Tragédie-bouffe dans la Baltique

Tragédie-bouffe dans la Baltique

Tragédie-bouffe dans la Baltique

10 mars 2023 (17H45) – Je me suis longuement interrogé après les nouvelles d’avant-hier, et rencontrant sur mon chemin des articles goguenards, rigolards, complètement barjots à l’encontre de la version donnée par le couple New York ‘Times’/‘Die Zeit’ (renforcé quelques heures plus tard par le fidèle ‘Times’ de Londres et le Washington ‘Post’). Par exemple, celui de Bob Bishop, un copain de Larry Johnson invité dans les colonnes de ‘A Son of the New American Revolution’ (‘Sonar21.com’) à donner une critique en forme de caricature complète de la dernière version en date du sabotage.

Pour donner une idée encore plus significative de l’ambiance du texte, je prends un commentaire d’un lecteur de ce texte, qui donne sa propre version, à mi-chemin entre les Marx Brothers et “Monty Python”, – lecteur sous le nom discret de ‘Nobody’… C’est drôle-bouffe, jugerais-je avec satisfaction, correspondant si bien à la folie-bouffe (version-maxi de la tragédie-bouffe) des Derniers Temps, même s’il ne nous est pas précisé si l’ivrogne était un Russe saoul ou un Ukrainien bourré…

« La vérité sur le “NordStream” éclate !

» Il semble que le sabotage NordStream ait été un accident malheureux. Selon de nombreux témoignages, la nuit précédant la destruction, un groupe de copains a interpellé un ivrogne au sujet du NordStream. L'ivrogne, de plus en plus énervé par la discussion, s'est mis en grande colère et est parti en clamant qu'il allait démolir ce “foutu machin de merde”.

» Plusieurs témoins l'ont vu se diriger vers la mer. D'après les calculs officiels, on pense qu'il a nagé jusqu'au NordStream et qu’il a brisé les tuyaux à mains nues. Il l’a fait en six heures, puis a été ramené sur une plage par le courant, oubliant tout ce qu'il avait fait. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas eu d'informations pendant des mois, car l’ivrogne, cuvant son vin, était introuvable. Sans la compétence de la CIA, personne n'aurait pu résoudre le mystère du “NordStream”. »

Voilà un très bon cas montrant l’ambiguïté, entre tragédie et bouffe, de tous les actes dépendant d’une multitude de simulacres plus ou moins habiles, gobés par les uns et ridiculisés par les autres, ou vice-versa et sans aucune garantie ni pour les uns ni pour les autres de découvrir une vérité-de-situation qui nous fasse progresser.

Note de PhG-Bis : « Dans ce cas, dirais-je, une seule vérité-de-situation existe à l’origine, sans aucun enseignement propre, sans aucune progression de la compréhension de la chose sinon d’un fait brut. La destruction de NordStream, qui est un fait qui ne s’explique pas de lui-même, se contente d’avoir été, pose une question et ouvre un débat. Néanmoins, la poursuite et même l’accentuation du débat six mois après le fait confirme pour mon compte l’importance et la fécondité de cette vérité-de-situation originelle. »

Pour autant, cela, – l’absence  de “ garantie ni pour les uns ni pour les autres de découvrir une vérité-de-situation qui nous fasse progresser”, – ne doit pas nous décourager d’essayer, – mais bien au contraire, nous inciter à essayer. Une vérité-de-situation qui soit autre chose qu’un fait avéré, cela se gagne, cela se conquiert avec l’esprit animé de ce que je nomme volontairement une “bonne foi”, – une foi qui soit bonne et juste, et ardente dans la durée, comme nous devrions tous essayer d’avoir.

Le texte publié avant-hier, avec reprise d’un texte de Joe Lauria, de ‘ConsortiumNews’, prenait en compte la seule dimension politique de l’“événement” de communication sans s’attarder une seule seconde à l’aspect opérationnel, grotesque ou bouffe, comme l’on veut. Dans une vidéo du 8 mars, notre excellent Alexander Mercouris note qu’il juge le texte de Lauria comme le plus intéressant et le plus fin en fait d’analyse politique. Il poursuit sa propre analyse dans une autre vidéo et observe qu’il existe une différence entre la version du Washington ‘Post’ et les trois autres : le ‘Post’ exonère complètement Zelenski de la moindre responsabilité alors que les trois autres n’écartent pas complètement cet aspect. On cite Lauria, à propos de l’article du NYT :

« Mais un examen plus approfondi de l'article révèle des couches de nuances qui n'écartent pas le fait que le gouvernement ukrainien a peut-être quelque chose à voir avec le sabotage après tout.  

