Un homme norvégien s’identifie désormais comme une femme handicapée et utilise un fauteuil roulant « presque tout le temps » (par Genevieve Gluck)

Un homme norvégien s’identifie désormais comme une femme handicapée et utilise un fauteuil roulant « presque tout le temps » (par Genevieve Gluck)

Tra­duc­tion d’un article d’ac­tua­li­té de Gene­vieve Gluck, paru le 1er novembre 2022 sur le média fémi­niste Reduxx. Ceci n’est pas un article sati­rique. C’est vrai­ment vrai. Tous les com­men­taires trans­han­di­gy­no­phobes seront sup­pri­més (ça c’est ironique).


En Nor­vège, un homme sus­cite l’in­di­gna­tion sur les réseaux sociaux après avoir été com­plai­sam­ment inter­viewé au sujet de sa déci­sion de com­men­cer à s’i­den­ti­fier comme une femme handicapée.

Le 28 octobre, l’é­mis­sion de télé­vi­sion Good Mor­ning Nor­way (God Mor­gen Norge, GMN) a dif­fu­sé une inter­view de Jørund Vik­to­ria Alme, 53 ans, un homme valide qui s’i­den­ti­fie désor­mais comme une femme han­di­ca­pée. Dans l’in­ter­view, Alme a décla­ré qu’il avait tou­jours sou­hai­té être né comme une femme para­ly­sée au-des­sous de la taille.

Alme, ana­lyste de cré­dit senior à Oslo pour Svens­ka Han­dels­ban­ken, l’une des plus impor­tantes banques scan­di­naves, a béné­fi­cié d’une cou­ver­ture posi­tive dans les médias nor­vé­giens depuis qu’il a publi­que­ment annon­cé son trans-han­di­cap sur Face­book en 2020. Il a don­né plu­sieurs inter­views, sou­vent aux côtés de sa femme, Agnes Mjålseth.

Bien qu’il ne souffre d’au­cun han­di­cap phy­sique, Alme uti­lise actuel­le­ment un fau­teuil rou­lant « presque tout le temps ».

Outre la dys­pho­rie de genre, Alme affirme souf­frir d’un trouble de l’in­té­gri­té cor­po­relle (TIC), évo­quant une « dis­so­nance » entre la façon dont il se per­çoit et le fonc­tion­ne­ment de son corps. « J’ai lut­té contre ça tous les jours de ma vie », a décla­ré Alme à Vi, un média nor­vé­gien, plus tôt cette année.

« C’est une dis­so­nance cog­ni­tive : de la même manière que je vis le fait d’être une femme dans un corps d’homme, je vis le fait que j’au­rais dû être para­ly­sé au-des­sous de la taille. Il ne s’a­git pas d’un désir d’être un far­deau pour la socié­té. Il s’a­git d’un fau­teuil rou­lant qui m’aide à fonc­tion­ner dans la vie de tous les jours, à la fois en pri­vé et au tra­vail », a décla­ré Alme.

Les cri­tiques de l’« iden­ti­té » d’Alme ont été si nom­breuses que le pro­gramme d’in­for­ma­tion de TV 2 en Nor­vège a pré­sen­té les points de vue de quatre femmes han­di­ca­pées dans les jours qui ont sui­vi la dif­fu­sion de son inter­view sur GMN.

Emma Sofie Grim­stad, 18 ans, est l’une des nom­breuses femmes qui ont dénon­cé l’« iden­ti­té » han­di­ca­pée d’Alme. Au début de l’an­née, Grim­stad a pas­sé deux mois en fau­teuil rou­lant après avoir contrac­té le syn­drome de Guillain-Bar­ré, une mala­die inflam­ma­toire aiguë qui attaque les nerfs et peut entraî­ner une paralysie.

Grim­stad a cri­ti­qué Alme, le décri­vant comme une « per­sonne avec des jambes fonc­tion­nelles qui choi­sit de s’as­seoir dans un fau­teuil rou­lant », et a sou­li­gné que « beau­coup de gens qui ne dis­posent pas ce choix ».

