Chers idéologues trans, arrêtez de falsifier la pensée de Simone de Beauvoir (par Audrey A. et Nicolas Casaux)

Chers idéologues trans, arrêtez de falsifier la pensée de Simone de Beauvoir (par Audrey A. et Nicolas Casaux)

On ne compte plus le nombre de fois où la célèbre hyper­bole de Simone de Beau­voir (« on ne naît pas femme, on le devient ») a été détour­née par des idéo­logues trans pour lui faire dire tout autre chose que ce qu’elle dit en réa­li­té. Selon les mili­tants trans, Simone de Beau­voir aurait vou­lu dire par là que « femme » serait un état ou une sorte de sta­tut social que n’importe qui pour­rait atteindre ou adop­ter, à volon­té, et non pas une réa­li­té maté­rielle, bio­lo­gique. Der­nière fal­si­fi­ca­tion en date : Mathieu Magnau­deix pour Médiapart.

Dans une émis­sion de télé­vi­sion dif­fu­sée le 6 avril 1975, inter­ro­gée par Jean-Louis Ser­van Schrei­ber, Simone de Beau­voir donne des éclair­cis­se­ments sur cette célèbre for­mule, « on ne naît pas femme, on le devient », tirée de son essai inti­tu­lé Le Deuxième sexe, publié en 1949. De Beau­voir explique à Ser­van Schrei­ber que ce qu’elle veut dire par là, c’est que la socia­li­sa­tion de la jeune femme dans la socié­té patriar­cale (« l’histoire de son enfance ») ins­tille en elle « ce qu’on a appe­lé quelques fois l’éternel fémi­nin, la fémi­ni­té », et qui consti­tue l’image de la femme en géné­ral, géné­rique, dans le patriar­cat.

Autre­ment dit, la for­mule de De Beau­voir consti­tue ce qu’on appelle une hyper­bole, une figure de style « consis­tant à exa­gé­rer l’expression d’une idée ou d’une réa­li­té, le plus sou­vent néga­tive ou désa­gréable, afin de la mettre en relief ». De Beau­voir emploie le mot « femme » pour évo­quer l’image de la femme à laquelle les femmes sont tenues de se confor­mer dans le patriar­cat. Ce qu’elle veut dire, c’est que les enfants nées de sexe fémi­nin, les filles (per­sonne ne naît femme, on naît bébé fille ou bébé gar­çon), sont ensuite condi­tion­nées afin de se confor­mer au sté­réo­type sexiste que consti­tue l’image ou l’idée de la femme dans notre socié­té patriar­cale. En bref, et pour la para­phra­ser : aucune fille ne naît des­ti­née, par nature, à incar­ner le sté­réo­type patriar­cal de la femme.

Mais il est évident pour De Beau­voir que les enfants naissent tous sexués et que l’humanité com­prend deux sexes (d’où le titre de son livre !) aux­quels ren­voient les termes homme et femme. Les idéo­logues trans qui uti­lisent la for­mule de De Beau­voir afin de sug­gé­rer que le mot femme n’a rien à voir avec une réa­li­té bio­lo­gique, cor­po­relle, mais est une construc­tion sociale que l’on pour­rait choi­sir d’incarner, lui font dire l’exact inverse de ce qu’elle affirme.

Simone de Beau­voir sou­te­nait que les femmes n’avaient pas par nature à incar­ner (ou deve­nir) une cer­taine construc­tion sociale, un ensemble de sté­réo­types (ceux qui consti­tuent la « fémi­ni­té », l’image de la femme fabri­quée par le patriar­cat, ou ce qu’elle nomme « l’éternel fémi­nin »), que la femme n’était pas par nature cet ensemble de sté­réo­types, cette construc­tion sociale. À l’in­verse, les idéo­logues trans sou­tiennent que la femme est un ensemble de sté­réo­types, une construc­tion sociale (un « genre »). Pour Simone de Beau­voir et les fémi­nistes radi­cales cri­tiques du genre, la femme n’est pas natu­rel­le­ment (n’a pas à être) le « genre fémi­nin » socia­le­ment (patriar­ca­le­ment) construit. Pour les tran­sac­ti­vistes, la femme est pré­ci­sé­ment ce genre fémi­nin et rien d’autre — selon le glos­saire de « l’association natio­nale trans­genre » (ANT), une « femme » est une « per­sonne défi­nie par la socié­té de genre fémi­nin (sans consi­dé­ra­tion de son sexe) ».

