Comment les pays de l’OTAN ont parrainé le mandat d’arrêt lancé contre Poutine par le procureur de la CPI

Comment les pays de l’OTAN ont parrainé le mandat d’arrêt lancé contre Poutine par le procureur de la CPI
Le procureur général de la CPI, Karim Khan, a recueilli des millions de dollars auprès des États de l’OTAN en élaborant un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine tout en gelant les enquêtes sur les crimes de guerre bien documentés des États-Unis et d’Israël. Chemin faisant, il s’est fait de puissants amis à Washington, Londres, Kiev… et Hollywood.

Le 3 mars 2023, Karim Khan, procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), s’est présenté devant une tribune et a émis une réserve inhabituelle : « Bien entendu, le procureur de la CPI, quelles que soient l’affection et l’estime que je porte à mes chers amis ukrainiens, n’a pas d’affinités particulières avec un pays donné. Nous ne sommes partie prenante d’aucune hostilité. »

« Nous avons une affinité avec la légalité », a insisté Khan dans un anglais aux accents britanniques. « Nous avons une affinité et un engagement envers l’État de droit. »

Khan a fait sa déclaration sur l’indépendance juridique alors qu’il était en tête d’affiche de la conférence « United for Justice » (« Unis pour la justice »), un événement organisé personnellement par Volodymyr Zelensky, à Lviv en Ukraine. Il y a serré des mains avec le président ukrainien et s’est entretenu avec l’attorney général des États-Unis, Merrick Garland, qui s’était déplacé pour faire progresser les efforts de l’administration Biden visant à traduire le président russe Vladimir Poutine devant un tribunal international chargé de juger les crimes de guerre.

Il s’agissait de la quatrième visite de Khan en Ukraine depuis l’invasion du pays par l’armée russe en février 2022.

Le 17 mars 2023, Khan a déposé un mandat d’arrêt officiel de la CPI contre Poutine, accusant le président russe de « déportation illégale » d’enfants ukrainiens vers un « réseau de camps » à travers la Russie. Le mandat est arrivé quelques jours avant le 20e anniversaire de l’invasion de l’Irak par l’OTAN, un crime dirigé par des responsables étatsuniens et britanniques que la CPI a refusé, à ce jour, de poursuivre.

Comme l’a relaté The Grayzone dans un précédent article, le mandat de la CPI a été inspiré par un rapport financé par le département d’État qui ne présentait aucun compte rendu de terrain, aucun élément concret attestant de crimes de guerre, ni aucune preuve que la Russie ciblait réellement les jeunes Ukrainiens dans le cadre d’une campagne de déportation massive. En fait, les enquêteurs ont reconnu n’avoir trouvé « aucun document faisant état de mauvais traitements infligés à des enfants, y compris de violences sexuelles ou physiques, dans les camps mentionnés dans ce rapport ». De plus, l’auteur principal de l’enquête a déclaré à Jeremy Loffredo de The Grayzone qu’« une grande partie » des camps russes pour la jeunesse qui ont été étudiés par son équipe étaient « principalement destinés à l’éducation culturelle — je dirais, façon nounours ».

Bien que Khan ait promis une indépendance absolue dans sa chasse à Poutine, il est étroitement aligné sur les mêmes gouvernements occidentaux qui sont actuellement engagés dans une guerre par procuration avec la Russie sur le champ de bataille ukrainien. Entre-temps, il a bloqué le procès de la CPI contre Israël, provoquant la frustration des avocats des droits de l’homme qui représentent les victimes de la violence macabre qui sévit dans la bande de Gaza assiégée. De plus, il a officiellement abandonné les poursuites engagées par la Cour internationale contre l’armée des États-Unis pour ses actions en Afghanistan.

En se concentrant sur l’Ukraine, Khan a présidé à une augmentation massive du soutien financier de l’Occident à son bureau, une grande partie de l’argent étant destinée à son enquête sur les responsables russes. La délivrance du mandat d’arrêt contre Poutine a coïncidé avec une conférence des principaux donateurs de la CPI à Londres, en Angleterre.

