Brève histoire de Taïwan — Xiao Pignouf

Brève histoire de Taïwan — Xiao Pignouf

L’île de Taïwan, étendue comme quatre fois la Corse, se situe en mer de Chine, à environ 180 kilomètres des côtes de la province du Fujian, distance à peu près équivalente à celle entre la métropole et l’île de Beauté.

De la préhistoire à 1895

Les premiers peuplements humains sur Taïwan vinrent naturellement du continent, et furent probablement à l’origine d’une dissémination dans le Pacifique, l’Asie du Sud-Est, la Nouvelle-Zélande et jusqu’à Madagascar.

Les nombreuses îles dans le détroit de Taïwan, notamment les îles Pescadores, furent peuplées par une population de pêcheurs hans dès le XIIIème siècle, tandis que l’île principale, sans ressources et habitée par des tribus hostiles fut peu visitée.

Au XVIème siècle, des marins portugais qui passaient au large de l’île la nommèrent « Ilha Formosa », Belle Île, devenu Formose en français.

Dans la première moitié du XVIIème siècle, la Compagnie hollandaise des Indes Orientales, après avoir essayé d’installer un comptoir sur les îles Pescadores sises dans le détroit de Taïwan et d’en avoir été chassée par l’armée des Ming, s’implanta finalement sur l’île de Taïwan. Dès lors, sous l’impulsion de cette présence étrangère, des dizaines de milliers de paysans du Fujian vinrent eux aussi y vivre. Les Hollandais régnèrent sur Taïwan jusqu’en 1661, année où il furent mis dehors par les troupes de l’empereur Yongli des Ming du Sud.

Après quelques tentatives infructueuses des Hollandais pour reprendre l’île, la dynastie Qing l’annexa et en fit une préfecture du Fujian. Le processus de sinisation des populations primitives de l’île s’amorça, non sans réactions. En effet, l’île fut longtemps secouée par des révoltes et des guerres tribales, à tel point qu’un dicton chinois disait : « tous les trois ans un soulèvement, tous les cinq ans une rébellion ». Taïwan devint la vingtième province chinoise, se modernisa lentement, notamment par la construction de la première ligne ferroviaire chinoise.

Même la France, lors de la guerre sino-française qui dura moins d’une année entre 1884 et 1885, essaya de mettre la main sur l’île. Sans succès.

De 1895 à 1949

Dix ans plus tard, en 1895, au terme de la première guerre sino-japonaise, et suite à la défaite de la Chine, Taïwan, ses îles attenantes et les Pescadores sont cédées à l’empire du Japon dans le cadre du traité de Shimonoseki.

Durant les cinquante ans qui suivent, Taïwan est exploitée au profit du développement japonais et sert de base à son impérialisme dans la région. Les Hans et les populations aborigènes habitant sur l’île sont classés citoyens de seconde et de troisième zones. Les portes de l’éducation et des promotions leur sont fermées, laissant peu de natifs capables d’assumer des rôles de direction et de gestion des décennies plus tard, même après que le Japon a quitté l’île. Aux alentours de 1935, les Japonais démarrent la japonisation de l’île afin de la lier plus fermement à l’Empire. Les Taïwanais apprennent à se considérer comme japonais, la culture et la religion taïwanaises sont proscrites, et les citoyens encouragés à adopter des noms de famille japonais. En 1938, plus de 300 000 colons japonais résident à Taïwan.

En 1912, sur le continent, naît la République de Chine, mettant fin à plus de deux millénaires de domination impériale.

En 1921, le Parti Communiste Chinois est fondé lors d’une réunion secrète entre 13 délégués régionaux, parmi lesquels Chen Duxiu, Li Dazhao et Mao Zedong. Détail amusant : la réunion, ayant lieu dans la concession française de Shanghai, est interrompue… par la police française.

En 1925, Sun Ya-Tsen, chef du Kuomintang, le parti nationaliste jusque-là allié des Communistes, meurt. Son successeur, Tchang Kaï-Chek, se retourne alors contre eux marquant ainsi le début de la guerre civile chinoise.

En 1928, la majeure partie du territoire chinois est sous le contrôle du Kuomintang.

En 1934, les troupes de Tchang Kaï-Chek balaient les Communistes qui entament leur retraite, la Longue Marche, qui mènera les troupes Communistes de la province du Guizhou à celle du Shaanxi, sur près de 12000 kilomètres, qui coûtera la vie à 100 000 hommes de l’Armée de Libération Populaire et au cours de laquelle Mao s’affirmera comme chef incontesté.

En 1937, six ans près leur invasion de la Mandchourie, les troupes japonaises entrent à Pékin, établissant de facto une trêve dans la guerre civile. Les troupes nationalistes de Tchang kaï-Chek et celles de l’Armée de Libération Populaire forment alors une alliance précaire dans la lutte contre l’envahisseur.