« Je ne pense pas que n’im­porte quoi devrait béné­fi­cier de temps d’an­tenne », a décla­ré Grim­stad au pro­gramme d’in­for­ma­tion de TV 2 en Nor­vège. « L’in­ter­view [d’Alme] peut nuire aux per­sonnes qui sont en fau­teuil rou­lant et qui n’ont pas le choix. Elle peut même entraî­ner des soup­çons vis-à-vis des per­sonnes qui n’ont aucune mala­die visible », a‑t-elle ajouté.

Noo­mi Alexan­der­sen, 23 ans, est une autre femme dont les pré­oc­cu­pa­tions ont été sou­li­gnées dans le repor­tage de TV 2. Alexan­der­sen est atteinte de para­ly­sie céré­brale, ce qui fait qu’elle n’a pas l’u­sage com­plet de son bras et de son pied gauche.

« Cela conduit à ridi­cu­li­ser ceux qui sont confron­tés quo­ti­dien­ne­ment à des défis liés à leur han­di­cap », a décla­ré Alexan­der­sen, qui a ajou­té que l’« iden­ti­té » d’Alme était res­sen­tie comme une insulte envers la com­mu­nau­té des per­sonnes handicapées.

La pré­si­dente de la Coa­li­tion des jeunes han­di­ca­pés, Ingrid Thu­nem, a décla­ré à TV 2 qu’elle avait per­son­nel­le­ment reçu plu­sieurs « demandes de ren­sei­gne­ments » en réac­tion à l’in­ter­view d’Alme dans l’é­mis­sion Good Mor­ning Nor­way la semaine der­nière, et a sou­li­gné que « beau­coup sont accu­sés de pré­tendre qu’ils ont besoin d’aide ». La coa­li­tion est com­po­sée de 38 orga­ni­sa­tions et groupes de jeunes han­di­ca­pés ou atteints de mala­dies chro­niques, et repré­sente au total envi­ron 25 000 personnes.

Immé­dia­te­ment après les remarques cri­tiques des femmes, TV 2 a pro­po­sé une défi­ni­tion du trouble de l’in­té­gri­té cor­po­relle (TIC). Dans une brève décla­ra­tion, la chaine a pré­sen­té Alme sous un jour sym­pa­thique en le décri­vant comme atteint d’un « sen­ti­ment pro­fond que cer­taines par­ties ou fonc­tions de son corps lui semblent étran­gères ou pas comme elles devraient être ».

Ensuite, Alme a répon­du aux cri­tiques for­mu­lées à son encontre.

« J’ai lut­té contre ma propre honte et mes pré­ju­gés pen­dant 50 ans avant d’être tel­le­ment déran­gé par le TIC que j’ai fina­le­ment dû en par­ler », a décla­ré Alme à TV 2. Alme a pour­sui­vi en disant qu’il vise à faci­li­ter « la diver­si­té et l’inclusion ».

La décla­ra­tion de TV 2 sur le TIC, par­fois aus­si appe­lé trouble de l’i­den­ti­té de l’in­té­gri­té cor­po­relle (TIIC), fai­sait éga­le­ment réfé­rence à une patho­lo­gie appe­lée apo­tem­no­phi­lie, défi­nie par la recherche médi­cale comme « un syn­drome dans lequel une per­sonne est obsé­dée par le désir d’am­pu­ter un de ses membres sains ». Le terme a été inven­té par le sexo­logue John Money en 1977, en réfé­rence à des hommes qui vou­laient deve­nir ampu­tés parce qu’ils trou­vaient l’i­dée sexuel­le­ment exci­tante. C’est à Money que l’on doit en grande par­tie l’in­ven­tion du concept le plus com­mu­né­ment admis d’« iden­ti­té de genre ».

Une étude menée en 2005 sur des per­sonnes atteintes de TIIC a révé­lé que cette mala­die « recou­pait » lar­ge­ment d’autres para­phi­lies. Dans cette étude, 90 % des per­sonnes inter­ro­gées étaient des hommes et, sur l’en­semble des par­ti­ci­pants, 87 % ont admis être sexuel­le­ment atti­rés par les ampu­tés. Près d’un tiers ont décla­ré avoir au moins une autre para­phi­lie, ou féti­chisme sexuel, notam­ment le tra­ves­tisme, le féti­chisme, le maso­chisme ou la pédo­phi­lie. Les cher­cheurs ont fait remar­quer qu’il y avait « des simi­li­tudes entre le trouble de l’i­den­ti­té de genre et cette affection ».