Les démêlés politiques du procureur de la Cour pénale ne s’arrêtent pas là. La célèbre avocate Amal Clooney a travaillé en tant que conseillère spéciale pour le bureau de Khan tout en fournissant ses services au gouvernement ukrainien sur l’initiative visant à poursuivre les responsables russes, que ce soit par la CPI ou par un autre organisme international. Clooney a également servi d’agent de liaison spécial avec le secrétaire d’État des Affaires étrangères et du Commonwealth (ministre britannique des Affaires étrangères).

Il n’est donc pas surprenant qu’après deux décennies de relations hostiles avec la CPI, les responsables à Washington se soient soudainement rapprochés de celle-ci et aient été séduits par son procureur vedette.

Karim Khan (à gauche) avec l’avocat général des États-Unis Merrick Garland, à Lviv en Ukraine, le 28 février 2023
[Credit: International Criminal Court]

Le procureur Khan de la CPI suscite des « soupirs de soulagement à Jérusalem » et le soutien des États-Unis

Le président des États-Unis, Joe Biden, a donné le ton à Washington en approuvantt sans réserve le mandat du procureur de la CPI contre Poutine, qu’il a déclaré « justifié ». Du côté républicain, Lindsey Graham, le plus fervent partisan de la guerre par procuration en Ukraine au sein du Sénat, s’est montré encore plus enthousiaste dans son soutien à la campagne menée par la Cour pénale, qualifiant Khan de chasseur de nazis des temps modernes.

L’adhésion soudaine de Washington à la CPI représente une rupture soudaine et clairement opportuniste après deux décennies d’antagonisme.

À peine le président George W. Bush est-il entré à la Maison-Blanche en 2001, que son administration a introduit l’American Service-Members’ Protection Act(Loi pour la protection des membres du service américain), une mesure qui autorise l’invasion militaire de La Haye dans le cas où la CPI inculperait des membres du personnel des États-Unis pour des crimes de guerre. Lorsque le projet de loi a été adopté par le Sénat l’année suivante, pas un des membres du parti républicain ne s’y est opposé.

Les États-Unis ont intensifié leur campagne contre la CPI en 2019, après que la procureure en chef de l’époque, Fatou Bensouda, a annoncé une enquête sur les crimes de guerre commis par Israël dans les territoires palestiniens occupés. Alors que le secrétaire d’État Mike Pompeo a personnellement dénoncé Bensouda, le Sénat a présenté une résolution bipartisane l’appelant à intensifier ses attaques contre la CPI « politisée ». Le sénateur Graham figurait parmi les signataires de cette résolution. (L’administration Biden s’oppose également à l’enquête de la CPI sur les crimes de guerre israéliens.)

Lorsque, l’année suivante, Bensouda a déclaré son intention d’enquêter sur les États-Unis et les taliban pour crimes contre l’humanité en Afghanistan, Washington a placé la procureure sous sanctionss et a révoqué son visa pour les États-Unis.

Depuis qu’il a remplacé Bensouda en 2021, Khan s’est efforcé de calmer le jeu avec les États-Unis et leurs alliés les plus enclins à la violence. Le Jerusalem Post a rapporté en juin 2022 que « des soupirs de soulagement ont été poussés à Jérusalem », car Khan n’avait « pas fait une seule déclaration publique ni pris une seule mesure publique concernant Israël et la Palestine » au cours de sa première année en tant que procureur.

« Il n’y a eu aucun progrès significatif ni aucune mesure prise ; l’enquête [sur les atrocités israéliennes] n’est pas une priorité pour le bureau du procureur, et aucune affaire n’a encore été engagée », a déclaré à The Grayzone un membre de l’équipe juridique représentant les victimes de la violence israélienne dans la bande de Gaza occupée. « Chaque fois que la question est soulevée devant Khan, il ne prend jamais position, et il n’y a jamais eu de déclaration. »

