Dualité du pouvoir : la contre-offensive réactionnaire

Dualité du pouvoir : la contre-offensive réactionnaire

Au sortir du 19 juillet 1936, le vrai pouvoir de décision et d’exécution était dans la rue[1] ; c’était le pouvoir du prolétariat armé, exercé par les comités ouvriers de quartiers qui exproprièrent spontanément les usines et les remirent en route. Ils organisèrent l’armement des milices et formèrent des patrouilles pour étendre la guerre sociale.

Les forces armées et la police en tant qu’expression du pouvoir de l’État, elles, disparurent des rues après le 20 juillet.

Et pourtant, dès le 20 au soir, le processus contre-révolutionnaire était déjà en route avec la première réunion de préparation de la constitution du CCMA[2] où, en plus de la délégation cénétiste qui prétendait représenter les intérêts de la majorité de la classe[3] et du POUM, se trouvaient les autres forces politiques en présence : ERC[4], socialistes et UGT notamment.

La constitution d’un bureau répartissant ces différentes fractions de manière démocratique enclencha le processus (on peut voir à ce propos en annexe la Proclamation de la Confédération Régionale du Travail de Catalogne du 26 juillet 1936) qui, comme le précise Munis dans le texte qui suit, lui permettra par la suite de s’intégrer pleinement dans l’État catalan, la délégation cénétiste ayant reconnu celui-ci dès le départ[5].

Le 26 septembre, se constitua le nouveau gouvernement de la Généralité, présidé par Taradellas[6], avec la participation de trois « conseillers »[7] de la CNT-FAI.

La dissolution du CCMA lui fit suite dans les jours suivants, et fut entérinée par Garcia Oliver lui-même : « Aujourd’hui la Généralité nous représente tous. »

Ainsi, durant les neuf semaines d’existence du CCMA, celui-ci fit passer l’exercice du pouvoir par le prolétariat en armes au sein des comités locaux à la dissolution de ces derniers au bénéfice du rétablissement du pouvoir de la Généralité. Contrairement à ce qu’affirme Munis dans ce texte, le CCMA était donc bien dès sa création un organisme destiné à étouffer la révolution…


Lorsqu’elle entame l’étape décisive, la révolution attaque une paroi vertigineuse. Si elle s’arrête, elle signe son arrêt de mort. Il lui faut atteindre rapidement tous ses objectifs, sinon les scories matérielles et idéologiques de la vieille société la pourrissent et l’anéantissent. À la première hésitation, tous les intérêts menacés par la révolution, grands, petits ou infimes, toutes les organisations qui s’abreuvent d’une manière ou d’une autre à la mangeoire du capitalisme, des partis ouvertement bourgeois aux partis pseudo-communistes et pseudo-socialistes, tous se concertent pour se dresser contre elle d’autant plus rageusement qu’ils ont couru un plus grave danger. Malheur à la révolution qui s’arrête avant d’avoir complété son parcours et d’avoir liquidé implacablement ses adversaires.