En sep­tembre, Alme confiait à iNy­he­ter que son iden­ti­té de femme han­di­ca­pée était sexuel­le­ment moti­vée. Lorsque la ques­tion de savoir s’il agis­sait sous l’im­pul­sion d’un féti­chisme sexuel a été abor­dée, Alme a répon­du : « Je ne sais pas, peut-être que oui. »

« Je convoi­tais sou­vent les belles chaus­sures que j’a­che­tais pour Agnès. Une fois, j’ai trou­vé une paire de chaus­sures pour elle. Puis j’ai décou­vert qu’ils avaient la même paire de chaus­sures dans une poin­ture plus grande. Alors je les ai ache­tées aus­si. C’é­tait très exci­tant d’a­che­ter une paire de chaus­sures à talons hauts », raconte Alme à Vi.

Après qu’Alme a com­men­cé à com­man­der des chaus­sures pour femmes en ligne, sa femme Agnès lui a deman­dé s’il por­tait ses robes en pri­vé. Lors­qu’il lui a dit que c’é­tait le cas, elle a été cho­quée, et ce choc s’est ensuite trans­for­mé en frustration.

« Quand j’ai enten­du cela, j’ai été cho­quée. Et en colère — j’é­tais effrayée. J’a­vais l’im­pres­sion qu’il avait détruit tout ce que nous avions ensemble et que je devais le quit­ter », raconte Agnès.

Pour­tant, mal­gré l’in­di­gna­tion de sa femme, Alme a com­men­cé à s’ha­biller en femme à la mai­son, une situa­tion qui est « deve­nue une contrainte » pour elle, car elle lut­tait contre un récent diag­nos­tic de can­cer. Agnès n’a pas caché ses dif­fi­cul­tés à accep­ter les com­por­te­ments féti­chistes de son mari et a décla­ré qu’elle avait d’a­bord « essayé de le quit­ter » à deux reprises « par déses­poir et par chagrin ».

Agnes, membre du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion et direc­trice d’une école mater­nelle à Molde, avait déjà tra­vaillé avec des enfants han­di­ca­pés et en fau­teuil rou­lant, ce qui l’a­vait ame­née à se sen­tir pré­oc­cu­pée par les com­por­te­ments de son mari.

Alme a décla­ré aux médias nor­vé­giens que son désir d’être han­di­ca­pé pro­ve­nait d’un sou­ve­nir d’en­fance. Il se sou­vient avoir été « envieux » d’un autre enfant bles­sé à la jambe qui uti­li­sait des béquilles alors qu’il était à l’é­cole primaire.

« Ma réac­tion a été un inté­rêt intense. Mon cœur bat­tait la cha­made, mon pouls aug­men­tait et tout mon corps était sti­mu­lé. J’é­tais incroya­ble­ment concen­tré sur lui et sur ce dont il s’a­gis­sait. Tout le monde s’est ras­sem­blé autour et allait essayer ses béquilles, tan­dis que je gar­dais mes dis­tances. J’a­vais tel­le­ment peur que quel­qu’un découvre ce qui se pas­sait en moi », a décla­ré Alme à Budstikke.

Au départ, Alme a dit à Agnès que le fait qu’il s’ha­bille avec ses vête­ments, qu’il se pas­sionne pour des chaus­sures et qu’il sou­haite uti­li­ser un fau­teuil rou­lant était un féti­chisme sexuel — un récit qu’il a ensuite chan­gé pour mettre l’ac­cent sur le trouble de l’in­té­gri­té cor­po­relle après qu’elle a expri­mé sa détresse.

En rai­son de l’in­sis­tance d’Alme et des expli­ca­tions concer­nant le TIC, Agnès a depuis dit qu’elle accep­tait la nou­velle iden­ti­té de son mari.

« C’est une per­sonne sage et opti­miste, et j’ai com­pris que le truc du fau­teuil rou­lant est quelque chose de réel. J’ai donc trou­vé des moyens de le sou­te­nir. Au début, je lui ai dit : « Il faut que tu me donnes du temps. » Je savais, grâce à mon tra­vail avec les enfants, que lors­qu’on a le temps et la paix pour réflé­chir, les choses se passent bien », a décla­ré Agnès.

