion.

Les conditions météorologiques ne sont plus un facteur insurmontable et les sponsors occidentaux de Zelensky veulent qu’il passe à l’offensive – le plus tôt sera le mieux. Leur calcul est que l’offensive a une chance raisonnable de réussir, ce qui contribuerait grandement à apaiser l’opinion intérieure occidentale en lui montrant qu’un soutien aussi coûteux à l’Ukraine n’est pas qu’un gouffre sans fond.

Deuxièmement, l’offensive est utile politiquement pour conforter l’opinion européenne. En effet, la Commission européenne dirigée par sa présidente (et fervente atlantiste), Ursula von der Leyen, vient de confirmer que l’UE se prépare à prendre les premières mesures pour adopter les méthodes américaines en matière de sanctions et imposer des mesures punitives extraterritoriales (et collatérales) aux entreprises de pays tiers, y compris celles des Émirats arabes unis et peut-être de la Turquie.

Il semble que l’UE se concentrera d’abord sur la revente à la Russie des marchandises européennes sanctionnées. À l’avenir, les entreprises seront sanctionnées même si elles ne sont pas basées dans l’UE et ne sont donc pas soumises aux normes européennes.

En effet, une telle application extraterritoriale de son propre système de normes constitue une violation du droit international – et l’UE elle-même avait officiellement défendu cette position jusqu’à récemment – mais Von der Leyen fait pression en faveur d’un “ordre fondé sur des règles” révisé afin d’ajouter un nouvel élément à la stratégie occidentale visant à affaiblir la Russie.

L’hypothèse sous-jacente est que les sanctions affaibliront l’économie russe et créeront un mécontentement social. Cela montre bien que, quel que soit le sort réservé à la contre-offensive de Zelensky, la guerre par procuration contre la Russie ne connaîtra pas de répit. D’un autre côté, personne ne pourra blâmer le président Biden pour une défaite ukrainienne.

Mais il y a un hic : Zelensky a aussi ses priorités – avant tout, sa propre survie politique. Il sait que son discours sur l’imminence d’une défaite russe, etc., s’est effondré et qu’il pourrait devenir le dindon de la farce au lendemain d’une défaite cuisante dans les semaines ou les mois cruciaux à venir.

En effet, le jeu de trônes à Kiev approche d’une phase critique. Sentant le danger, Zelensky tergiverse. Il gagne du temps. (Le général Valerii Fedorovych Zaluzhnyi, chef des forces armées ukrainiennes, n’a pas assisté à une réunion de l’OTAN). Mais combien de temps Zelensky pourra-t-il repousser la pression croissante des États-Unis et de l’OTAN pour lancer l’offensive ? Sa stratégie de sortie aurait pu être d’ouvrir une ligne vers Moscou, mais cette option n’existe plus.

De son côté, la Russie réussit brillamment à ne pas dévoiler ses cartes. La Russie a la capacité de lancer une offensive “en large flèche” vers le Dniepr, mais le Kremlin préfère continuer à broyer l’armée ukrainienne – une stratégie qui s’est avérée rentable en termes humains et matériels, productive et durable.

En fonction de la trajectoire de l’offensive ukrainienne, la Russie a donc la possibilité de passer à une attaque massive pour pulvériser l’adversaire. Actuellement, sa campagne de bombardements intensifs vise à créer la stupeur à Kiev et l’abattement dans les capitales européennes, ainsi qu’à affaiblir la mobilisation ukrainienne. Quant à l’Occident, il est dans l’expectative quant aux intentions russes.

M.K. Bhadrakumar

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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