Les comités-gouvernements[8] s’étant arrêtés à l’exercice local du pouvoir, s’étant démontrés incapables de s’unir dans un système de gouvernement unique et global[9], la révolution resta incomplète, renonça à fermer son cercle d’acquisitions – et ses ennemis bénéficièrent du répit et des conditions adéquates pour conspirer contre elle. Pendant plus de deux mois, de juillet à septembre, le chemin vers la transformation en gouvernement unique fut totalement dégagé pour les comités-gouvernement. Personne n’osait s’opposer à eux et encore moins demander leur dissolution. Mais cette situation était intenable. Si les comités-gouvernement ne formaient pas rapidement la base d’un nouvel État et d’un nouveau gouvernement, ils donneraient forcément à l’État capitaliste l’occasion de se reconstituer[10]. Ceux qui désiraient secrètement leur extermination profitèrent de l’incapacité des comités à parachever leur œuvre à l’échelle nationale. Il leur fallait avant tout injecter une nouvelle vie à l’État capitaliste. Mais ils ne pouvaient y arriver par les vieilles méthodes, car l’État n’était pas en condition de s’affirmer par lui-même sans provoquer la disparition du dernier vestige de vie qui lui restait. Pour être possible et avoir des conséquences importantes, la réaffirmation de l’État devait provenir de la révolution elle-même ; elle devait être auréolée du prestige de la rue, menée par des hommes et des organisations bénéficiant de la sympathie des masses. Pour étrangler la révolution, l’État capitaliste devait faire mine de la prendre dans ses bras. La première ruse fut l’intégration du Comité central des milices dans la Generalitat de Catalogne ; la seconde fut la constitution du gouvernement Largo Caballero[11] à Madrid. Pendant deux mois, le pouvoir avait été dispersé dans les comités-gouvernement locaux. Le pouvoir bourgeois ne pouvait rivaliser avec eux puisqu’il avait entièrement disparu. La situation changea lorsque le Comité central des milices se transforma en gouvernement de la Generalitat et quand le cabinet Largo Caballero fut formé à Madrid. Le pouvoir capitaliste s’incarna en eux et perdit sa forme fantomatique. Alors commença la vraie dualité du pouvoir, la lutte entre l’État capitaliste et les comités-gouvernements issus de la révolution.

Ce furent le stalinisme et la bourgeoisie catalane qui préparèrent l’entrée du Comité central des milices dans l’État capitaliste. Sans savoir exactement ce qu’ont tramé les directions des partis sur le dos des masses, je peux affirmer que l’initiative ne partit pas de la bourgeoisie mais des staliniens. Ils saisissaient, mieux que la bourgeoisie, la nature des comités. Leur destruction était parfaitement préméditée par le PCE[12], comme on put s’en apercevoir dès le premier jour. Par exemple, ce ne fut pas Companys, le représentant de la bourgeoisie catalane, mais Joan Comorera, le représentant du parti stalinien, qui profitait encore du prestige de la révolution russe, qui invita le POUM à se soumettre « en toutes choses et pour toutes choses » à la discipline du Front des partis de gauche. Cela se produisit le 24 juillet 1936, presque au milieu du fracas des batailles de rues. Nous prouverons plus loin, de manière irréfutable, que l’initiative appartint continuellement aux staliniens[13]. Ce qu’il importe d’analyser maintenant, c’est la signification et la portée de l’entrée du Comité central des milices sous le dais de San Jorge, patron de la bourgeoisie catalane[14].

Organisme né du triomphe des masses, le Comité central des milices était indiscutablement un gouvernement révolutionnaire[15]. Son pouvoir reposait sur les réalisations de la révolution ; son avenir résidait dans l’amplification et la consolidation de cette même révolution. Comment aurait pu se renforcer le Comité central des milices et, donc, la révolution ? La seule issue était de se transformer dans l’expression démocratique[16] des comités-gouvernement locaux ; d’étendre les Patrouilles de vigilance[17] et de dissoudre les corps de répression d’origine bourgeoise ; de systématiser l’expropriation de la bourgeoisie et d’organiser la production à l’aide d’un plan socialiste[18] ; d’organiser la justice autour des tribunaux révolutionnaires et d’abolir toutes les lois antérieures au 19 juillet 1936 ; enfin, de centraliser toutes les milices dans un seul corps sous son commandement[19]. Pour empêcher un tel développement, les staliniens et la bourgeoisie proposèrent que le Comité central des milices devienne le gouvernement de la Generalitat[20]. Leur objectif était d’opérer une scission entre la révolution et l’organisme qu’elle avait créé, puis de les opposer entre eux. En effet, une fois converti en l’honorable gouvernement de la Generalitat, non seulement le Comité central des milices aurait dû renoncer à développer jusqu’à ses ultimes conséquences le pouvoir politique des comités-gouvernement (sur le terrain de la propriété, des tribunaux et de l’armement prolétariens), bref il aurait dû renier l’œuvre de la révolution, mais il aurait été obligé de les combattre lui-même, ou au moins de tolérer que d’autres les combattent. La conversion du Comité central des milices en organe gouvernemental de la Generalitat permettait de réaffirmer la primauté de l’État capitaliste ; apparemment formelle, cette réaffirmation avait une importance capitale. Même si, suite à cette transformation, le Comité central des milices ne s’engageait pas à détruire les comités-gouvernement, il renonçait à les imposer comme autorité unique, asseyait la dualité du pouvoir et donnait lui-même l’exemple de la soumission au pouvoir capitaliste, en choisissant la discipline de Companys contre celle des comités-gouvernement. En proposant la transformation du Comité central des milices en organe gouvernemental de la Generalitat, les staliniens et la bourgeoisie voulaient surtout le couper des réalisations organisationnelles de la révolution, en particulier des comités-gouvernement et laisser ceux-ci s’engager sur une voie de garage. Après avoir obtenu cette première concession, les suivantes en découleraient naturellement. En acceptant cette proposition, le Comité central des milices barra la route à la révolution, alors qu’elle était tout près de son objectif final, et il se convertit en un pont pour la contre-révolution. Sans cette première concession, toutes celles qui suivirent étaient inimaginables. La manœuvre avait une immense portée réactionnaire.