Vai­sh­na­vi Sun­dar, réa­li­sa­trice et repré­sen­tante de l’or­ga­ni­sa­tion de défense des droits des femmes Women’s Decla­ra­tion Inter­na­tio­nal (Décla­ra­tion inter­na­tio­nale des femmes), s’est entre­te­nue avec plu­sieurs dizaines de femmes de dif­fé­rents pays ayant divor­cé ou quit­té leur mari pour des rai­sons liées à une « iden­ti­té de genre » autoproclamée.

Son pro­chain film, Behind the Loo­king Glass (Der­rière le miroir), pré­sen­te­ra des entre­tiens avec ces femmes, qui sont par­fois appe­lées « veuves trans ». Sun­dar exprime son inquié­tude pour la femme d’Alme. « Il n’est pas rare que les hommes tran­si­den­ti­taires reven­diquent une pro­fonde vic­ti­mi­sa­tion et exigent de leurs femmes qu’elles jouent le jeu. Dans cer­tains cas, ces hommes reven­diquent des niveaux sup­plé­men­taires d’op­pres­sion ; par exemple, en s’i­den­ti­fiant comme juifs, ou en pré­ten­dant souf­frir d’une sorte de han­di­cap cor­po­rel », explique Sundar.

« Cela me semble être un moyen de satis­faire leur per­ver­sion sexuelle qui se nour­rit de l’im­puis­sance, ou d’être consi­dé­ré comme une per­sonne encore plus pri­vée de droits, et méri­tant donc davan­tage d’at­ten­tion, etc. […] » Sun­dar affirme que les épouses des hommes qui se lancent dans un chan­ge­ment de mode de vie moti­vé par une para­phi­lie se retrouvent par­fois pié­gées par les cir­cons­tances, citant d’é­ven­tuelles dépen­dances finan­cières, paren­tales ou émotionnelles.

« Ain­si, même lors­qu’elles trouvent ce com­por­te­ment dérou­tant, absurde ou com­plè­te­ment abu­sif, elles res­tent mariées, sont obli­gées de jus­ti­fier le féti­chisme et de jouer le jeu », explique Sundar.

« C’est très trau­ma­ti­sant pour les femmes qui sont obli­gées de res­ter dans la rela­tion car c’est une forme de vio­lence émo­tion­nelle. On attend d’elles qu’elles jouent un men­songe jour après jour et elles sont répri­man­dées quand elles osent le contes­ter. Elles sont obli­gées de remettre en ques­tion leur propre iden­ti­té dans ce pro­ces­sus et cer­taines doivent alors vivre le reste de leurs vies comme des « les­bienne » dans cer­tains cas. Sans par­ler du fait qu’elles doivent répondre à des exi­gences sexuelles et gérer le ménage pen­dant qu’il s’en va dépen­ser toutes leurs éco­no­mies en vête­ments, chaus­sures et maquillage. »

Depuis la dif­fu­sion de l’in­ter­view d’Alme, Good Mor­ning Nor­way a reçu de nom­breuses réponses indi­gnées pos­tées sous l’ar­ticle sur leur page Facebook.

Une femme, mère d’un enfant han­di­ca­pé, a fait remar­quer qu’elle avait dû se sou­mettre à un pro­ces­sus de demande dif­fi­cile afin de rece­voir une aide finan­cière pour l’a­chat d’un fau­teuil rou­lant. Un autre com­men­ta­teur a qua­li­fié l’« iden­ti­té » d’Alme de « moque­rie », tan­dis qu’un autre a sug­gé­ré qu’il avait un féti­chisme sexuel envers les per­sonnes handicapées.

Good Mor­ning Nor­way a décla­ré dans son mes­sage qu’il sup­pri­me­rait acti­ve­ment les réac­tions « offen­santes ». Une per­sonne a affir­mé avoir vu 900 com­men­taires sous l’ar­ticle la veille, et s’est dite cho­quée qu’au moment de sa réponse, seuls 47 com­men­taires étaient encore visibles.

Gene­vieve Gluck


Tra­duc­tion : Nico­las Casaux

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À propos de l'auteur Le Partage

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