Quand les mots perdent leur sens, les royaumes deviennent ingouvernables

Quand les mots perdent leur sens, les royaumes deviennent ingouvernables

Quelques définitions et réflexions de Charles Gave.

Quand les mots perdent leur sens, les royaumes deviennent ingouvernables » – Confucius

Ça doit être l’âge, mais de plus en plus souvent j’ai de grands moments de lassitude (GML).

Pourquoi ?

Parce que les gens beaucoup plus jeunes que moi (il y en a peu de plus vieux, et de moins en moins) écrivent comme des cochons et ne respectent même plus ce que, de mon temps, on appelait la structure logique d’un argument. Je m’explique. Où que j’aille, quoi que je lise, que je regarde ou que j’écoute, j’entends que le libéralisme, le néolibéralisme, le capitalisme, le libre-échange, la recherche du profit, … ont amené le monde à la catastrophe et que nous allons tous mourir bientôt grillés, noyés, affamés, assassinés ou que sais-je encore.Très curieusement, tous ces mots sont utilisés de façon interchangeable.

Les minus habens qui défendent ces idées ne font en effet aucune différence entre libéralisme, capitalisme, liberté des prix, droit de propriété etc…

Pour eux, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.

Et donc, l’objet de leur attaque n’est pas défini clairement.

On sait qu’ils sont contre, mais on ne sait pas très bien contre quoi exactement puisqu’ils n’ont pas défini leur vocabulaire.

Ensuite, et comme le faisait remarquer Revel , ils attaquent toujours le monde réel, en s’appuyant non pas sur une autre déclinaison de la réalité, mais sur leur conte de fée favori du moment,  Millénarisme,  Fascisme, Nazisme, Théocratie, Communisme,  Écologie, Mondialisme…

C’est-à-dire qu’ils ne comparent pas la réalité à une autre réalité, mais la réalité à un rêve, pour conclure triomphalement que le rêve est supérieur à la réalité.

En toute honnêteté, on ne peut pas leur en vouloir puisque la bonne méthode « scientifique » n’a été définie que très récemment, par Aristote, il y a seulement 2400 ans.

Et voici cette méthode, qui n’a jamais changé.

Commencer par définir le problème, c’est-à-dire le nommer pour en comprendre les causes, proposer une solution, et là nous passons dans le domaine pratique, vérifier si ça marche, nous restons dans le pratique. Enfin, abandonner cette solution si la situation empire, nous revenons dans la prise de décision.

Or les gens qui maudissent les solutions qui ont marché depuis trois siècles font exactement le contraire (Voir les analyses de Thomas Sowell à ce sujet).

Le problème n’est pas défini, la solution n’existe pas dans le domaine du réel, elle ne marche donc jamais, et « ils » nous proposent encore et encore des solutions qui n’ont jamais marché, mais qui ont toutes une caractéristique commune : dans leurs systèmes, quel qu’il soit, ma liberté individuelle disparaît tandis que leur pouvoir augmente. D’où mes grands moments de lassitude.

Où l’on retrouve Schumpeter qui écrivait en 1940 que le grand problème du monde futur allait être la hausse générale du niveau d’éducation consécutive à l’arrivée du Libéralisme, qui allait permettre la montée de l’enseignement pour tous et donc créer une classe de faux intellectuels qui détesteraient le libéralisme, puisque dans un régime libéral, ils seraient payés à leur juste valeur, comme le disait Raymond Boudon.

Et, bien entendu, tous ces faux intellectuels sont aujourd’hui dans l’Université où ils s’emploient à créer de nouveaux faux intellectuels, en enseignant à nos enfants qu’il faut haïr la réalité, comme on le voit aujourd’hui aux USA par exemple.

Dans l’esprit qui a toujours été le mien, je vais donc essayer de montrer comment un esprit libre peut approcher la réalité et, dans ce papier, je vais commencer par définir proprement les mots et les concepts qui sous-tendent les réussites que nous avons connues depuis trois siècles.

Et je vais commencer par le mot LIBÉRALISME.