Apparemment, tout sembla continuer comme auparavant. Mais la condition clé pour initier la marche arrière était déjà donnée. On préparait les mesures concrètes dans les salons discrets de la Generalitat et dans les secrétariats du parti stalinien. Les représentants de la CNT et du POUM qui fréquentaient quotidiennement ces lieux, voyaient bien la manœuvre s’opérer. Ils l’ont reconnu par la suite, mais à l’époque ils ne la dénoncèrent pas et ne firent rien de sérieux pour couper les cordes que le stalinisme et la bourgeoisie avaient commencé à passer aux pieds de la révolution. Avec le soutien du POUM, la CNT aurait pu réduire à néant toutes ces machinations, sans même devoir mener une lutte gigantesque, tant sa force était grande et la domination de la révolution absolue. À part quelques allusions indirectes dans la presse, qui ne faisaient nullement appel au prolétariat et ne visaient pas à le mobiliser, la CNT et le POUM, loin de vouloir rompre avec l’État capitaliste, se sentirent à l’aise dans celui-ci.

À peine le Comité central des milices se fut-il métamorphosé dans le gouvernement de la Generalitat qu’un conflit éclata en son sein. Un conflit qui mit en évidence le véritable rapport de forces existant alors et montra à quel point la CNT et le POUM étaient incapables d’en profiter. La législation des collectivisations était en discussion. Au projet de loi défendu conjointement par la CNT et le POUM, le représentant stalinien opposa un autre projet beaucoup plus conservateur, qui préservait les sacro-saints droits capitalistes[21]. Les représentants des partis bourgeois accueillirent favorablement le projet stalinien. Se soutenant mutuellement, bourgeois et staliniens firent obstacle au projet de la CNT et du POUM. La discussion se prolongea beaucoup plus longtemps que nécessaire. Mais l’obstruction cessa comme par enchantement dès que la CNT et le POUM déclarèrent que, après tout, ils n’avaient pas besoin de l’accord des opposants : si l’on approuvait pas leur projet, les deux organisations se retireraient du gouvernement et mettraient en pratique leur projet elles-mêmes. Bourgeois et staliniens capitulèrent aussitôt.