L’avocat a souligné l’ironie de l’obsession de Khan pour le transfert de civils de l’Ukraine vers la Russie, étant donné qu’il a ignoré la déportation forcée de centaines de milliers de Palestiniens du territoire connu aujourd’hui sous le nom d’« Israël » vers des territoires occupés et des camps de réfugiés dans l’ensemble du Moyen-Orient. « En Palestine, des civils ont été transférés pendant des décennies ; c’est la situation de crimes de guerre la plus documentée de l’histoire », a-t-il déclaré. « La Palestine devrait être la référence ultime pour la crédibilité de la Cour. »

Khan a également réduit la portée de l’enquête de la CPI à l’Afghanistan, protégeant les forces armées US de toute poursuite en se concentrant uniquement sur les crimes commis par les taliban. Shaharzad Akbar, ancienne présidente de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan, s’est plainte à The Intercept : « Cette décision renforce l’idée que ces institutions créées en Occident et par l’Occident ne sont que des instruments au service du programme politique de l’Occident. »

Jennifer Gibson, une avocate aux États-Unis qui dirige une enquête sur les abus commis par son pays en Afghanistan, a déclaré à propos de l’action de Khan : « Il s’agit clairement d’une décision politique — il n’y a pas d’autre interprétation possible. On a offert aux États-Unis et à leurs alliés une carte “Vous êtes libéré de prison”.1 »

Avec ses deux enquêtes les plus litigieuses écartées, avec une figure manifestement docile au bureau du procureur et avec les troupes russes en Ukraine, la CPI, auparavant malmenée, a soudain connu un déluge de soutien financier de la part de l’Occident.

« Dans les semaines qui ont suivi le 24 février [2022, date à laquelle la Russie a envahi l’Ukraine], la Cour [pénale internationale] a été inondée d’argent et d’affectations provisoires », a rapporté JusticeInfo.net.

Une grande partie des fonds a été versée directement au bureau de Khan, avec des affectations spéciales pour les actions ciblant les responsables russes. Comme l’a expliqué Jennifer Vignoli de Human Rights Watch à JusticeInfo.net, « dans les messages entourant les différents engagements pris, les États n’ont pas toujours été très prudents et ont souvent fait le lien entre leur contribution et l’Ukraine, créant ainsi une impression de politisation ou de sélectivité dans le travail de la Cour ».

Washington et Londres ouvrent la voie à Khan de la CPI

C’est le 24 février 2022 que Khan a annoncé son intention de « procéder à l’ouverture, aussi rapidement que possible, d’une enquête sur la situation en Ukraine ». L’opération militaire russe dans ce pays n’avait alors que quatre jours d’existence.

Quelques jours plus tard, le 2 mars 2022, l’ambassade britannique à La Haye a remis à Khan un document cosigné par plus de 40 diplomates étatsuniens et britanniques l’exhortant à enquêter sur la Russie pour violation du Statut de Rome de la CPI.

Le même jour, Graham a présenté une résolution au Sénat demandant que « Vladimir Poutine et les membres du régime russe soient tenus pour responsables des nombreux actes de guerre, d’agression et de violation des droits de l’homme qui ont été menés sous sa direction ». Même si des faucons comme John Bolton ont averti que le soutien au mandat de la CPI pourrait valider de futures actions en justice contre des citoyens des États-Unis, la résolution a été adoptée à l’unanimité.

Quelques heures à peine après avoir publié sa résolution condamnant les violations présumées du droit international, Graham s’est rendu sur Twitter pour appeler à l’assassinat de Poutine. « Y a-t-il un Brutus en Russie ? Y a-t-il un colonel Stauffenberg plus efficace dans l’armée russe ? », a plaidé le sénateur le 3 mars 2022. « La seule façon de mettre fin à cette situation est que quelqu’un en Russie élimine ce type. »

Le 3 avril 2022, Biden a donné un nouvel élan à la campagne de la CPI contre la Russie, qualifiant Poutine de « criminel de guerre » et exigeant qu’il soit traîné en justice avec « un procès pour crimes de guerre ».