En 1943 a lieu la Conférence du Caire, réunissant Franklin Roosevelt, Winston Churchill et Tchang Kaï-Chek. Elle porte sur la nécessité de défaire l’empire japonais et contient notamment la clause de restitution des territoires chinois occupés par le Japon, parmi lesquels l’île de Taïwan.

Dès la fin du conflit mondial et la défaite du Japon, la guerre civile chinoise reprend, malgré les efforts de conciliation des puissances alliées. Et en dépit du soutien explicite financier et militaire des Américains dont bénéficie Tchang Kaï-Chek, elle s’achève en 1949 par la victoire de l’ALP et la proclamation de la République Populaire de Chine.

Après l’échec de négociations, le gouvernement nationaliste se replie sur l’île de Taïwan, accompagné d’un exode massif de population (en quelques jours, la population de Taïwan s’accroît d’environ deux millions de personnes). Taipei devient la capitale de la République de Chine.

De 1949 à aujourd’hui

En 1949, l’île de Taïwan est officiellement restituée à la République Populaire de Chine… mais reste sous tutelle des États-Unis, nouvelle puissance dominante de la région.

Dès lors, le Kuomintang, au mépris des demandes du continent, dirige Taïwan d’une main de fer, établit une loi martiale qui durera jusqu’en 1987. Celle-ci marque le début de la Terreur Blanche. Pendant 38 ans, 140 000 personnes, principalement des intellectuels ou des membres de l’élite sociale, sont emprisonnés en raison de leur sympathie pour le Parti communiste chinois ou de leur résistance au gouvernement nationaliste de la République de Chine, et pas moins de 20 000 personnes selon les estimations, sont exécutées.

Durant tout ce temps et jusqu’au tournant des années 1990, le gouvernement de Taïwan se revendique comme seul légitime pouvoir sur l’entièreté du territoire chinois comprenant l’île de Taïwan et la Chine continentale. Je répète : durant toutes ces années, Taïwan revendique la Chine. Pas moins. Les enfants taïwanais grandissent et sont éduqués dans l’idée qu’ils sont Chinois, que la plus haute montagne de leur pays, c’est l’Everest et que le plus long fleuve, c’est le Yangtsé.

La période post-martiale voit un changement idéologique soudain, un tournant à 180 degrés, et ce bien que le Kuomintang soit encore au pouvoir. Sous l’impulsion de pressions extérieures devant l’émergence économique de la République Populaire de Chine, l’île passe des revendications comme seule et unique vraie représentante de la nation et du peuple chinois à une doctrine séparatiste, rejetant l’autorité et même la parenté avec le continent, déclarant de facto son statut de nation indépendante, n’ayant rien à voir historiquement, culturellement et ethniquement avec le peuple chinois qui se trouve de l’autre côté du détroit. Bien que les Nations-Unies ne suivent pas vraiment, refusant à Taïwan le siège qu’elle réclame, la majeure partie des pays occidentaux considèrent l’île comme une nation à part entière.

Depuis, les livres d’histoire se réécrivent à Taïwan mais aussi dans les écoles occidentales. Sur l’île, les jeunes se disent taïwanais avant tout et la Chine devient un pays hostile, dangereux. Le plus haut sommet, c’est la Montagne de Jade dorénavant, le Yu Shan, vaincu par un Japonais puis par un Occidental. Le plus grand fleuve est désormais une rivière, la Tamsui, qui fait à peine 160 kilomètres de long.

Le Parti Démocrate Progressiste (DPP), succédant au Kuomintang, a planté le dernier le clou sur le cercueil d’une réunification pacifique entre la Chine et Taïwan, se rapprochant ostensiblement du Japon, derrière lequel se cachent, comme un troupeau d’éléphants derrière une tige de bambou, les États-Unis d’Amérique, le seul pays au monde à avoir utilisé la bombe atomique, qui plus est deux fois de suite et uniquement au milieu de populations civiles japonaises. Et Taïwan, qui se croit aujourd’hui plus japonaise que chinoise, est persuadée d’être indépendante, sans voir à son cou la laisse que tient déjà Washington dont le rêve est d’installer des ogives nucléaires à quelques encablures du littoral chinois.

L’ONU, toujours courageuse, continue à tenir un double discours consistant à ne pas donner à Taïwan le statut de pays (bien que tous nos dictionnaires, encyclopédies, médias le fassent) afin de ne pas froisser le dragon tout en défendant le droit à l’autodétermination du peuple taïwanais pour plaire à l’aigle. Cette même autodétermination qui, au moment de lui rendre Taïwan, fut refusée au peuple chinois au terme de sa guerre avec le Japon.

Le 11 juillet 2022, trois jours après la mort de Shinzo Abe, ancien premier ministre japonais et fervent soutien du nationalisme anti-chinois, la présidente de Taïwan Tsai Ing Wen a fait mettre les drapeaux en berne. Le Kuomintang (KMT) a tout de même protesté contre ce geste, le Japon ne s’étant jamais excusé des crimes qu’il a commis en Chine.

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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