Cet épisode est hautement instructif. À ce moment, ce que les ennemis de la révolution voulaient surtout, ce n’était pas une loi sur les collectivisations, mais que la loi, quelle qu’elle fût, soit promulguée au nom de l’ancien État, de la Generalitat de Catalogne. Les staliniens et la bourgeoisie se proposaient de revigorer l’État capitaliste ; pour cela, ils dépendaient entièrement de la CNT, et à un moindre degré du POUM. Si ces deux organisations avaient rompu avec le gouvernement, la machination contre-révolutionnaire aurait perdu le terrain gagné avec la disparition du Comité central des milices comme organisme indépendant. Étant donné le pouvoir absolu des masses à ce moment-là, la rupture aurait certainement obligé la CNT et le POUM à reconstruire le Comité central des milices sans les staliniens ni les bourgeois et à s’appuyer sur les comités-gouvernement contre la Generalitat. La disparition du dernier vestige de l’État capitaliste en Catalogne n’aurait pas pris plus de temps qu’un flash radiophonique. C’est pourquoi, quel que fût le décret approuvé par l’ex-Comité central des milices, staliniens et bourgeois sortaient gagnants. Si le décret légalisait les collectivisations, on en aurait payé le prix, pour préserver l’organisme étatique en y conservant la CNT qui, une fois la Generalitat désertée, pouvait être tentée de prendre le pouvoir pour les comités-gouvernement. Telles étaient les conditions indispensables pour les avancées contre-révolutionnaires ultérieures[22].

Formellement, les staliniens et la bourgeoisie capitulaient devant la CNT et le POUM ; en réalité, pour la seconde fois depuis le 19 juillet 1936[23], ces deux organisations capitulaient devant un État capitaliste absolument impuissant. Se servant de leur propre corps comme d’un rempart, elles protégeaient l’État de l’attaque des masses et couvaient le complot réactionnaire. Promulgué par le gouvernement de la Generalitat, le décret sur les collectivisations se limitait à reconnaître l’expropriation des capitalistes, déjà effectuée par le prolétariat et les paysans. Mais, en même temps, ce décret constituait le premier acte d’affirmation de l’État capitaliste en tant que tel, après le 19 juillet 1936. Ce que le capitalisme perdait sur le plan économique, son État le gagnait sur le plan politique. La reconstitution de l’État lui permettait de miner le pouvoir des masses et de liquider ensuite les collectivisations elles-mêmes[24]. Dans l’immédiat, on obligeait les organismes de pouvoir révolutionnaire, les comités, à se confronter à la Generalitat, on les privait d’un organisme centralisateur et on les poussait à la désorganisation. Cette situation représentait déjà une importante conquête pour la contre-révolution et fournirait un peu plus tard un prétexte pour lancer une attaque radicale contre eux. En revanche, si le décret avait été promulgué par le Congrès des comités-gouvernement, décision qui ne dépendait que de la CNT et du POUM, son caractère aurait totalement changé. Il aurait marqué le point de départ d’une étape de transformation socialiste de l’économie[25]. Non seulement il aurait garanti son développement ultérieur, mais il aurait offert à toute l’Espagne un exemple à suivre ; il aurait mis la structure économique en harmonie avec le caractère révolutionnaire de la guerre ; et surtout, cette décision aurait constitué un acte de souveraineté révolutionnaire. Le nouveau pouvoir prolétarien et paysan aurait pu facilement déjouer tous les guet-apens de leurs ennemis. En bref, en capitulant devant la CNT et le POUM pour empêcher la rupture, les partis staliniens et bourgeois conquirent les positions minimales indispensables à leurs projets réactionnaires. En effet, le décret sur les collectivisations brisa l’offensive révolutionnaire ; après son adoption, la réaction commença progressivement à prendre l’offensive à partir de l’État ressuscité.

Grandizo Munis, Leçon d’une défaite, promesse d’une victoire


Annexe : Proclamation de la Confédération Régionale du Travail de Catalogne du 26 juillet 1936

Aujourd’hui, dimanche 26, a eu lieu un plénum régional des syndicats locaux et cantonaux. Les militants de la CNT, avec le sens des responsabilités qui les caractérise, ont examiné la situation et sont arrivés à des décisions précises et formelles, que nous faisons connaître à tous les syndicats et au peuple en général pour qu’elles soient respectées et pour faire connaître également notre position précise en ces temps de grande inquiétude et de batailles sanglantes contre l’ennemi réactionnaire.

