La fin de la Russie des années 2010-2020

La fin de la Russie des années 2010-2020

Le retrait militaire russe de Kherson ne peut être médiatiquement contrôlé pour réduire son impact même s’il répond à de solides considérations tactiques. Ce retrait sera perçu et vécu comme une immense victoire par l’empire car c’est non seulement la bataille la plus décisive de la guerre en Ukraine mais son aboutissement.

La stratégie russe souffre depuis le début de ce conflit d’un nombre incalculables d’incohérences et de lacunes. Classée comme seconde puissance militaire mondiale sur le papier avant la guerre, la Russie a été incapable de neutraliser, réduire ou occuper Kharkov, la deuxième plus grande ville d’Ukraine, pourtant située à 30 km des frontières russes et donc à portée de l’ensemble de l’artillerie russe en territoire fédéral. Certains analystes argueront que ce n’est pas avec dix mille hommes que l’on peut occuper une grande ville de plusieurs millions d’habitants, soit. Cependant, Baghdad, une capitale de cinq millions d’habitants avait bien été occupée par une seule brigade en 2003.

Les Russes n’ont pas réussi à prendre Kharkov, une ville adjacente de leurs territoires et ont lancé leurs forces loin en profondeur dans une tentative de prendre Kiev sans aucune préparation ni blocus et encore moins une campagne aérienne solidement préparée pour neutraliser la défense aérienne adverse, détruire systématiquement ses infrastructures énergétiques, ses réseaux routiers et ferroviaires, ses télécommunications, ses centres de commandement, les sièges du pouvoir politique et militaire, etc. Le résultat fut catastrophique puisque une colonne russe immense demeura statique près de Kiev en attente d’ordres qui ne parvinrent jamais: cette colonne fut réduite à une lente parade de cibles à cartonner.

Le premier retrait de Jythomyr et de Kiev fut la première défaite russe. Elle ne sera pas la seule. Après s’être redéployé en Ukraine orientale, les forces russes seront contraintes à mener la pire forme de guerre possible: celle le long de lignes de fronts statiques où prédominent les duels d’artillerie. Ce retour en 1914-1918 était de mauvaise augure pour le commandement militaire russe. Sur la défensive, les Russes finirent par perdre du terrain face aux nouvelles troupes ukrainiennes entraînées en Grande-Bretagne, en Allemagne, au Danemark, en Pologne et dans d’autres pays de l’OTAN. Leur deuxième retrait en Ukraine orientale ne laissait subsister aucun doute quand à l’inefficacité de la stratégie russe. L’adhesion des quatre régions de Donetsk, Lugansk, Zapirijia et Kherson à la fédération de Russie n’allait pas changer la donne sur le terrain mais la compliquer davantage puisque le territoire russe allait être abandonné comme ce fut le cas dans des dizaines de localités.

L’évacuation des populations de Kherson puis le retrait des forces militaires russes et pro-russes vers la rives orientale de la Dniepr va donner une impulsion nouvelle aux forces de Kiev et ses soutiens occidentaux. Si les Russes sont assez naïfs (ils sont loin de l’être) pour croire que les Ukro et l’OTAN s’arrêteront à Kherson, ils sont perdus comme durant la période 1991-1998.

Après ce troisième retrait, impliquant l’unique capitale régionale d’une région russe, le concept de Novorossya vient d’être définitivement enterré.

Odessa semble définitivement plus sanctuarisée que Kharkov (ville frontalière avec la Russie qui n’a pas pu être réduite ni prise). La nouvelle mobilisation générale ukrainienne portabt sur des effectifs de 300 000 hommes va produire ses effets très vite et Kiev aura une redoutable armée encadrée par les Britanniques et les Américains d’ici le début du mois de décembre.
Si cette armée assez bien commandée et dotée d’un système de communication moderne et sécurisé aura à sa disposition des chars allemands Leopard 2 A5 et des avions de combat F-16 Block 52 (ce ne sont pas les derniers variants), la Crimée et l’ensemble de Donetsk, Lugansk et Zaporijia seront repris avant mars 2023.

Cette estimation prend en compte la lourdeur incroyable et la gabegie actuelles du commandement militaire russe.

Les premières brigades ukrainiennes formées en Grande-Bretagne et des mercenaires étrangers se déploient près de Zaporijia (7000 hommes) et Kherson (plusieurs milliers) face à des lignes de défense russes trop étirées et souffrant de sérieux problèmes logistiques. Le résultat de ces déploiements risquent d’être un autre retrait des forces russes vers la Crimée. Soit le point de départ de la guerre en 2014.

Cette déroute russe n’est pas due à une supériorité stratégique ou même technique de l’Empire en dépit de l’apport indéniable du système Starlink de SpaceX mais à de graves problèmes minant depuis longtemps les forces armées et l’État russes. Il semble que les décisions du président russe Vladimir Poutine concernant ce conflit aient été induites par des rapports mensongers présentant très favorablement la modernisation des forces armées russes comme une révolution dans les affaires militaires alors que le népotisme, la corruption et la mauvaise gestion minaient tous les efforts consentis à cette fin.

Existe-il un déterminisme historique condamnant la Russie à la défaite? Guerre de Crimée 1853-1856, défaite face au Japon à Port Arthur en 1905, Révolution Bolchévique en 1917 et retrait de la Première guerre mondiale, Opération Barbarossa en 1941 et invasion allemande, retrait d’Afghanistan en 1989, dissolution de l’Union soviétique et début d’une effroyable descente aux enfers entre 1991 et 1998 durant laquelle aucune humiliation ne fut épargnée à la nation russe. C’est cette humiliation historique que Vladimir Poutine a tenté sinon de venger du moins éviter qu’elle se reproduise une seconde fois mais il semble que le sort en a décidé autrement.

Vae victis! Cette guerre a profité en premier lieu aux oligarques US qui ont écrasé dans la foulée l’économie européenne et retrouvé leur bénéfices d’avant la crise financière de 2008.

Des jours sombres attendent la Russie. C’est une constante de l’histoire mouvementée de ce pays mais cette fois-ci, l’Empire ne pardonnera jamais à Moscou son insolence et continuera sa guerre hybride jusqu’au démembrement total de la fédération et son éclatement en une demi-douzaine d’Ukraine sous contrôle sans possibilité de revenir sur la scène mondiale.

Dans un discours prémonitoire, Vladimir Poutine s’était interrogé sur le sens d’un monde sans la Russie. La guerre en Ukraine a été la trappe tendue par l’Empire pour piéger l’ours et l’amener à agir de la seule façon possible pour qu’il soit abattu. La Russie n’est pas finie mais une période de l’historie récente de ce pays s’achève dans un fiasco militaire qui demeurera dans les annales.

Vae Victis!

Adblock test (Why?)

Source: Lire l'article complet de Strategika 51

À propos de l'auteur Strategika 51

« Portail indépendant de l’information stratégique asymétrique et non linéaire. »Journal of a Maverick. A Pre-Socratic and a Non-linear Observer of the World. Carnet de bord d'un observateur de crise, pré-socratique, iconoclaste et évoluant en mode non-linéaire.Contact: strategika51link@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You