Au commencement du Libéralisme est le DROIT qui doit s’appliquer également à tout le monde, État y compris. Le but du libéralisme est de protéger la liberté individuelle contre le minotaure destructeur de liberté qu’est l’État et cette protection est assurée par l’égalité de tous devant le Droit.

Locke, à la fin du XVII -ème, a posé les principes de base de la doctrine juridique qui constitue le Libéralisme (voir mon papier sur Locke sur ce site).

  • Inaliénabilité du droit de propriété.
  • Séparation des pouvoirs.
  • Vote des impôts par ceux qui les payent.

Ces principes, s’ils sont respectés, amènent inéluctablement à deux réalités.

  1. Dans le domaine économique, le capitalisme.
  2. Dans le domaine politique, la démocratie.

Commençons par le capitalisme.

Le capitalisme est un système Darwinien assez simple.

Celui qui dispose d’un stock de capital a le droit d’en faire ce qu’il veut, dans le cadre légal de l’époque, sauf à mettre les autres en esclavage puisque chacun est propriétaire de lui-même et des fruits de son travail. Le libéralisme est donc à l’origine de la disparition de l’esclavage.

Si le capitaliste utilise correctement ses actifs, les profits lui appartiennent (voir la parabole des ouvriers de la onzième heure, article précédent).

S’il l’investit mal, il le perd.

Le capitaliste dans la sphère économique est donc celui qui assume le RISQUE inhérent à toute activité humaine.

Cette réalité va amener à ce que l’on pourrait appeler les maladies du capitalisme.

Première maladie : la tentation de l’entente entre producteurs pour se protéger contre la concurrence. Appelons cela la recherche de rente par le capitaliste, ou capitalisme rentier, qui est totalement inacceptable dans une société libre,

Solution, l’ordo-libéralisme allemand, ou les législations interdisant de telles pratiques.

Deuxième maladie : l’achat du pouvoir politique pour empêcher les nouveaux concurrents d’apparaître. Le but est de se mettre à l’abri du risque de perte en demandant au pouvoir politique de me protéger contre des capitalistes plus efficaces que moi, en mettant à mon service le monopole de la violence légitime dont dispose l’État.

Historiquement, la meilleure façon d’arriver à un tel résultat a été le protectionnisme. Alternativement, des arrangements entre complices peuvent avoir lieu pour que les commandes de l’Etat soient attribuées à des « amis » plutôt qu’aux mieux disant.

J’ai donné à cette pratique le nom de « capitalisme de connivence », mot poli qui peut remplacer « corruption ».

Toutes les études internationales montrent qu’à de rares exceptions près, plus le poids de l’Etat est élevé dans un pays, plus la corruption y règne, ce qui apparaît bien normal. La France, dans ce domaine, est particulièrement bien placée puisque notre État représente 62% du PIB.

Recherche de la rente et capitalisme de connivence sont donc les deux maladies du capitalisme.

On sait parfaitement comment les traiter depuis le début du XX -ème au moins (Theodore Roosevelt aux USA, lois anti-monopoles) et la condition pour que des dérives ne se produisent pas est bien sur l’indépendance de la justice, ce qui m’amène à ma deuxième conséquence du libéralisme. la démocratie.

Continuons avec la démocratie

Le libéralisme a une idée fondamentale : l’État est un mal nécessaire.

Pour le contrôler, la solution est de voter ses dépenses qui seront couvertes par l’impôt.

L’article 1 de toute constitution libérale est qu’il y a vote des dépenses de l’État par les citoyens, c’est-à-dire démocratie.

L’article 2 c’est le Droit de propriété (à quoi servirait l’article 1 si l’État pouvait me piquer mes biens ?)

L’article 3 c’est bien entendu l’indépendance de la justice assurée au mieux par des jurys populaires ( à quoi serviraient les articles 1 et 2 si la justice n’était pas indépendante ?).

L’embêtant est que la démocratie est définie de nos jours comme la toute-puissance de la majorité. Si un régime atteint 50.1% des voix, il serait tout puissant. Vous avez juridiquement tort puisque vous êtes minoritaires était le cri de guerre des socialistes en France en 1981.

C’est pour cela qu’Aristote pensait que la démocratie était le pire des régimes puisqu’il amenait automatiquement à la démagogie.

