Ainsi sommes-nous en guerre

Ainsi sommes-nous en guerre

Ainsi sommes-nous en guerre

• Dans une interview au très-officiel Washington ‘Post’, l’impassible secrétaire général de l’OTAN, le Norvégien Stoltenberg, affirme 1) que tous les pays de l’OTAN sont d’accord pour que l’Ukraine devienne membre de l’OTAN, et 2) que la guerre entre la Russie et l’Ukraine n’a pas commencé le 24 février 2023 mais en 2014. • Bonnes nouvelles donc : si l’on en croit tout ce que la Russie nous serine depuis des mois et des années, c’est un casus belli, – et puisqu'ils sont en guerre depuis 2014. • Donc, nous partons en guerre, nous, OTAN

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Jens Stoltenberg doit quitter le secrétariat général de l’OTAN cet automne. Auparavant, il aura marqué notre vie courante de l’impassibilité remarquable d’une mécanique bien huilée : pourquoi craindre l’AI/IA  puisque nous avons Stoltenberg ?

En plus, Stoltenberg parle ; voire même, il se répète, pour les durs d’oreille du type hongrois. Donc, cette fois, il parle au saint du saint, à l’“officiel” de la CIA et des durs des neocon, le Washington ‘Post’, ou WaPo, que Bezos a acquis grâce à un chèque officialisant une commande venant d’une firme bien connue de Langley, en Virginie. C’est dire si cette parole de Stoltenberg ressemble à un ‘official statement’ de la frétillante Maison-Blanche de Joe Biden.

On laisse le soin à Eric Zuesse, historien bien connu dans les souterrains de la Résistance, de présenter et de commenter de sa plume précise et acerbe les propos du ‘SecGen’ ; en fait, il s’agit de deux choses, à partir d’ « d’une interview au siège de l'OTAN à Bruxelles avec la rédaction du Washington Post, représentée par Lee Hockstader, et publié par le WP le 9 mai » :

1) Tous les pays-membres de l’OTAN sont d’accord pour que l’Ukraine devienne membre de l’OTAN ;

2) la guerre entre la Russie et l’Ukraine n’a pas commencé en février 2022 mais en 2014 (certainement, il précise bien février 2014 et le “coup de Kiev” réalisé par la CIA, avec le début des opérations en avril 2014, avec l’attaque du Donbass par les troupes de l’armée ukrainienne).

Sur le premier point, il y a ceci :

« “Tous les alliés de l'OTAN conviennent que l'Ukraine deviendra membre de l'alliance. Tous les alliés conviennent que l'Ukraine a le droit de choisir sa propre voie, que ce n'est pas à Moscou, mais à Kiev, de décider”. Si l'Ukraine, qui a la frontière étrangère la plus proche de Moscou, à seulement 317 miles ou 5 minutes de vol d'un missile pour nucléariser le commandement central de la Russie au Kremlin, rejoignait l'OTAN et demandait et recevait de l'Amérique un missile nucléaire à placer sur son territoire, ce serait comme si la Russie plaçait un missile à tête nucléaire à Albany, capitale de l’État de New York, à 310 miles du commandement central de l'Amérique à Washington DC. Sumy, en Ukraine, n'est qu'à 317 miles de Moscou. Stoltenberg affirme que la Russie n'a pas le droit de s'opposer à ce que l'Amérique place un missile à Sumy, tout comme l'Amérique n'a pas le droit de s'opposer à ce que la Russie place son missile à Albany si Albany demande à la Russie de le faire. Selon Stoltenberg, si l'Ukraine adhère à l'OTAN et demande ensuite à l'Amérique d'installer un site de lancement de missiles à Sumy, la Russie n'a pas à s'en préoccuper. De même, si Albany demande à la Russie de placer son missile à cet endroit, à seulement 310 miles de Washington DC, personne à Washington DC n'aurait le droit de s'y opposer. Si l'Ukraine et l'Amérique doivent être autorisées à faire cela au commandement central de la Russie, alors la Russie et Albany doivent être autorisées à le faire au commandement central de l'Amérique. L'une des "lignes rouges" fixées par la Russie comme condition préalable à la non-invasion de l'Ukraine était que l'Amérique et l'OTAN acceptent de ne pas placer d'armes de ce type aussi près du Kremlin. L'Amérique et l'OTAN ont même refusé de négocier à ce sujet. Ce refus est la principale raison pour laquelle la Russie a envahi l'Ukraine. Si la Russie et Albany avaient insisté sur leur droit de placer des missiles nucléaires russes à Albany, Washington DC aurait envahi Albany. Mais ce n'était pas le cas. Au lieu de cela : L'Amérique et son alliance militaire antirusse de l'OTAN ont insisté sur leur droit de placer des missiles nucléaires américains en Ukraine si l'Ukraine adhère à l'OTAN et en fait la demande ; c'est ainsi que la Russie a envahi l'Ukraine pour empêcher que cela ne se produise.