Afin de poursuivre l’objectif de Biden et, par extension, celui de la CPI, le département d’État a annoncé en mai 2022 la création d’un Observatoire des conflits chargé de recueillir des preuves de source ouverte (open source) sur les crimes de guerre présumés de la Russie et de diffuser les résultats « de sorte que les procureurs puissent éventuellement monter des dossiers criminels sur la base des documents publiés ».

Poussé par les vents de la politique des États-Unis, Karim Khan s’est embarqué pour sa première visite officielle de l’Ukraine.

Karim Khan, procureur de la CPI, lors d’une visite guidée par le gouvernement ukrainien à Kharkiv
[Credit: International Criminal Court]

Quatre voyages en Ukraine aux frais de la princesse, visites guidées par le gouvernement

Khan a effectué sa première visite en Ukraine le 16 mars 2022. Il est d’abord arrivé en Pologne, où il a rencontré des migrants ukrainiens dans un centre d’accueil pour réfugiés. Il a ensuite traversé la frontière ukrainienne pour s’entretenir à Lviv avec Irina Venediktova, la procureure générale ukrainienne, avant de tenir une réunion virtuelle avec Zelensky.

« Nous menons notre travail en toute indépendance, impartialité et intégrité. J’ai souligné que je souhaitais dialoguer avec toutes les parties du conflit », a insisté Khan.

Sa deuxième visite a eu lieu quelques semaines plus tard, en avril, lorsque Venediktova l’a conduit à Boutcha, que les troupes russes avaient occupée pendant des semaines avant de battre en retraite au début du mois. Les autorités ukrainiennes ont simultanément conduit des groupes de journalistes occidentaux sur des tombes locales, présentant ces dernières comme la preuve que la Russie avait procédé à des exécutions de masse dans la ville.

Les images des cadavres jonchant Boutcha ont encouragé Zelensky à accuser le gouvernement russe de « génocide », tandis que le président des États-Unis a exigé que Poutine comparaisse devant un tribunal chargé de juger les crimes de guerre. La demande de Biden a été formulée en dépit du fait que le ministère de la Défense a lui-même concédé qu’il ne pouvait pas « confirmer de manière indépendante et à lui seul les récits » de massacres, du type exécution, perpétrés par les forces russes dans la ville.

Lors de sa troisième visite en Ukraine, en juillet 2022, Khan s’est rendu à Kharkiv. Accompagné une fois de plus de la procureure générale ukrainienne Venediktova, il a annoncé que la CPI prévoyait d’établir un bureau local à Kiev.

À ce moment-là, le gouvernement de Zelensky avait interdit 13 partis d’opposition, emprisonné son principal rival à la présidence, fermé tous les médias critiques, interdit le patriarcat russe de l’Église orthodoxe et était sur le point d’arrêter son principal prêtre. Kiev a également fait disparaître et torturé des opposants politiques et des défenseurs des droits de l’homme dans le cadre d’une campagne d’assassinat visant les responsables ukrainiens accusés de collaborer avec la Russie. Des militants néonazis se sont même pris en vidéo en train d’exécuter des sympathisants russes présumés.

Pendant ce temps, l’armée ukrainienne intensifiait ses attaques contre des cibles civiles dans les républiques indépendantes de Donetsk et de Lougansk, bombardant des marchés et, dans un cas, massacrant un bus de banlieusards à l’aide d’un missile Tochka-U. Des soldats ukrainiens ont également été enregistrés en train d’exécuter des prisonniers de guerre russes non armés et de leur tirerdans les genoux.

Mais, lors de sa tournée en Ukraine, Khan s’est soigneusement désintéressé des violations bien documentées que ses hôtes officiels commettaient sous son nez. Il avait les yeux rivés sur Poutine — et sur les généreuses donations occidentales qui lui ont permis de mener à bien sa mission.

Karim Khan rencontre le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors de son quatrième voyage en Ukraine en mars dernier.
[Credit: The Presidential Office of Ukraine]

« Bring back our girls » 2.0

En mars dernier, Khan s’est rendu pour la quatrième fois en Ukraine afin, selon ses propres termes, « d’approfondir notre engagement auprès des autorités nationales ». À Lviv, il a animé une conférence intitulée « United for Justice » (« Unis pour la justice »). Événement organisé personnellement par Zelensky, son objectif déclaré était de « tenir les hauts dirigeants russes responsables du crime d’agression contre l’Ukraine ».

