L’hospitalité monastique

L’hospitalité monastique

Un texte de Myriam Lefebvre

Qui ne rêve pas de calme et de silence, le temps de reprendre son souffle? De nombreux monastères accueillent des retraitants de tous les horizons en quête de sens et de repos. Le Verbe a entrepris d’approfondir les secrets de l’hospitalité monastique en visitant l’abbaye cistercienne Notre-Dame de Nazareth, à Rougemont. Cette communauté propose une expérience bien particulière: entrer dans le temps des moines.

L’abbaye abrite une hôtellerie ouverte d’avril à novembre. La communauté, qui compte dix frères et un père abbé, vit des produits issus du verger. Pour elle, l’hôtellerie n’est pas un moyen de subsistance, mais plutôt le prolongement du mystère de l’accueil qu’elle expérimente dans la vie monastique.

Ici, la vie des moines est ponctuée par la liturgie des heures, sept offices où ils se retrouvent pour chanter ensemble les psaumes. Et c’est ce qu’ils souhaitent partager avec les hôtes qu’ils accueillent. C’est pourquoi ils leur proposent de prendre part à trois des offices qui rythment leur journée.

Le temps plutôt que l’espace

Dans la salle de séjour se trouvent une dizaine de chaises berçantes disposées en cercle. Le père abbé, Dom Raphaël, se berce lentement. «Autrefois, on privilégiait l’espace en accueillant les hôtes, on leur donnait un espace de solitude, de silence, de paix. Maintenant, on a déplacé le curseur non pas vers la dimension spatiale, mais vers la dimension temporelle. On vous invite à entrer dans le temps des moines, dans la prière des moines.»

«On veut offrir la chance de rencontrer une communauté priante, la chance de partager la prière avec eux, de chanter avec eux, de faire silence avec eux, de s’étonner avec eux, et parfois même de voir la joie ou la bonne humeur de la communauté ici et là. Au risque de souffrir certains manquements au silence… (rires)»

Cet article est d’abord paru dans notre magazine. Cliquez sur la bannière pour y accéder en format Web.

Exigences et gratuité

Peu avant la pandémie, la communauté avait amorcé une réflexion. Elle souhaitait offrir un témoignage de vie équilibrée non pas centrée sur le travail et les exigences de l’extérieur, mais sur la gratuité de l’accueil. Depuis 2021, les moines ont choisi de réduire leur capacité d’accueil, passant de 30 chambres à 10 chambres.

«Parce que la gratuité consiste à donner ce que nous avons et non pas ce que nous n’avons pas; à donner ce que nous voulons et non pas à donner ce que les autres exigent. Sinon, on n’est plus dans la gratuité», explique le père Raphaël.

Hôte: un mot, deux sens

Sœur Guillemette est l’hôtelière de l’abbaye. C’est elle qui accueille les retraitants, les guide vers leur petite chambre et leur explique le fonctionnement des lieux. «Beaucoup de gens me disent: “Quand j’arrive ici, je sens une grande paix. […] J’arrive avec tous mes soucis et puis hop! tout d’un coup, tout ça, ça tombe.”»

Issue de l’abbaye cistercienne La Joie Notre-Dame en Bretagne, elle a elle-même été accueillie pour un long séjour de deux ans à l’abbaye de Rougemont. Elle s’est intégrée à la communauté pour partager son quotidien: prière, offices, repas. Son séjour tire à sa fin; elle regagnera son abbaye dans quelques semaines.

Sœur Chantal Blouin est arrivée en septembre pour vivre une année de ressourcement. C’est elle qui remplacera sœur Guillemette dans ses fonctions d’hôtelière. Alors que nous parcourons le sentier de la paix dans un petit boisé qui longe le verger, sœur Chantal parle de l’accueil qu’elle expérimente en tant qu’hôte et celui qu’elle souhaite transmettre. «Être accueillis nous amène à accueillir.» Pour elle, la vie des moines est le premier témoignage de l’accueil, non seulement de ses frères, mais du Seigneur.

Le temps de Dieu

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Illustration: Caroline Dostie

«Les moines écoutent le silence parce que Dieu parle dans le silence.» Sœur Chantal confirme ce que nous avait dit plus tôt le père abbé. Bien que la vie contemplative des moines favorise l’intériorité et le silence, ils se permettent des échanges fraternels et ils aiment beaucoup plaisanter. La sœur, qui est organisée et qui aime structurer les choses, apprend à accueillir la vie comme elle se présente. «Ici, on prend le temps de vivre. Le temps de Dieu est là.» Elle poursuit: «Que je sois dans la cuisine en train d’éplucher les pommes ou dans la chapelle en train de prier, c’est le temps de Dieu.»

Accueilli tel que tu es

Le frère Charbel a su mettre ses talents artistiques au service des jeunes. Musicien, peintre et sculpteur à ses heures, il est responsable de l’accompagnement des jeunes qui s’arrêtent à l’abbaye le temps d’un séjour à la chambre haute. Celle-ci a été créée en 2009 dans le but de permettre à des jeunes de 18 à 35 ans de venir vivre un temps de ressourcement et de discernement.

Que ce soit dans l’atelier d’arts ou de sculpture, les tubes de peinture alignés tout comme les blocs de pierre de différentes formes et couleurs invitent à la créativité. Ici, l’art est le moyen d’extérioriser les réalités intérieures et de devenir attentif à sa propre dimension spirituelle, à sa relation au divin.

Les œuvres laissées par les jeunes sont un témoignage de fécondité artistique et spirituelle. Dans le salon, plusieurs instruments favorisent les séances musicales improvisées. C’est là que frère Charbel attrape au vol les réflexions qui jaillissent au rythme de la musique de Cat Stevens ou de Neil Diamond.

«L’accueil offert ici, c’est un moment, un temps pour se rencontrer eux-mêmes. Et dans la rencontre d’eux-mêmes, inévitablement, ils rencontrent un autre qui est au-delà d’eux-mêmes.» Il conclut en pesant chacun de ses mots: «En tout temps, dans ton existence, il y a quelqu’un qui t’attend pour t’accueillir et t’aimer.»

Le temps des moines

Il est 17 h 30, c’est l’heure de la prière des vêpres. Plus tard, la nuit s’ouvrira par l’office des complies.

Les frères sont installés de chaque côté du chœur, se faisant face. Les psaumes sont chantés par les moines qui se répondent et s’écoutent en alternance. À l’unisson, dans une grande simplicité, les voix en prière sont amplifiées par l’écho de la chapelle. Dans la nef, l’espace réservé aux visiteurs et aux retraitants, nous sommes invités à prendre part à ce dialogue. Comme un baume qui harmonise tout notre être. C’est un moment sacré partagé avec la communauté.

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