» Stoltenberg affirme que l'Amérique et l'Ukraine ont ce droit, que l'Ukraine deviendra membre de l'OTAN et que ce que l'Ukraine et l'Amérique décideront alors de faire à la Russie ne regardera qu'eux et ne concernera pas la Russie.

» Sa déclaration selon laquelle “tous les alliés de l'OTAN sont d'accord pour que l'Ukraine devienne membre de l'alliance” signifie que chaque membre de l'OTAN est d'accord avec l'Ukraine et l'Amérique pour dire que la Russie n'a pas à se préoccuper de savoir si l'Amérique pourra ou non placer ses missiles nucléaires à 317 miles du Kremlin. La Russie n'a pas le droit de s'en préoccuper. La Russie n'a pas le droit de conquérir l'Ukraine pour éviter d'être mise en échec par l'OTAN. Il s'agit d'une guerre ouverte de l'OTAN contre la Russie. Il affirme que l'OTAN la gagnera. »

Sur le deuxième point on enregistre une intéressante mise au point, , c’est le cas de le dire, pour l’édification de ceux qui dénoncent avec fougue la Russie pour son “agression” du 24 février 2023 (une “offensive” en février 2022 au sein d’une guerre qui dure depuis 2014 peut-elle être désignée, avec une œillade vers la Cour Internationale de La Haye, comme une “agression” ? L’exercice est rude). Ce n’est pas la première fois que Stoltenberg répète cette chronologie d’une guerre commencée en 2014, qui est absolument et strictement celle des Russes pour repousser le jugement que l’opération commencée le 24 février 2023 est une “agression” ; mais cette fois, l’occasion est belle : le WaPo, voix et porte-parole “de son maître” :

« Stoltenberg a également déclaré : “La guerre n'a pas commencé en 2022. Elle a commencé en 2014. Et depuis lors, l'OTAN a mis en œuvre le plus grand renforcement de notre défense collective depuis la fin de la guerre froide.” C'est vrai, et cela signifie que toutes les déclarations de l'OTAN et d'autres alliés des États-Unis selon lesquelles l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a déclenché cette guerre entre l'OTAN et la Russie sont clairement fausses, – des mensonges des alliés des États-Unis. Il dit que le coup d'État d'Obama en février 2014, qui a renversé le président démocratiquement élu de l'Ukraine et remplacé son gouvernement par un autre sélectionné pour l'Ukraine par la Maison Blanche des États-Unis, a déclenché la guerre en Ukraine. Il affirme que la troisième guerre mondiale, – la guerre de l'Amérique contre la Russie, – a commencé en février 2014.

» Il reconnaît que l'Amérique, en février 2014, a volé l'Ukraine aux Ukrainiens et a placé ses propres représentants à la tête du gouvernement et des médias, et que l'Amérique et ses alliés vont continuer à le faire, jusqu'à ce que les missiles américains soient placés à 317 miles de Moscou et que le gouvernement de la Russie soit mis en échec. Il sait ce qui est en jeu ici, et la Russie aussi : il s'agit de la réussite ou de l'échec du plan américain visant à mettre la Russie en échec, en sacrifiant son pion ukrainien (la destruction totale de l'Ukraine, si c'est ce que la Russie devra faire pour se protéger de cette mise en échec) afin que le régime américain puisse atteindre son objectif. C'est la raison pour laquelle le Congrès américain étudie actuellement un projet de loi engageant l'Amérique à envahir la Russie si l'Ukraine ne parvient pas à la conquérir sur son sol. »