Dans le matériel promotionnel, la conférence s’est concentrée sur une question apparemment nouvelle et émotionnellement forte : la déportation supposée d’enfants ukrainiens par la Russie et la nécessité urgente de les ramener chez eux.

Ce thème faisait clairement écho à la campagne Kony 2012 lancée contre le chef de guerre ougandais Joseph Kony, qui « a kidnappé plus de 30 000 enfants pour renforcer son armée », selon les colporteurs de désinformation en ligne qui en étaient à l’origine et qui sont aujourd’hui tombés en disgrâce. La conférence a également rappelé la campagne humanitaire interventionniste « Bring back our girls » (« Ramenez-nous nos filles ») lancée par l’ancienne Première dame Michelle Obama et d’autres célébrités pour mettre en lumière l’enlèvement de plusieurs centaines d’écolières par la milice islamiste Boko Haram dans le nord du Nigéria.

À « United for Justice », il semblait que les responsables de l’OTAN avaient trouvé un thème susceptible de susciter l’indignation de libéraux occidentaux influençables.

Extrait de la bande-annonce promotionnelle de « United for Justice »

Les acteurs hollywoodiens présents à la cérémonie des Oscars 2016 amplifient la campagne « Bring back our girls » de l’administration Obama.
[Credit: Regis Duvignau / Reuters]

Tout au long de la conférence « United for Justice », les participants n’ont cessé d’accuser la Russie de déportations massives de jeunes. « De jeunes enfants sont kidnappés, subissent un lavage de cerveau et sont forcés de devenir des citoyens russes », a déclaré le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Woepke Hoekstra, depuis la tribune, dénonçant « l’enlèvement systémique d’enfants ukrainiens ».

Merrick Garland, l’attorney général des États-Unis, a déclaré après sa visite à Lviv qu’il « essayait de trouver les personnes » pour les identifier et « constituer des preuves contre » les efforts présumés de la Russie pour « déporter de force des enfants ».

Lors de son propre discours, Khan a établi un lien entre une visite qu’il avait effectuée dans un orphelinat en Ukraine et des « allégations que nous avons reçues selon lesquelles des enfants ont été déportés hors d’Ukraine, à l’intérieur du territoire de la Fédération de Russie ». Il n’a cependant pas indiqué que des enfants avaient été enlevés de l’orphelinat qu’il a visité.

Le site web de la CPI présente actuellement une photo de Khan posant à côté de berceaux vides dans l’orphelinat ukrainien auquel il a fait référence dans son discours — un stratagème évident de relations publiques destiné à suggérer que les sbires de Poutine ont arraché les jeunes enfants à leur lit. Bien que cet orphelinat soit loin de la ligne de front, Khan portait un casque de protection en Kevlar pour plus d’effet.

Khan posant à côté de berceaux vides dans l’orphelinat ukrainien
[Credit: International Criminal Court]

Pourtant, quelques mois avant que Khan ne se présente comme le protecteur paternel des enfants ukrainiens échappant aux griffes prédatrices du Kremlin, un scandale de maltraitance d’enfants a éclaté tout près de chez lui.

En mai 2022, le frère de Khan, Imran Ahmad Khan, a démissionné de son siège à la Chambre des communes britannique après avoir été reconnu coupabled’agression sexuelle sur un garçon de 15 ans. Ahmad Khan a purgé une peine de 18 mois de prison après qu’un juge l’a reconnu coupable d’avoir grimpé dans le lit superposé du garçon et de lui avoir tripoté l’aine tout en tentant de l’abreuver de gin et de pornographie. À la suite de cette condamnation, un deuxième homme a accusé Ahmad Khan d’avoir abusé de lui alors qu’il était mineur.

Bien que rien n’indique que Karim Khan ait fourni une assistance juridique à son frère condamné, le Guardian a noté qu’Ahmad Khan reste « proche de sa famille, en particulier de ses frères Karim et Khaled, tous deux avocats, le premier étant procureur à la Cour pénale internationale de La Haye ».