» L'histoire cite des responsables européens anonymes qui disent qu'un État devait être impliqué dans l'opération sous-marine sophistiquée. Le Times fait tout son possible pour dire plus d'une fois que cet État n'était pas les États-Unis. Et tandis que le deuxième paragraphe de l'histoire dit catégoriquement que l'État n'est pas non plus l'Ukraine, l'article laisse ensuite la porte ouverte à une éventuelle implication du gouvernement ukrainien :

» “Les responsables américains ont refusé de divulguer la nature des renseignements, comment ils ont été obtenus ou tout détail sur la force des preuves qu'ils contiennent. Ils ont déclaré qu'il n'y avait pas de conclusions définitives à ce sujet, laissant ouverte la possibilité que l'opération ait été menée de manière informelle par une force mandataire ayant des liens avec le gouvernement ukrainien ou ses services de sécurité. ” [C’est moi[Lauria] qui souligne.] »

Mercouris n’hésite pas une seconde, un tantinet goguenard, pour expliquer la différence, – car tout le monde sait, rappelle-t-il, que le ‘Post’ est le porte-parole (“mouthpiece”) de la CIA. (Le journal a été racheté $600 millions en 2014 par Jeff Bezos. Un peu auparavant, Bezos avait obtenu un contrat de $600 millions de la CIA pour un “programme secret” dont nul n’a jamais su de quoi il retournait en vérité. Dont acte, surtout lorsqu’on lit le ‘Post’ depuis.) Mercouris ne va pas plus loin mais l’on en conclut que la CIA ne veut pas “griller” un pion qui est toujours en place (monsieur Z.) et dont nul ne sait s’il ne servira pas encore quelques gros mois, voire deux ou trois ans, – “On le garde en état de marche”, ronchonne la CIA..

Pour le reste, Mercouris n’hésite pas : il s’agit d’une offensive de l’“État profond”, notre DeepState bien aimé, qui est de plus en plus mal à l’aise avec son aventure ukrainienne, qui envisage telle ou telle porte de sortie dont un Zelenski soudainement devenu infréquentable et chargé de tous les maux serait le sésame… D’où la dinguerie des pieds-nickelés en croisière baltique, avec possibilité d’impliquer Zelenski si le besoin s’en fait sentir, s’il met trop de bâtons dans les roues d’un DeepState cherchant à arranger les bidons.

Je suis assez bien Mercouris dans cette appréciation générale, sauf en partie sur un point de soutien de son raisonnement. Mercouris veut donc dire que c’est bien l’establishment qui est derrière ce coup et tend à prendre ses distances de Zelenski ; d’ailleurs, dit-il, on l’a bien vu avec le refus du ‘Speaker’ de la Chambre, le républicain McCarthy, de se rendre à Kiev, à l’invitation empressée et racoleuse de Zelenski. Je suis d’un avis différent : ce n’est pas en tant que membre de l’establishment que McCarthy prend cette position, mais en tant que ‘Speaker’ à la position délicate comme on le décrit encore hier, tenu par la ‘terrible twenty’.

Dans ce cas, c’est la possibilité d’une redoutable coalition qui est en train de prendre forme pour mettre en cause l’engagement US en Ukraine, tandis que des voix (féminines) s’élèvent contre l’empire illégitime que Nuland exerce sur la politique extérieure des USA, Nuland comme une sorte de création et de créature de la ‘politiqueSystème’.

Entre simulacre et vérité-de-situation

Laissons là ces réflexions dont chacun tirera partie selon le sentiment qu’il en a. Il reste à établir une comparaison entre l’extraordinaire abysse de réflexion intellectuelle qui sépare la signification politique de l’‘événement” monté de toutes pièces sur les pieds-nickelés de la Baltique, et l’‘événement’ lui-même ; ce qui fait que d’un côté on peut développer des réflexions graves et sérieuses sans trop se sentir mal à l’aise de ridicule, tandis que de l’autre on se perd en dérision et en mépris goguenard devant la grossièreté et la puérilité du montage qu’est cet ‘événement’.

La question si grave qui se pose à nous est donc de savoir par quelles voies maléfiques en est-on arrivés à devoir décrire des bouffonneries pareilles pour aborder un problème que tout dans la raison et la mesure invitent à aborder ? Il y a bien un germe terrible de folie dans la conduite solidaire et coopérative de ce bloc-BAO qui ne tient plus que par des ravaudages de vielle femme épuisée par le temps et par l’histoire. Nous chancelons sous le poids de nos mensonges, déchirés entre des ambitions démesurés et viles bâties sur un narcissisme insupportable, et un mépris hystérique d’une réalité qui refuse de se plier à nos caprices. Nous sommes ainsi conduits à inventer des secrets ridicules dans l’espoir extraordinaire de retrouver une stature d’exceptionnalité que nous nous reconnaissons avec tant de suffisante indulgence.

Enfin, comment nous supportons-nous encore ? Par quel miracle moqueur et pathétique, parvenons-nous à nous contempler encore dans un miroir en déclamant toutes les vertus que nous nous assurons à nous-mêmes d’avoir encore ?

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You