«Je ne sais pas ce qu’est une famille»: Des survivants des pensionnats témoignent

«Je ne sais pas ce qu’est une famille»: Des survivants des pensionnats témoignent

«Survivants»Le mot est fort. Il est difficile d’imaginer et si douloureux d’entendre les témoignages de ces personnes qui ont vécu des « traumas inimaginables » dans leurs nombreuses années en pensionnats autochtones. Des blessures encore vives qui ont eu des retombées catastrophiques de génération en génération. La terminologie « traumas intergénérationnels » n’est pas anodine. 

« Vous savez, nous avons vécu des souffrances physiques. Mais les souffrances spirituelles et mentales sont encore plus grandes. Nous voyons notre jeune génération aller dans la drogue et l’alcool à cause de l’effet du trauma ». Ce sont les mots de l’ainé et survivant Rod Alexis, de la Nation sioux nakota d’Alexis, lors d’une conférence de presse1 à Edmonton avant la venue du pape. 

« Je t’aime, mais je ne te connais pas »

« En 2007, nous avons eu un rassemblement familial et mon frère a dit à ma sœur : “Je t’aime, mais je ne te connais pas”. Cela a fait pleurer ma sœur et m’a touché ». Le témoignage de Gordon Burnstick ainé et survivant de la Première Nation Alexander vient mettre en lumière cette terrible réalité : les survivants des pensionnats ont à peine connu leur famille. 

« Nous étions toujours en pensionnat et nous n’avons presque jamais parlé à notre sœur. Nous n’étions à la maison que deux mois l’été seulement ». Les 19 enfants de sa famille et ses deux parents sont tous passés dans ces établissements. « 100 ans de pensionnat, une famille… » 

Rod Alexis aussi l’a vécu : « Mes parents sont des survivants des pensionnats et je le suis aussi. Mon père m’a dit un jour : “Mon fils, je ne sais pas comment être un parent. J’ai perdu ce don qui nous était donné par le Créateur, parce que j’étais toujours seul au pensionnat. Tu sais plusieurs fois j’ai voulu dire ‘Je t’aime’ quand je te donnais un câlin, mais je ne savais pas comment ».

Au-delà du pardon : dire qu’elle s’est trompée

Quelle importance au geste de la venue du pape, peut-on se demander tout bas . « Ce périple historique est une partie importante de notre cheminement de guérison », a introduit le Grand chef Gorge Arcand JR de la Première Nation crie Alexander. C’est ainsi qu’il conçoit cette visite.

« Ce n’est pas juste une excuse auprès de nos peuples. C’est l’Église qui admet qu’elle avait tort ». 

Mais, « ce n’est que le début »… ajoute le Grand Chef Georges. 

« Parfois je crois que nous pardonnons trop. C’est ce que nous avons appris de nos parents. Mais il est nécessaire que justice soit faite […] Nous avons besoin d’être réparés. Nous avons besoin de réparer et de changer la façon dont nos peuples vivent dans leurs communautés ». Il a souligné ici le Traité Six toujours en vigueur. 

Quelle clarté vers l’avenir ? 

Une vraie guérison à travers l’éducation et un retour à la culture. Cela semblait animer les Chefs et offrir une ligne de clarté dans l’horizon de l’avenir. Ne serait-ce que de reconnaître l’apport des peuples autochtones dans l’œuvre du Canada. 

« Vérité et justice » étaient sur les lèvres, tout en manifestant l’« attente » qu’après la retombée des remous de la venue du pape, des « stratégies longs-termes » soient mises en place et qu’ils soient encore écoutés et entendus, notamment auprès du gouvernement du Canada.

Le soutien en santé mentale semble être au cœur des préoccupations. Le défi est de taille et les ressources manquent cruellement. Dans tout le Canada d’ailleurs. 

Le chef de la Nation crie Ermineskin, Randy Ermineskin, témoigne également de son propre cheminement :

 « Nous avons eu l’opportunité moi et ma femme de nous assoir avec un professionnel de la santé mentale un jour qu’elle venait dans notre communauté ». C’est un processus long et il faut s’attendre à ne pas être immédiatement dans la recherche de solutions. « Parce que les traumas peuvent être une chose difficile pour les gens. Ce sont des cycles à travers lesquels ils passent, incluant nous-mêmes comme chef ». 

« Comment parlons-nous, répondons-nous à ceux après nous ? Nous ne voulons pas blesser nos enfants… Parce que plusieurs survivants ne savent pas comment gérer cela. Ils sont revenus à la maison avec aucun outil, sans savoir à quoi ressemble une famille crie ou d’une autre nation. Nous voulons aider les futures générations à vaincre cela ». 

Beauté perdue 

Rod Alexis est un « catholique pratiquant ». « J’y crois, mais parfois je m’assois et je demande au Créateur : “Dieu, tu m’entends… Pourquoi sommes-nous traités différemment ? Qu’avons-nous fait de mal ? » Pour lui, la Réconciliation avec l’Église est certes une partie importante à visiter dans ce processus de guérison, mais pas la seule. « Nous avons aussi à guérir tous les autres parties de notre vie ». 

« Je me rappelle de mon premier jour en pensionnat. […] J’ai été puni parce que j’ai parlé ma propre langue ». Rod Alexis a tenté de garder quelques bribes de son identité profonde, mais comme beaucoup, la perte de sa culture a créé un vide. Plusieurs essaient de réapprendre aux nouvelles générations. « J’ai compris la beauté de ce que nous avons perdu. Et cette beauté est ce qui me fait être un chrétien plus fort aujourd’hui. Parce que je comprends le Créateur ».

« Avant de commencer, nous voudrions reconnaître que la terre traditionnelle sur laquelle nous sommes réunis aujourd’hui est sur le territoire du Traité Six. Les peuples des Premières Nations ont marqué ce territoire depuis des temps immémoriaux ».  

Reconnaître d’où nous venons et qui nous a précédés. Et remercier. C’est probablement ainsi que nous pourrons avancer vers l’avenir. 

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