PREMIÈREMENT : La CNT, en Catalogne, est unanime pour conserver la même position. Aujourd’hui, le seul problème pour le prolétariat, le seul ennemi du peuple, c’est le fascisme qui s’est soulevé. Nous avons besoin de toutes nos énergies pour l’écraser ; il faut converger avec toutes les organisations qui elles aussi veulent l’annihiler complètement ; il faut y consacrer toutes nos activités et tous nos efforts. Que personne n’aille au-delà. Que personne ne tergiverse sur l’action qu’il faut mener. Tous les confédérés ont le devoir moral d’accepter les décisions générales, non seulement au nom de l’intérêt commun, mais aussi au nom de l’intérêt personnel. Les actions isolées ont été écartées par l’organisation, car elles n’ont pour vertu que celle de gaspiller les énergies de façon stérile et d’empêcher parfois la possibilité de réalisations globales. Au jour d’aujourd’hui, c’est contre le fascisme et seulement contre le fascisme qui domine une moitié de l’Espagne, et qu’il faut détruire pour toujours, qu’il faut lutter, en annulant l’influence des soutanes noires qui ont dominé l’Espagne pendant des siècles. Par conséquent, personne n’est autorisé à lancer d’autres consignes ni à les suivre, ni à concevoir le mouvement différemment.

DEUXIÈMEMENT : Un organisme auxiliaire du Comité des Milices Antifascistes de Catalogne s’est créé, et porte le nom de Commission d’Approvisionnement ; il faut que tous les organismes confédéraux se placent sous son contrôle et acceptent ses consignes. Pour ce faire, nous officialisons la relation des syndicats locaux et cantonaux avec la Commission d’Approvisionnement, située au n°16 Via Layetana ; ils seront seuls habilités à lui adresser des demandes et des offres. Ainsi, nous éviterons que chacun, de façon un tant soit peu irresponsable et incontrôlée, puisse réquisitionner des vivres dans les différentes localités. À partir de maintenant pour les réquisitions et pour les demandes de livraisons de vivres, il faudra être habilité par la Commission d’Approvisionnement.

La CNT, consciente de l’extrême importance que représente le contrôle sur les biens de subsistance, collaborera, à tous les niveaux, pour s’assurer que ce contrôle est réel et qu’il n’y a ni pillages ni coups de force. Un peuple qui veut améliorer sa situation doit tout d’abord être en mesure de s’assurer qu’il ne manquera pas de nourriture. Pour s’en assurer, le contrôle le plus strict s’impose afin d’éviter les abus et que certains mettent des bâtons dans les roues.

Tenez-en compte et préparez-vous à respecter ces normes et les consignes de la Commission d’Approvisionnement du Comité des Milices Antifascistes.

TROISIÈMEMENT : Compte tenu des circonstances actuelles, nous avons décidé que doivent reprendre le travail tous les travailleurs des industries et des branches dont la production est nécessaire à l’approvisionnement des villages ; tous ceux qui sont nécessaires à la lutte révolutionnaire contre le fascisme, et tous les services publics ; ne doivent momentanément pas obligatoirement reprendre le travail les ouvriers dont la production n’est que relativement importante et n’est donc pas totalement indispensable. En même temps, il est sous-entendu que les milices doivent conserver leurs armes et ne doivent pas reprendre leur travail ; leurs postes seront occupés par ceux qui ne travaillaient pas, tant que durera cette situation exceptionnelle, tant que l’insurrection fasciste n’aura pas été totalement vaincue partout.

Nous vous informons de ces décisions pour que vous en ayez connaissance et qu’elles puissent vous orienter.

Pour conclure nous insistons : il y a un Comité des Milices Antifascistes et un de ses appendices porte le nom de Commission d’Approvisionnement. Nous devons tous obéir à ses consignes, pour pouvoir régler les choses dans tous les domaines.


