Les rogations

Les rogations

Celles et ceux – ou si vous préférez, les ielles – qui ont encore un peu de religion se rappelleront sans doute cette chanson de Félix Leclerc, Les Rogations, dont le refrain, sur l’air du Te rogamus audi nos, était chanté après la description d’une situation soit incongrue, soit, loufoque ou, pire encore, dramatique.

Les Rogations se tenaient les trois jours précédant la fête de l’Ascension. Elles avaient pour objet de demander à Dieu un climat favorable, une protection contre les calamités, et pouvaient être accompagnées d’une bénédiction de la terre.

Le refrain de la chanson de Félix, qui revenait après chaque strophe sur l’air lancinant du Te rogamus audi nos, c’était : « Oui, mais on a une belle vue ! »

Nos ancêtres demandaient à Dieu de les entendre. Aujourd’hui, on fait la sourde oreille et on se détourne des calamités qui nous assaillent.

C’est ainsi que Félix dénonçait cette espèce de fuite en avant des Québécois, se satisfaisant de faire le dos rond, ou de refuser de se rendre à l’évidence face à ce qui aurait dû, au contraire, susciter leur indignation.

Car il semble de mise et de bon ton, en ces temps perturbés, de se dire ailleurs que là où on a les pieds …

« Le Québec est ailleurs… », se plait à ânonner le premier ministre Legault, un refrain repris en chœur par celles et ceux qui le suivent en ignorant toujours où il se trouve, cet ailleurs. C’est en tout cas ce que certains s’époumonent à proclamer depuis quelque temps du Québec et des Québécois qui, sans qu’une explication logique vienne appuyer pareil voyagement, auraient déménagé dans un ailleurs qui sonne comme l’appel désespéré d’un individu en train de se noyer. Bernard Drainville en est aujourd’hui le prototype le plus frappant. Comme l’avait fait avant lui Clovis devant l’évêque Remi, il brûle aujourd’hui ce qu’il a adoré et adore désormais ce qu’il avait brûlé…

Quand Legault demande qu’on lui accorde une forte députation, soi-disant pour faire peur à Ottawa, on a envie de lui rappeler que moins de deux ans après que Robert Bourassa eut fait élire 102 députés sur 110 à l’Assemblée nationale, Elliott Trudeau n’avait pas craint de le qualifier de « mangeur de hot dogs »…

Comme en avait été victime Robert Bourassa avant lui, François Legault s’attire le même mépris. Les exemples sont flagrants.

Justin Trudeau peut par exemple affirmer sans vergogne, alors que toutes les statistiques font la démonstration de l’extrême précarité du français : « Il ne faudrait pas que le Québec nuise au français ailleurs au Canada. » Et tout ce que trouve à répondre le chef de la CAQ, c’est : « M’am choquer là ! »

Et le bon peuple de fermer les yeux et de chanter: « Oui, mais on a une belle vue… »

C’est le même gouvernement fédéral qui, jusqu’à tout récemment, avait financé à hauteur de 138 800 $ un dénommé Laith Marouf pour ses activités antiracistes. En plus de propos antisémites absolument ignobles, la haine de ce monsieur s’étend à la langue française et à ceux qui la parlent. «LOL, je pense que les Frogs ont un QI beaucoup moins élevé que 77, et le français est une langue affreuse, » a-t-il écrit.

L’immigration francophone est torpillée par Ottawa qui, par ailleurs, poursuit une politique visant à submerger le Québec dans le but d’affaiblir son poids démocratique, et tout ce que le chef de la CAQ trouve à répondre, c’est « M’am choquer là ! »

Et le bon peuple de se boucher les oreilles et de se glisser entre le mur et la peinture : « Oui, mais on a une belle vue… »

Alors que le fédéral annonce son intention de contester devant les tribunaux les articles de la loi sur la laïcité qui, à ses yeux, dévient du sacrosaint concept du multiculturalisme, le chef de la CAQ bombe le torse et s’écrie : « M’am choquer là ! »

Et dans les chaumières, on chuchote, pour ne rien déranger : « Oui, mais on a une belle vue… »

Et alors que les besoins pour assurer un minimum de qualité aux soins de santé sont dans les provinces, dont le Québec, et que l’argent disponible se trouve à Ottawa, situation qui perdure depuis que le financement fédéral des soins de santé a fondu comme neige au soleil depuis plus de vingt ans, le chef de la CAQ feint de déchirer sa robe prétexte et s’ébroue en criant : « M’am choquer là ! »

Et quelle est la réponse populaire à cette situation bancale : « Oui, mais on a une belle vue… »

Dans la chanson de Félix, Jean-Baptiste avait fini par se choquer !

Donc, je m’en vas !
Où c’est que tu vas ?
Racheter ma terre !
Rachète ta terre !
Racheter mon fer !
Rachète ton fer !
Racheter mes chutes !
Rachète tes chutes !
Racheter ma vie !
Rachète ta vie !
Racheter le pays !

Te rogamus audi nos ! Entends-nous, Seigneur… Pour que la récolte de plantes vertes ne soit pas trop abondante, le 3 octobre…
 

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