La difficulté est donc : comment laisser la parole à la majorité, sans que les démagogues ne détruisent tout.

La réponse amenée par les pères fondateurs des USA, fut de mettre un certain nombre de principes sur lesquels la population ne pouvait pas voter dans la Loi Fondamentale du pays, la Constitution. Ce qui fait dire aux spécialistes que les USA ne sont pas une démocratie, mais une République, gouvernée par la Loi et non pas par le Peuple.

Ce principe de la Loi Fondamentale fut repris un peu partout, avec plus ou moins de bonheur…comme en France ou nous avons connu une dizaine de Constitutions alors que les USA ont toujours la même.

Hélas, comme le capitalisme, la démocratie attrape des maladies.

  • La première est la démagogie, ce qui se termine toujours mal.
  • La deuxième est la capture de l’État par les forces économiques qui cherchent à transformer leurs profits (légitimes) en rentes (illégitimes).
  • La troisième est la capture de l’État par une institution étrangère (colonialisme) ou supranationale (Europe aujourd’hui) puisque cela veut dire que voter ne sert plus à rien,
  • La quatrième est le gouvernement des juges, qui, à la place de dire le Droit, décident de le fabriquer. La solution est bien sur l’élection des juges et le jugement par jury.

Si quelqu’un est contre le libéralisme, il doit être contre le capitalisme, mais aussi contre la démocratie. Staline, Lénine et le PCF d’autrefois étaient contre les trois, ce qui était rationnel. Être pour la démocratie et contre le libéralisme est la position démagogique par excellence de ceux qui espèrent que la Loi ne sera pas égale pour tous tant ils comptent s’enrichir grâce à la corruption.

On ne peut pas être contre le capitalisme, et donc contre la propriété privée et pour la démocratie puisque, dans un tel monde, le risque est assumé par l’État, ce qui fait que le processus de création destructrice ne peut avoir lieu et que la croissance s’arrête et la démocratie disparaît à chaque fois. C’est là où nous en sommes dans le domaine des énergies fossiles ou renouvelables et le résultat ne va pas être beau à voir.

Curieusement, on peut être pour le capitalisme et contre la démocratie, c’est ce que montre les exemples de Singapour et de la Chine, où règnent un capitalisme débridé et un certain respect du droit de propriété mais où la démocratie n’existe pas. Ce qui m’amène à dire que la Chine communiste ressemble beaucoup plus à l’Espagne Franquiste de 1955 qu’a l’URSS… Pour moi, la Chine aujourd’hui est un régime autoritaire mais non pas totalitaire, mais peu de gens partagent cette opinion.

Conclusion

Nos économies dites «libérales » sont malades puisque partout capitalisme de connivence et capitalisme de rente règnent aux USA et en Europe.

Partout aussi nous constatons la prise de pouvoir du politique par des « élites » vendues aux puissances d’argent qui s’appuient sur des soi-disant juges indépendants.

Nous sommes atteints de toutes les maladies qui peuvent s’abattre sur un régime libéral aussi bien dans le monde politique que dans le monde économique.

Tout le monde sait que nous sommes mal partis mais les solutions proposées par les différentes branches du monde politique sont toujours plus de capitalisme de connivence ou de rente (protectionnisme, champions nationaux), plus de gouvernements par des juges non élus (transferts juridiques à l’Europe) ,plus de transferts de souveraineté à  des organisations internationales et toujours moins de libéralisme.

Je pense très sincèrement que nos sociétés sont en train de devenir folles et que les fous ont pris le contrôle de l’asile.

J’attends en cultivant mon jardin en France et mes actifs principalement en Asie, ce qui est possible de nos jours et ne l’était pas autrefois.

Du diable si je sais comment tout cela va finir.

Charles Gave

Source

Source: L’Echelle de Jacob

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À propos de l'auteur Profession Gendarme

L'Association Professionnelle Gendarmerie (APG) a pour objet l’expression, l’information et la défense des droits et intérêts matériels et moraux des personnels militaires de la gendarmerie et de toutes les Forces de l'ordre.Éditeur : Ronald Guillaumont

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