[1] Pour plus de détails sur ce processus révolutionnaire au cours duquel le prolétariat se réapproprie ses moyens de production, se référer à notre dernier article : http://guerredeclasse.fr/2022/08/05/revolution-a-la-campagne/

[2] CCMA : Comité Central des Milices Antifascistes

[3] Voici encore un exemple révélateur de l’idéologie anarchiste, avec une théorie bancale à la base révélée par la pratique sur le terrain : la structure théoriquement horizontale de la CNT disparut au profit d’un fonctionnement pyramidal et quasi-léniniste avec les “têtes pensantes” de Garcia Oliver et consorts.

[4] ERC : Esquerra Republicana de Catalunya (gauche républicaine de Catalogne, majoritaire au gouvernement de la Généralité)

[5] Dans son ouvrage, Bolloten rapporte la déclaration que fit Companys le 20 juillet devant les responsables anarcho-syndicalistes (attestée par plusieurs sources) :

« Vous avez vaincu et tout est en votre pouvoir. Si vous n’avez pas besoin de moi ou ne me voulez pas comme président de la Catalogne, dites-le-moi maintenant et je deviendrai un soldat de plus dans la lutte contre le fascisme. Si, au contraire vous croyez qu’à ce poste, je peux, avec les hommes de mon parti être utile dans cette lutte, vous pouvez compter sur moi et sur ma loyauté d’homme et d’homme politique convaincu que tout un passé de honte meurt aujourd’hui et sincèrement désireux de voir la Catalogne prendre la tête des pays les plus avancés socialement. »

Selon Garcia Oliver, le CCMA fut même créé sur une suggestion de Companys, sachant qu’il pouvait ainsi contenir la tempête révolutionnaire…

[6] Taradellas était un proche de Companys, les deux étant affiliés à l’ERC. Cité par son biographe, il affirma qu’il fut placé au CCMA car, habile politicien, son objectif était de « parvenir en même temps à ce que le pouvoir entre les mains des anarchistes passe totalement à la Generalitat »

[7] Selon Agustín Guillamón, Garcia Oliver fit part le 14 septembre de l’accord de la CNT sur la constitution d’un Conseil de défense de la Généralité en remplacement du gouvernement de la Généralité. Après de longs débats, il sera finalement appelé “Conseil de la Généralité de Catalogne”. Le but était pour les anarchistes de cacher le fait qu’ils n’entraient pas dans un gouvernement mais dans un conseil. Le 27 septembre, Solidaridad Obrera insistait encore sur le fait que le nouvel organisme qui s’était constitué était dénommé “Conseil de la Généralité”.

[8] Ce qu’appelle Munis les comités-gouvernement sont les comités locaux d’ouvriers.

[9] Contrairement à Munis, nous ne parlerons pas de la constitution d’un gouvernement unique et global, mais de celle d’une dictature anti-étatique du prolétariat.

[10] Malgré la limpidité de l’analyse de Munis sur la reconstitution des gangs du racket politique, la critique radicale maximaliste sait qu’il n’y a pas de séparation à faire entre un État qui serait non capitaliste et un autre, capitaliste. À la suite du groupe Marx-Engels, nous savons que le Capital se définit historiquement non pas par les modes d’appropriation privée ou étatique qui organisent le procès de l’exploitation, mais par le fait que l’on y rencontre les catégories essentielles qui font que le Capital peut exister : échange, argent, production marchande, salariat, État… Le mouvement prolétarien doit ainsi agir en dehors et contre l’État car celui-ci est partout l’expression concentrée de la dictature de la marchandise.

[11] Le gouvernement Caballero succédera à Giral en septembre. Nous reprenons dans cet article l’analyse du comité Central des milices tandis que celle du gouvernement du Front Populaire sera faite dans un article ultérieur.

[12] Nous insistons encore une fois sur le contre-sens de l’appellation « Parti Communiste Espagnol ». L’existence d’un parti, comme celle de la politique, est antithétique à l’automouvement révolutionnaire du prolétariat. La révolution communiste balaiera la politique, contre tous les partis et syndicats.