Khan s’appuie sur des recherches financées par le département d’État pour un « coup de maître »

Lors de ses discours publics sur l’Ukraine, Karim Khan met souvent en avant ses voyages sur des champs de bataille tels que Boutcha et Kharkiv, où le gouvernement de Kiev a accusé la Russie d’avoir commis des crimes de guerre atroces. Cependant, lorsqu’il a présenté le mandat d’arrêt de la CPI à l’encontre de Poutine, son acte d’accusation ne mentionnait aucune des atrocités russes présumées dans ces deux endroits. Au contraire, il se concentrait entièrement sur la déportation supposée d’enfants ukrainiens.

Le mandat du procureur de la CPI a été clairement inspiré par un rapport du laboratoire de recherche humanitaire (Humanitarian Research Lab / HRL) de l’université de Yale, financé et soutenu par le Bureau of Conflict and Stabilization Operations (CSO) du département d’État — une entité créée par l’administration Biden en mai 2022 pour faire progresser les poursuites contre les responsables russes.

Comme l’a révélé The Grayzone, ce document parrainé par le département d’État contenait de longs passages contredisant les affirmations du procureur de la CPI, ainsi que celles de son auteur lors de ses apparitions dans les médias. Lors d’une conversation avec le journaliste Jeremy Loffredo, Nathaniel Raymond, directeur du HRL de Yale, a déclaré qu’une « grande partie » des camps russes pour la jeunesse étudiés par son équipe étaient « principalement des centres d’éducation culturelle — je dirais, façon nounours ».

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi son équipe de recherche n’avait pas tenté de visiter des programmes à l’intérieur de la Russie, Raymond a répondu : « Nous sommes persona non grata. Les Russes nous considèrent comme un prolongement des services de renseignement des États-Unis. »

Dans le même temps, le directeur du HRL de Yale a reconnu que son rapport était motivé par les objectifs du département d’État et qu’il avait été réalisé sous « une forte pression » de la part du Conseil national du renseignement des États-Unis (US National Intelligence Council). Il a également admis que son équipe s’était appuyée sur le Commandement Indo-Pacifique du Pentagone pour « étendre notre accès satellite au Commandement Pacifique afin d’avoir les camps de Sibérie et de l’Est ».

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi Khan n’avait pas demandé de mandats d’arrêt pour les allégations de crimes de guerre russes dans la ville ukrainienne de Boutcha, qui ont fait la une des médias occidentaux pendant des jours, Raymond a rappelé une conversation téléphonique qu’il avait eue avec plusieurs correspondants étrangers du New York Times en mars 2023 :

« J’étais au téléphone avec le New York Times vendredi — les personnes qui ont mené la grande enquête sur Boutcha — et ils m’ont dit, en gros, “Hey, nous voulons gagner un prix Pulitzer avec Boutcha. Nous pensons qu’il est étrange que Khan ait condamné [le transfert des jeunes] et n’ait pas condamné Boutcha”. Et j’ai répondu que cela aurait été la pire chose imaginable. »

Raymond a expliqué la logique du procureur :

« Si Khan avait condamné Boutcha, cela aurait été catastrophique, parce qu’il aurait montré sa faiblesse aux Russes. Car Boutcha est un massacre. Mais cela ne signifie pas qu’il est conforme au Statut de Rome en termes d’intention systématique et d’ordres de commandement et de contrôle. Pour cela, il faut des preuves scientifiques […], de la balistique, des communications. Et rien ne prouve que la CPI dispose de ces éléments. »

Ainsi, selon le directeur du HRL de Yale, Khan « a commencé par un coup de maître2 et a dit en substance : nous inculpons Poutine sur la base de ses propres déclarations dans une affaire qui a fait l’objet d’une preuve prima facie sur la base d’un ensemble prudent d’actes d’accusation. Le transfert et la déportation ont été minimisés ; il ne l’a pas inculpé de meurtre au premier degré ».