Il s’agit donc de la guerre…

Stoltenberg ne parle pas sans de grandes précautions qu’il assume avec impassibilité. S’il se répète à propos d’un sujet si explosif, sur sollicitation du WaPo et malgré des grognements dans les rangs (les Hongrois), c’est que tout le monde est d’accord à Washington, parmi les fous, pour bien fixer cette chronologie et cette situation illustrée par l’ébouriffante irresponsabilité du Congrès (essentiellement le Sénat). Toutes deux, – chronologie et situation, – conduisant à un même terme : elles sont synonymes de guerre inévitable pour les États-Unis face à la Russie, de Troisième Guerre mondiale par conséquent.

L’on dit pourtant qu’une certaine fracture prend forme chez les neocon, selon Mercouris. Le département d’État (Blinken et Nuland) resteraient imperturbablement sur la ligne ultra-dure, signifiant la guerre avec la Russie sans prendre le moindre gant ; Sullivan, du NSC et de la Maison-Blanche, serait prêt à goûter à un avant-goût de négociations. Mais, dans ce dernier cas, “ouvrir des négociations” signifierait accepter que les Russes se retirent du Donbass et peut-être de la Crimée pour qu’on consente à accepter de leur parler. Dernièrement , visitant le Canada wokeniste, Hillary Clinton, finaude et toujours en avant de la cavalerie aux rêveuses conneries, dévoilait son plan devant un parterre de personnalités du pays-hôte : parler aux Russes, littéralement après qu’ils aient capitulé. Ayant sans doute mal entendu le phrasé “diplomatique” de l’ex-secrétaire d’État et l’attention subtile d’Hillary de ne pas parler “victoire-défaite”, la vice-Première ministre canadienne et hyper-neocon, migrante ukrainienne dotée d’une parentèle bandériste de haute lignée, Chrystia Freeland, en-scène au côté d’Hillary, battit des mains avec enthousiasme et s’exclama avec ivresse :

« Exactement, il faut une victoire sur la Russie pour envoyer un message à la Chine ! »

… Voici donc les plans les plus modérés des neocon, ou l’entrée en négociation : capitulation des Russes et coup de pied au cul des Chinois, – en susurrant “négociations” si l’on veut, pour les âmes sensibles. Cela ne laisse pas grand’chose à penser, sinon l’habituelle rengaine des univers parallèles, reflétant comme un miroir inverti l’envers de la réalité. Il semble bien, c’est l’évidence qu’il faut répéter et répéter encore pour la croire : pour eux, la paix c’est le découpage en confettis bien sages de la Sainte-Russie en attendant de passer la Chine au hachoir ; c’est la fin du monde revendicatif, de tous ces métèques de la pensée stratégique et exceptionnaliste, le triomphe du simulacre arc-en-ciel dans la liesse globaliste et surveillée de près. Rien de l’évolution de la situation du monde, aucune vérité-de-situation ne les fera changer d’avis.

Dans de telles conditions, il est assez logique que Stoltenberg en ajoute et en rajoute. Ce terne bureaucrate a bien senti d’où vient le vent et il n’entend déroger de rien à cet égard. Ainsi met-il tous les pays de l’OTAN dans le même sac, sans vraiment n’avoir rien demandé à personne, et égrène les conditions qui conduisent à la guerre ouverte de l’OTAN et de la Russie. Curieusement, et d’ailleurs à aucun moment, les plaintes et gémissements des uns et des autres sur l’état de leurs forces et des équipements de ces forces suite aux gâteries faites à l’Ukraine, ne viennent encombrer le discours de l’inéluctabilité d’une guerre et d’une inéluctable défaite de la Russie. Pour eux, l’affaire est faite : on a rarement eu une telle unité d’état d’esprit encalminé dans la psychorigidité de fer d’une psychologie accrochée, vissée, verrouillée, à une perception unanime d’une réalité qui n’a aucune existence, et donc si aisée à percevoir pour ces intelligences hystérisées.

