Choisir le gouverneur du Québec par suffrage universel

Choisir le gouverneur du Québec par suffrage universel

          Cet article porte sur l’origine de la souveraineté et les différentes façons de l’exercer.

          En pays démocratiques, la souveraineté ne réside pas dans le peuple comme tel, mais dans le « consentement » que le peuple donne lorsqu’il choisit ses institutions et les autorités supérieures qui le représentent.

          Dans les années 1837 et 1838, les théories sur la souveraineté populaire étaient bien connues au Québec mais, dans les années 1860, les conservateurs qui contrôlaient l’État et ses institutions, s’accommodaient fort bien de l’idée que l’origine du pouvoir suprême dans l’État résidait dans la personne du roi.

          Pour cette raison, la Loi politique de 1867 a fait bon marché des principes républicains au profit d’un modèle monarchique qui, dans les faits, s’avérait beaucoup plus colonial que parlementaire.

          Toutes les institutions mises en place en 1867 ont donc été façonnées à partir du modèle colonial qui prévalait alors dans l’Empire britannique.

          L’idée que nous poursuivons ici est de démontrer que le peuple du Québec peut, malgré la Loi politique de 1867, poser des actes de souveraineté républicaine et transformer notre lieutenant-gouverneur en chef d’État tout aussi légitime que légal.

          D’entrée de jeu, nous portons à votre attention que l’usage du mot « lieutenant » a été dès l’origine une erreur de sémantique qui laissait comprendre que ce personnage aurait été un subalterne du gouverneur général.

          Cependant, les juges du Comité judicaire du Conseil privé à Londres ont vite corrigé cette impression en affirmant que les provinces étaient autonomes et souveraines dans leurs domaines de compétences, de sorte que le lieutenant-gouverneur de chacune d’elles représentait directement le roi, et non pas le gouverneur général du Canada.

          D’ailleurs, le mot « lieutenant » veut dire « qui tient lieu de quelque chose » mais qui ne l’est pas. Donc, au sens propre, il n’y aurait pas de gouverneur au Québec, mais simplement quelqu’un qui en tient lieu. Ce qui n’est pas conforme à la réalité.

          En conséquence, dans le reste de cet exposé, nous allons ignorer le mot « lieutenant », et vous parler de l’application du principe républicain dans le « choix » du gouverneur du Québec. Soit dit en passant, les Pères fondateurs, aux États-Unis, n’ont pas fait cette erreur. Là-bas, ils ont placé à la tête de chaque État un gouverneur élu au suffrage universel.

          Au Québec, il est temps de poser des actes de souveraineté républicaine afin de moderniser cette institution et de la rendre conforme à nos valeurs démocratiques. Une telle démarche nous permettrait de purger nos institutions d’un colonialisme révolu.

          Malgré la Constitution du Canada qui a toujours cherché à nous garder en état de subordination, le Québec, maître de sa constitution, a les pouvoirs nécessaires pour poser certains actes de souveraineté républicaine, dont quelques-uns ne sont pas très difficiles à réaliser. Il s’agit d’abord d’en prendre conscience et ensuite de les vouloir.

          En vertu de l’article 58 de la Loi politique de 1867, c’est le gouverneur général en conseil qui « nomme » le gouverneur du Québec. Toutefois, par convention, il le fait après avoir pris avis auprès du premier ministre.

          Alors, pourquoi ne pas ajouter un principe républicain à cette convention. Il n’y a rien de plus légitime que de vouloir moderniser nos institutions à la lumière de nos valeurs les plus chères.

          Légalement, il n’y a rien qui puisse empêcher la population du Québec de poser des actes de souveraineté républicaine là où nos valeurs sont en jeu. La route est libre. Il n’en tient qu’à nous de la prendre.

          En ce sens, notre proposition est de « choisir » nous-mêmes, après débat et par suffrage universel, le candidat que nous jugerons le plus apte à exercer la fonction de gouverneur du Québec. Ce « choix » fait, le premier ministre du Québec va ensuite se tourner vers le gouverneur général en conseil et lui dire : « Voici le choix démocratique de notre population. Maintenant, nommez-le ».

          Sur le plan strictement légal, le gouverneur général en conseil pourrait en « nommer » un autre. Mais il n’osera jamais le faire, car ça serait suicidaire de sa part de provoquer un tel tremblement de terre.

          Si la population du Québec est divisée sur son rattachement au Canada, elle ne l’est toutefois pas en ce qui concerne la primauté de ses valeurs démocratiques. Prendre de front le Québec tout entier est politiquement impensable.

          En posant un tel geste de souveraineté républicaine, le Québec deviendrait du même coup plus responsable de son destin. Ça serait transformer, par simple convention, une institution coloniale en institution républicaine. Sans en porter le nom, le gouverneur du Québec deviendrait un président élu et légitime incarnant l’autorité suprême dans l’État. La subordination monarchique qui nous agace depuis si longtemps serait carrément contournée, sans toutefois être abrogée. Quand un peuple choisit démocratiquement la plus haute autorité politique dans l’État, et qu’elle le vire quand elle veut, elle vit dans une république de facto. La monarchie se transformera alors en un mauvais souvenir. 

          Avec un gouverneur « choisi », et non plus « imposé », sa légitimité devient authentique. L’origine du pouvoir suprême dans l’État se trouve déplacé du roi vers le peuple. De concours avec l’Assemblée nationale et le gouvernement, le gouverneur du Québec pourra exercer tous les pouvoirs dans l’État, à l’exception de ceux qui ont été délégués – temporairement et sous condition – à l’État fédéral par l’article 91 de la Loi politique de 1867.

          Il faut garder à l’esprit que cette loi de 1867 n’a créé qu’une institution commune au service des provinces. C’est à elle de se bien comporter et de rendre aux provinces de bons services si elle veut justifier le maintien de son existence. L’État fédéral est né d’une simple fiction de la loi. Si cette fiction tombe, il cessera d’exister. À part le Cercle polaire et les ours blancs, il n’a aucun territoire propre ni aucune population propre. Tout ce qu’il peut revendiquer est une existence précaire et fictive. La seule et unique chose de grande valeur qui ne lui a pas été déléguée par les provinces est sa dette.

          Mais il y a plus !

Pensez-vous que les autres provinces ne voudront pas légitimer la fonction de leur lieutenant-gouverneur afin de le transformer en véritable chef d’État ?

          Les Albertains seront les premiers à vouloir légitimer cette fonction afin de la rendre plus authentique et plus puissante. Les autres provinces ne pourront résister non plus.

          Le Canada deviendra une monarchie constitutionnelle formée de dix républiques autonomes capables de forcer l’État fédéral à se conformer aux promesses de 1867.

          Les valeurs démocratiques et les aspirations à vivre sous des institutions républicaines permettront de faire du Canada ce que les Pères de la Confédération avaient si souvent promis durant les Débats parlementaires sur la Confédération, c’est-à-dire un ensemble de provinces autonomes et souveraines dans leurs domaines de juridiction. L’État fédéral se limitera à s’occuper du bien commun des provinces lorsque ce bien sera réellement commun.

Christian Néron

Membre du Barreau du Québec

Constitutionnaliste,

Historien du droit et des institutions.

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