Raymond poursuit : « Pour le New York Times, ils ne seront pas heureux tant que Boutcha ne fera pas l’objet d’une condamnation avec tout le faste d’un acte d’accusation de la CPI. Mais, [Khan dirait] en gros à Poutine : “Jette un lieutenant-colonel des parachutistes par la fenêtre et c’est bon.” »

En plus de fournir à Khan la voie la plus facile pour obtenir un mandat d’arrêt contre Poutine, l’acte d’accusation s’est également avéré le plus puissant sur le plan de la propagande, permettant au procureur de se présenter comme le sauveur des enfants de l’Ukraine.

À cette fin, il a reçu une aide essentielle en matière de relations publiques de la part d’Amal Clooney, avocate internationale devenue célèbre en tant qu’épouse d’un interventionniste humanitaire d’Hollywood, qui est l’un des collecteurs de fonds les plus prolifiques du parti démocrate des États-Unis.

Karim Khan, de la CPI, s’entretient avec Amal Clooney en avril 2022, après s’être rendu à l’ONU pour obtenir un soutien en faveur de la poursuite des responsables russes.
[Credit: Middle East Monitor]

La Clooney connection : Khan collabore avec les interventionnistes humanitaires d’Hollywood

En septembre 2021, quelques semaines après avoir pris ses fonctions de procureur de la CPI, Khan a nommé Amal Clooney conseillère spéciale dans le cadre de son enquête sur les atrocités commises dans la région du Darfour, au Soudan. Lorsque les forces russes sont entrées en Ukraine cinq mois plus tard, Amal Clooney a immédiatement changé d’orientation, acceptant l’invitation du gouvernement ukrainien à rejoindre leur « groupe de travail juridique sur la responsabilité ».

Sa collaboration avec Khan, qui a duré au moins dix ans, a soulevé d’autres questions à propos de la promesse d’« indépendance, impartialité et intégrité » faite par le chef de la CPI.

Amal Clooney, née au Liban, est devenue une célébrité mondiale grâce à son mariage avec George Clooney, la coqueluche d’Hollywood, lui-même un interventionniste humanitaire de premier plan qui a mené la campagne visant le gouvernement soudanais et son ancien président, Omar Bashir, en leur imposant des sanctions économiques et en les accusant de génocide en raison de leurs actions au Darfour. Le lobby israélien a largement soutenu la croisade contre Khartoum, comme le président des États-Unis de l’époque, George W. Bush, qui a menacé d’envoyer des troupes US dans la région riche en pétrole pour affronter Bashir. Pour sa part, George Clooney a invoqué le souvenir d’Auschwitz pour plaider en faveur d’une intervention militaire de l’ONU. Bien que le mandat d’arrêt de la CPI à l’encontre de Bashir se soit finalement avéré vain, la campagne de Clooney a établi la bonne réputation de ce dernier au sein de l’industrie internationale des droits de l’homme.

En 2016, George Clooney s’est tourné vers la politique intérieure, levant ce qu’il a décrit comme « un montant obscène » pour la campagne présidentielle de l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton. Les frais d’inscription se sont élevés à 353 400 dollars par couple lors des collectes de fonds pro-Hillary organisées par George et Amal Clooney.

George et Amal Clooney (à droite) lors d’une collecte de fonds organisée en 2016 pour Hillary Clinton
[Credit: Bruce Bozzi / Instagram]

La même année, George et Amal ont profité de leur notoriété pour créer la Clooney Foundation for Justice. À l’instar des fondations créées par Bill Clinton et Barack Obama après leurs présidences, l’initiative des Clooney s’est appuyée sur le financement de milliardaires libéraux, dont Bill Gates et George Soros, et a forgé des partenariats avec Microsoft et l’ONU. La Clooney Foundation for Justice cite également comme partenaire officiel le proxy3 des services de renseignements Bellingcat, parrainé par les gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni.

Max Blumenthal

Article original en anglais :

How NATO States Sponsored ICC Prosecutor’s Putin Arrest Warrant

The Grayzone 13 avril 2023

Traduit par le site En dehors de la boîte

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Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca

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