L’Église du Nicaragua persécutée par le régime sandiniste

L’Église du Nicaragua persécutée par le régime sandiniste

En pleine crise économique, la pire depuis 30 ans, le Nicaragua est secoué par une tempête politicoreligieuse qui perdure depuis 2018. Les premières victimes de ce drame en plusieurs actes sont les évêques et les prêtres qui ont élevé la voix contre le président Daniel Ortega. Le Verbe a interviewé des témoins directs et indirects afin de comprendre les tenants et aboutissants de la fronde gouvernementale contre l’Église catholique du Nicaragua.

« Au cours des dernières années, il y a eu 190 attaques contre l’Église. Il y a eu des expulsions de clercs et de religieuses, d’évêques, et même du nonce apostolique, ainsi que des emprisonnements sur la base de fausses accusations, l’appropriation de bâtiments appartenant à l’Église, l’empêchement de célébrations eucharistiques, la fermeture de médias catholiques, des assignations à résidence, etc. », lance au Verbe une source sud-américaine bien au fait de la situation au Nicaragua.

Une dictature de gauche

Toujours selon ce même informateur, « la Commission interaméricaine des droits de l’homme a indiqué que le gouvernement nicaraguayen a systématiquement violé les libertés civiles et les droits de l’homme, surtout depuis 2018. » 

Une autre source, nicaraguayenne cette fois-ci, confirme au Verbe cette analyse : « Le Nicaragua est dirigé par un dictateur. C’est une dictature de gauche. Il n’y a donc pas de démocratie. Les droits de la personne ne sont pas respectés. On ne respecte pas la dignité humaine. »

Ovide Bastien, ancien professeur et fondateur du programme Études Nord-Sud au Collège Dawson, explique de son côté que la présente crise entre Ortega et l’Église catholique remonte en avril 2018, alors que des manifestations ont éclaté contre une réforme des retraites. Le 18 avril, des commandos armés s’en sont pris violemment à des manifestants et à des journalistes. Cette journée-là, « il y a eu 300 morts », précise notre source nicaraguayenne. Le lendemain, d’autres manifestations violentes ont eu lieu entre les forces de l’ordre et des étudiants.

Une figure prophétique

Face à cette situation explosive, l’évêque auxiliaire de Managua, Mgr Silvio Baèz a lancé un appel au président afin qu’il cesse d’utiliser la violence contre les manifestants. Devant un parterre d’étudiants rassemblés à la cathédrale de Managua, Mgr Baèz a remerciés les jeunes présents, tout en les qualifiant de trésor national.

Quelques mois plus tard, en juin 2018, l’évêque a déclaré à la fin d’une procession dans les rues de la ville de Masaya, située à 26 km au sud-est de Managua, capitale du pays, alors que des forces de l’ordre et des commandos s’étaient attaqués à des manifestants : « Je veux lancer un appel à ceux qui sont venus pour tuer dans cette ville, je veux lancer un appel à ceux qui sont des tireurs d’élite (…) – je veux lancer un appel à Daniel Ortega et Rosario Murillo [la femme de Daniel Ortega – NDR]: plus un seul mort à Masaya ! Plus un seul mort ! »

Ovide Bastien mentionne que c’est à partir de ce moment que l’évêque Baèz est devenu une figure prophétique au Nicaragua. « Le gouvernement a tout fait pour le discréditer. » Menacé de mort à plusieurs reprises, il vit désormais en exil. Au sortir des célébrations pascales, il a été appelé par le pape François à demeurer au Vatican.

Répression envers l’église

D’autres évêques se sont également levés pour dénoncer les agissements de Daniel Ortega. C’est notamment le cas de Mgr Rolando Alvarez, qui a été enfermé à l’archevêché de Matagalpa durant deux semaines, avant d’en être délogé manu militari, le 19 aout dernier. La dizaine de prêtres et de laïcs qui étaient avec lui ont également été brutalisés et insultés par les forces de l’ordre.

Nicaragua
Mgr Rolando Alvarez dans les locaux dévastés de la Caritas de Sebaco. Photo: Aide à l’Église en Détresse

Notre informateur nicaraguayen souligne que des prêtres ont été arrêtés et envoyés à la tristement célèbre prison Chipote, où se pratiqueraient de la torture et des agressions physiques. Lors de l’entrevue, personne n’avait de nouvelles des prêtres qui y étaient emprisonnés.

Outre la répression physique envers les prêtres de l’Église catholique, Ortega s’en prend aux stations de radio et de télévisions catholiques. « Neuf stations de radio catholiques ont été fermées et trois chaines catholiques ont été retirées de la programmation des télévisions privées, dont la chaine du diocèse de Matagalpa, sur laquelle Mgr Roland Alvarez animait plusieurs émissions », explique notre expert sud-américain.  

Si 2018 est une année importante pour comprendre la présente situation au Nicaragua, Ovide Bastien fait remonter le contentieux entre l’Église catholique et Daniel Ortega au temps de la dictature d’Anastasio Somoza (1967-1979). Ce dernier avait succédé à son propre père.

Un conflit qui date

Durant les années 70, rappelle Ovide Bastien, éclate la Révolution sandiniste, dont les leaders venaient du peuple et du clergé catholique, pour renverser Somoza. Les forces révolutionnaires ont finalement pris le pouvoir. « Dans le gouvernement révolutionnaire, nous retrouvions des prêtres qui jouaient des rôles clés, dont les pères Ernesto Cardenal, son frère Fernando Cardenal et Miguel d’Escoto. Ils étaient tous adeptes de la théologie de la libération. »

Daniel Ortega et son parti règnent sur le Nicaragua jusqu’en 1990, année où ils perdent les élections. « Le père Ernesto Cardenal écrit alors un livre dans lequel il souligne que le gouvernement révolutionnaire a changé. Il dénonce le fait que des membres du gouvernement s’enrichissent. D’autres membres du parti exigent sa démocratisation. Daniel Ortega n’était pas d’accord avec ces demandes. Des membres influents ont quitté le parti pour en former un autre », rappelle Ovide Bastien. En 2008, Daniel Ortega reprend le pouvoir. 

Nicaragua
Manifestation non-violente. Photo: Aide à l’Église en Détresse

Se disant toujours chrétien, Daniel Ortega s’exprime alors de plus en plus contre la hiérarchie de l’Église catholique. En 2011, lorsqu’il décide de se représenter aux élections qui s’annoncent, en totale opposition à la constitution du Nicaragua, les évêques s’y opposent. 

Depuis, le torchon brûle entre les deux instances.

« La souffrance du peuple est grande! Lorsque le peuple souffre, l’Église ne peut pas demeurer silencieuse. Elle a l’obligation de dénoncer la situation », souffle notre source nicaraguayenne. Malgré tout, elle se dit certaine que les choses vont s’améliorer. Quand? « Dans le temps de Dieu! », lance-t-elle.

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