[13] Pour comprendre cette stratégie de l’Union soviétique, il faut en revenir au contexte géopolitique. Pour trouver des alliances avec la France et la Grande-Bretagne, l’Union Soviétique approuva en août 1935 la ligne politique du Front Populaire (dont les partis socialistes et libéraux étaient auparavant les ennemis dans cet objectif diplomatique). Le septième congrès mondial du Komintern appellera même à constituer « un vaste front populaire et antifasciste ». Ainsi, dès le début de la révolution, le P « C » E et le PSUC épousèrent la cause des classes moyennes pour répondre à cet objectif et pour renforcer leur position face à leurs adversaires anarcho-syndicalistes.

[14] Le palais San Jorge abritait le gouvernement de la Généralité.

[15] Voir notre introduction à propos de la nature du CCMA.

[16] Terme à radicalement récuser : le processus révolutionnaire sera obligatoirement anti-démocratique. Rappelons justement que la renaissance du gouvernement de la Généralité a pu se faire sur une base démocratique.

[17] Les patrouilles de vigilance furent un corps formé spontanément par le prolétariat catalan dès le 19 juillet 1936, pour assurer la sécurité à la ville, en l’absence des organes étatiques (garde civile et garde d’assaut).

[18] Lorsque Munis, prisonnier de ses propres limites, parle d’établir un plan socialiste, il y a toujours derrière la question de l’État qui se pose. Ainsi, autant la social-démocratie que le bolchévisme ont pu assimiler la force subversive du prolétariat pour l’embrigader dans la défense du système capitaliste. La révolution communiste, elle, ne vise pas à réaménager une production selon des plans de production planifiés par l’État, mais a pour seul objectif la destruction de toutes les catégories qui font le Capital : salariat, argent et État. En effet, il s’agira pour le prolétariat de s’affirmer en tant que sa propre auto-abolition, c’est à dire comme activité humaine de l’anti-travail, de l’anti-argent et de l’anti-État…

[19] Nous aborderons dans une autre publication la question de la militarisation des milices.

[20] Bolloten nous livre les explications de ce chantage exercé par la Généralité catalane, appuyée en ce sens par le gouvernement central à Madrid. Le but invoqué pour constituer ce nouveau gouvernement était de se donner une allure « respectable » vis à vis des démocraties occidentales, afin d’obtenir leur aide en devises et en armes.

[21] Voir note 12

[22] Le plus grand danger pour le pouvoir étatique était que les comités ouvriers s’organisent en dehors de la structure de l’État, et contre lui. Pour éviter cela, il fallait faire des concessions à la CNT, à la fois pour maintenir ce qui restait de la Généralité et aussi pour maintenir la CNT en son sein, afin qu’elle puisse canaliser la révolution. Étant donné le rôle essentiellement contre-révolutionnaire de la CNT, l’hypothèse de l’abandon de la Généralité pour l’action en faveur des comités n’est pas plausible. La peur des staliniens et des bourgeois ne doit pas être comprise comme celle d’un revirement de la CNT en faveur des masses, mais à l’inverse la peur du soulèvement des masses contre la CNT, élément-clé de la contre-révolution.

[23] La première fut probablement l’acceptation du retour de Companys par les anarchistes, le 20 juillet (voir note n°4).

[24] Voir nos articles sur la répression après mai 37 et notamment : http://guerredeclasse.fr/2022/07/07/la-repression-apres-les-journees-de-mai/

[25] Nous dirons en revanche que le début de l’abolition de l’économie et de la politique aurait affirmé, dans la pratique réelle,  le caractère de classe de la dictature anti-étatique du prolétariat abolissant les classes, sans même qu’un décret soit évidemment nécessaire à cela.

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Source: Lire l'article complet de Guerre de Classe

À propos de l'auteur Guerre de Classe

« Nous pensons d’abord qu’il faut changer le monde. Nous voulons le changement le plus libérateur de la société et de la vie où nous sommes enfermés. Nous savons que ce changement est possible par des actions appropriées »

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