Alors, c’est la catastrophe dira-t-on ? La marche vers la guerre totale ? C’est dans les possibilités, même s’il y a de courts instants de panique chez certains esprits retors à l’OTAN, entre les longs moments de bonheur. Est-ce que c’est ce qu’implique Escobar dans un texte où il tente de comprendre le comportement de Prigojine (‘Wagner’) et aboutit à une conclusion où il est question des grandes manœuvres du Kremlin en attendant, – ou en attirant cette grande envolée de l’OTAN au cas où le Zelenskistan échouerait :

« Le scénario du Crépuscule des Dieux de Prigojine a peut-être oublié que ce que le Kremlin veut vraiment, c’est s’attaquer à la tête du serpent. Il y a plus d’un an, Poutine a donné une sérieuse indication :

» L’ingérence collective de l’Occident entraînerait “des conséquences que vous n’avez jamais connues dans votre histoire”.

» C’est ce qui explique la panique de l’OTAN. Certains à Washington, dont le QI est supérieur à la température ambiante, ont peut-être vu clair dans le brouillard : d’où les provocations – notamment la cascade de drones du Kremlin – pour forcer Moscou à emballer rapidement l’opération militaire spéciale.

» Oh non, cela n’arrivera pas. Pour Moscou, la situation est excellente : les armes et les finances de l’OTAN ne cessent de sombrer dans un trou noir incommensurable. Le Kremlin affirme alors avec désinvolture : “Oui, nous répondrons, mais quand nous le jugerons approprié”. Voilà, cher camarade Prigojine, ceci est l’ultime maskirovka. »

En fait, cela rencontre une autre échéance, qui est bien plus intéressante pour nous. Elle vient du même Mercouris qui, après s’être extirpé du labyrinthe Prigojine, en vient à considérer la situation de Barmouth où, explique-t-il, la tactique russe a bien été d’user au  maximum les forces ukrainiennes plutôt que de prendre la ville le plus rapidement possible. Parmi les prévisions qu’il relève sur la suite (et fin) de la guerre, il y a celle-ci, d’un chef russe :

« Cet avis vient d’un chef russe, qui se nomme Alaudina, qui est en fait un Tchétchène, qui dit “ce que nous allons faire, ce n’est pas de lancer de grandes offensives parce qu’il n’y aucune raison de le faire, nous allons continuer exactement comme nous avons fait jusqu’ici méthodiquement, nous allons continuer à avancer doucement, graduellement, en réduisant et en contraignant les Ukrainiens, éventuellement en les faisant s’effriter de plus en plus, comme de la poudre en boite, et ils devraient alors s’effondrer en août ou en septembre de l’année prochaine [2024]…

» …Et notez bien que cette chronologie nous amène à quelques semaines des élections présidentielles aux États-Unis… »

La dernière phrase de Mercouris n’est évidemment ni un hasard ni anecdotique. Il s’agit de l’époque fatidique, face à cette perception que l’on a d’un régime washingtonien emporté par l’ivresse de la guerre d’anéantissement (et d’abord d’auto-nénantissement) ; l’on en vient alors, comme l’on voit se dessiner ces élections, avec un président sombrant totalement dans l’abysse du gâtisme, et nous-mêmes attendant une élection où devraient figurer des hommes dont on peut attendre une étincelle de bon sens devant cette perspective de l’anéantissement.

Note de PhG-Bis : « L’on pensera certainement et avec juste raison qu’il apparaît à PhG incroyable de pouvoir parler comme l’on devise, de temps en temps, sans provoquer d’éclat particulier, d’une perspective aussi radicalement folle qu’une guerre nécessairement nucléaire à son terme, entre les USA et la Russie. C’est certainement ce qui surprend le plus dans l’évolution actuelle, et même qui terrifie par instant, alors que le sentiment est insaisissable à cause de la rapidité de la communication. Sans doute est-ce la raison pour laquelle, paradoxalement, on en parle assez peu, même chez ceux qui savent bien : c’est trop terrifiant de parler tranquillement, “comme l’on devise, de temps en temps”, d’une perspective justement aussi terrifiante, quand on l’appréhende à sa juste mesure. PhG, qui a vécu la Guerre Froide et ses terreurs impitoyables, ne parvient pas à appréhender complètement cette sorte d’impuissance à saisir la tragique absolu, définitif et sans retour qui rôde autour de la folle farandole qu’est devenue notre époque ivre d’elle-même jusqu’à la fascination pour son propre néantissement. »

 

Mis en ligne le 10 mai 202 à 17H50

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

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