George Weigel: «L’Église a une dette envers certains de ses critiques les plus amers.»

George Weigel: «L’Église a une dette envers certains de ses critiques les plus amers.»

George Weigel est l’un des plus importants commentateurs américains du catholicisme et des affaires de l’Église. Théologien, distinguished senior fellow de l’EPPC (Ethics and Public Policy Center) de Washington, il publiait récemment L’ironie du catholicisme moderne.First Things. Il a notamment critiqué votre conception de l’adhésion de l’Église au libéralisme. Il écrit:

«Bien sûr, l’Église a commencé à intégrer les termes libéraux et à se concentrer sur les problèmes libéraux. Quelque chose de semblable se produit à chaque époque, car l’Église est dans l’histoire. Mais de telles intégrations sont en réalité des chevaux de Troie, qui introduisent dans le monde un évangile radical qui le dépasse.»

Comment réagissez-vous à une telle critique? En quoi vos visions respectives diffèrent-elles?

Soit M. Jones n’a pas lu mon livre, soit il l’a lu à travers ses propres lunettes intégralistes. Le rapport Église-État mis de l’avant par Vatican II, Jean-Paul II et Benoît XVI n’a rien à voir avec des concessions à la théorie politique libérale. Il a tout à voir avec la compréhension que l’Église a de la nature de l’acte de foi, et sa méditation millénaire sur l’injonction du Christ de donner à César ce qui est à lui, mais de donner à Dieu ce qui est à Dieu — ce qui signifie que César n’occupe pas entièrement l’«espace» public. L’Église a compris cela bien avant la théorie politique libérale classique. 

Si la réaction initiale de l’Église à la modernité était en quelque sorte défectueuse en raison de sa nature hautement conflictuelle, l’Église a-t-elle fini par développer une manière de s’engager dans la modernité qui porte l’espoir de la conversion? Comment cela?  

Les parties vivantes de l’Église universelle l’ont compris en devenant évangéliques et missionnaires, en vivant de la vérité que chaque chrétien reçoit la Grande Mission (Mt 28 :19-20) au baptême. Cela signifie offrir aux hommes et aux femmes du 21siècle la possibilité d’une amitié avec Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné, qui révèle à la fois la vérité sur le Père des Miséricordes et le sens plein de notre humanité. 

Ces dernières années ont été marquées par une remise en cause croissante de la modernité et du libéralisme, particulièrement perceptible aux États-Unis parmi les catholiques. Quel est votre point de vue sur ces développements? Comment s’intègrent-ils dans votre récit et votre compréhension du catholicisme moderne?

Lorsqu’ils s’expriment sous la forme d’un nouvel intégralisme catholique ou d’un nouveau «national-conservatisme», ces développements ont tendance à être des opinions minoritaires, d’un intérêt primordial pour certains universitaires et polémistes dont le «vrai monde» est le monde de l’Internet — qui n’est pas le vrai monde. Mes collègues et moi-même critiquons l’expérience démocratique américaine depuis des décennies et proposons des solutions à ses nombreux problèmes, enracinées dans la pensée sociale catholique, et non dans un quelconque retour fantaisiste à une utopie prémoderne. 

Dans un autre ordre d’idées, je suis tombé par hasard sur un court article de vous sur le Québec, publié il y a quelques années. Il m’a laissé une impression assez forte. Vous écriviez:

«Il n’y a pas d’endroit plus aride sur le plan religieux entre le pôle Nord et la Terre de Feu; il n’y a peut-être pas d’endroit plus aride sur le plan religieux sur la planète.»

Il est courant, même chez des catholiques québécois, de parler ainsi, mais certains diront que vous faites dans la caricature. Après tout, plusieurs communautés vivent une vie de foi profonde au Québec, notamment dans la capitale, où aussi plusieurs institutions catholiques subsistent, dont certaines sont même en croissance. Comment comprenez-vous ce qui s’est passé ici, ce changement radical de la pratique religieuse qui s’est produit en très peu d’années? Y a-t-il un lien entre ce que vous voyez ici et certaines des réflexions générales que vous faites sur le catholicisme et la modernité dans votre livre?

Je pratique dans une paroisse rurale du Québec chaque année au mois d’aout, donc je suis tout à fait conscient qu’il y a des catholiques fidèles au Québec. Mais la «présence» publique de l’Église au Québec me semble marginale, voire négligeable; un sécularisme agressif domine l’«espace» public, et ni les évêques ni les catholiques du Québec ne semblent avoir trouvé un moyen de repousser cette agression.

Cela a été évident pendant la pandémie de COVID-19, lorsque les églises ont été fermées alors que les quincailleries sont restées ouvertes. Pourquoi tout cela s’est-il produit? Je n’ai pas étudié de près cette histoire, mais je pense que cela pourrait avoir un rapport avec l’attachement trop étroit de l’Église au pouvoir politique, et en particulier à un parti politique.

Cet attachement a entretenu l’illusion que le fait d’être Québécois allait, en soi, transmettre la foi aux générations futures. Cette même illusion était présente dans des endroits comme l’Espagne et le Portugal, la France et la Bavière. Et on la voit aujourd’hui en Pologne. Dans les conditions du monde moderne et postmoderne, l’Évangile ne se transmet pas de manière culturelle. L’Évangile doit être proposé, et cela signifie présenter Jésus-Christ aux gens et le proclamer avec audace comme la réponse à la question qu’est chaque vie humaine.

  1. George. 2019. The Irony of Modern Catholic History: How the Church Rediscovered Itself and Challenged the Modern World to Reform, New York: Basic Books, 336 p.
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