Des chars pour l’Ukraine : escalade ou mystification ?

Des chars pour l’Ukraine : escalade ou mystification ?

Par Jean-Luc Baslé – Le 30 janvier 2023

La guerre en Ukraine n’est pas le fruit du hasard ou d’une agressivité soudaine et inexpliquée de la Russie, mais d’une politique délibérée des États-Unis dont l’objectif final est l’hégémonie mondiale.

Les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne vont livrer des chars lourds à l’Ukraine ainsi que la Finlande, la Pologne et l’Espagne, soit au total 125 chars – un nombre bien inférieur aux 300 chars demandés par le général ukrainien Valeri Zaluzhny lors de son interview à The Economist en décembre dernier. Si on ajoute à cela le fait que les Leopard 2 allemands ne seront livrés que dans trois ou quatre mois, que les Abrams américains devront être fabriqués pour être livrés dans un an1, que la formation des équipages est une question cruciale selon le général Mark Milley, chef d’état-major des armées américaines, et que la maintenance de ces matériels, requiert un personnel qualifié, comme l’explique Scott Ritter 2, ancien des services secrets américains, il est permis de se demander quel sera l’impact réel de ces chars qui seront en quantité insuffisante et sans appui aérien3. De l’aveu même du général Erich Vad, ancien conseiller militaire d’Angela Merkel, même 100 tanks Leopard 2 ne changeraient rien à la situation militaire4. Le colonel Douglas Macgregor, ancien conseiller du Pentagone, déclare pour sa part, après avoir rappelé la supériorité militaire de la Russie, que : « l’Ukraine est sur le point d’expérimenter une guerre à une échelle que nous n’avons pas connue depuis 1945 ». 5

Si la Russie lance la campagne qu’elle prépare depuis plusieurs mois dans les semaines à venir que les chars promis soient prêts au combat ou non, sa victoire est assurée. Les dirigeants occidentaux le savent. Il est alors permis de faire l’hypothèse suivante : ces livraisons sont une opération médiatique visant à convaincre les peuples occidentaux que leurs gouvernements ont tout fait pour venir en aide à l’Ukraine. Washington et Londres camoufleraient ainsi leur échec. L’Ukraine disparaîtra alors des médias pour être remplacée par la Chine, ses visées expansionnistes, ou son traitement des Ouighours. C’est la politique de communication qui fut adoptée après l’humiliant retrait de Kaboul. Du jour au lendemain, l’Afghanistan disparut de la scène internationale. Il en sera de même pour Kiev.

Dans cette guerre dont le but est d’affaiblir la Russie, la propagande a joué un rôle très important. Européens et Américains furent soumis à un battage médiatique6 7 exceptionnel en novembre-décembre 2021 alors que Moscou essayait vainement de convaincre Washington d’aboutir à un accord pour éviter la guerre. Cette propagande hors normes conduit les nations européennes à accepter des mesures contraires à leurs intérêts fondamentaux !… Pierre de Gaulle8, petit-fils du général, s’est élevé contre cette absurdité. Emmanuel Todd9, lors d’une conférence à Sciences Po Bordeaux, a rappelé que l’agressé dans cette affaire était la Russie au travers d’une expansion injustifiée de l’OTAN qui place des missiles américains aux frontières de la Russie à sept minutes de Moscou10. Notons que son analyse rejoint celle de John Mearsheimer, professeur à l’université de Chicago11. La Rand Corporation – le groupe de réflexion du Pentagone – ne fait pas mystère de son désir de voir les États-Unis réévaluer leur politique vis-à-vis de l’Ukraine et de la Russie afin d’aboutir à un accord de paix12.

C’est un revers pour les États-Unis – revers qui condamne une politique étrangère que les néoconservateurs poursuivent depuis qu’ils en ont pris le contrôle dans les années 90. Ce n’est donc pas d’escalade dont il est question dans cette affaire, comme certains le craignent, mais de mystification. Ceci dit, l’offensive russe ne mettra pas la fin à la guerre en Ukraine. En dépit des admonestations de la Rand Corporation, Washington n’en a pas fini avec ses rêves d’hégémonie mondiale. Ces rêves s’évanouiront quand les néoconservateurs que George Bush père appelait « les cinglés du sous-sol », auront quitté la Maison Blanche.

Jean-Luc Baslé est un ancien vice-président de Citigroup, et diplômé de l’Université de Columbia et de l’Université de Princeton. Il est l’auteur de « L’euro survivra-t-il ? ».

Notes

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