Voi­ci un extrait de l’interview de Simone de Beau­voir par Jean-Louis Ser­van Schreiber :

J‑L S.S. : « Les dif­fé­rences bio­lo­giques [entre l’homme et la femme], qui sont évi­dentes, vous consi­dé­rez qu’elles ne jouent pas de rôle dans le com­por­te­ment ulté­rieur éven­tuel de l’individu ? »

SB : « Je pense qu’elles peuvent en jouer un, si, elles en jouent un cer­tai­ne­ment, mais l’importance qui leur est accor­dée, l’importance que prennent ces dif­fé­rences vient du contexte social dans les­quels elles se situent. Je veux dire que, bien enten­du, c’est très impor­tant qu’une femme puisse être enceinte, avoir des enfants tan­dis que l’homme ne le peut pas ; ça fait une grande dif­fé­rence entre les deux, mais ce n’est pas cette dif­fé­rence qui fonde la dif­fé­rence de sta­tut et l’état d’exploitation et d’oppression auquel est sou­mise la femme. C’est en quelque sorte un pré­texte autour duquel est construite la condi­tion fémi­nine, mais ce n’est pas cela qui déter­mine cette condition. »

Simone de Beau­voir était en effet très claire sur le fait qu’être femme se rap­porte — évi­dem­ment — à la bio­lo­gie. Voi­ci le pas­sage dont est tirée la fameuse hyper­bole de Simone de Beauvoir :

« On ne naît pas femme : on le devient. Aucun des­tin bio­lo­gique, psy­chique, éco­no­mique ne défi­nit la figure que revêt au sein de la socié­té la femelle humaine ; c’est l’en­semble de la civi­li­sa­tion qui éla­bore ce pro­duit inter­mé­diaire entre le mâle et le cas­trat qu’on qua­li­fie de fémi­nin. Seule la média­tion d’au­trui peut consti­tuer un indi­vi­du comme un Autre. »

Dans Le Deuxième sexe, Simone de Beau­voir note en outre que « la femme a des ovaires, un uté­rus » : « […] le fait est qu’elle est une femelle ». Sachant que :

« Mâles et femelles sont deux types d’in­di­vi­dus qui à l’in­té­rieur d’une espèce se dif­fé­ren­cient en vue de la repro­duc­tion ; on ne peut les défi­nir que corrélativement. »

De Beau­voir ajoute :

« Ces don­nées bio­lo­giques sont d’une extrême impor­tance : elles jouent dans l’histoire de la femme un rôle de pre­mier plan, elles sont un élé­ment essen­tiel de sa situa­tion : dans toutes nos des­crip­tions ulté­rieures, nous aurons à nous y réfé­rer. Car le corps étant l’instrument de notre prise sur le monde, le monde se pré­sente tout autre­ment selon qu’il est appré­hen­dé d’une manière ou d’une autre. C’est pour­quoi nous les avons si lon­gue­ment étu­diées ; elles sont une des clefs qui per­mettent de com­prendre la femme. Mais ce que nous refu­sons, c’est l’idée qu’elles consti­tuent pour elle un des­tin figé. Elles ne suf­fisent pas à défi­nir une hié­rar­chie des sexes. »

De Beau­voir esti­mait d’ailleurs « qu’aucune femme ne peut pré­tendre sans mau­vaise foi se situer par-delà son sexe ». Mince alors !

Simone de Beau­voir était mani­fes­te­ment ter­ri­ble­ment « trans­phobe » ! De même que tous les écrits fémi­nistes et, plus géné­ra­le­ment, de même que tous les livres ayant été écrits depuis la nais­sance de l’écriture il y a plu­sieurs mil­lé­naires et jusqu’aux envi­rons de l’année 2015 !

Audrey A. et Nico­las Casaux

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À propos de l'auteur Le Partage

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