Ukrisis : les doutes du NYT

Ukrisis : les doutes du NYT

Ukrisis : les doutes du NYT

• Il se passe donc quelque chose… • Après l’un et l’autre articles mettant en doute l’action US en Ukraine, c’est cette fois un éditorial du New York ‘Times qui conseille de ralentir l’engagement US et recommande des négociations, avec concessions de Kiev. • Il semble qu’il s’agit de l’apparition d’une division importante au sein du DeepState vis-à-vis d’Ukrisis. • Une interprétation est qu’il s’agit de l’effet de la situation interne très difficile des USA. • Loin de l’éclaircir, tout cela rend la crise générale encore plus complexe pour tous les acteurs.

Un texte rapide mais bien synthétisé du site trotskiste ‘WSWS.org’ rend compte de l’événement que constitue un éditorial du New York ‘Times’ (NYT) sur Ukrisis et l’engagement grandissant des USA dans et autour de l’Ukraine. Cet éditorial prend place après la publication par le même NYT de deux texte très récents, également critiques de l’engagement US et faisant une analyse assez sombre de la situation ukrainienne, du point de vue des USA. Nous avions publié et commenté un texte de John V. Walsh, du site ‘Antiwar.com’, qui analysait la portée et la signification de ces deux textes ; avec notamment ceci :

« Il semble que certains membres de l’élite de la politique étrangère et d’autres enceintes de l’État profond aient commencé à voir le désastre imminent de la guerre par procuration contre la Russie menée par Biden, Nuland, Blinken et le reste de la cabale neocon. La perspective d’un holocauste nucléaire au bout de cette route pourrait suffire à les tirer de leur torpeur. Ils semblent vouloir arrêter le train qu’ils ont mis en marche avant qu’il ne se jette dans le précipice. Il n’est pas certain qu’ils y parviennent… » 

Les publications de ce quotidien mondialement acclamé sont particulièrement importantes parce que le NYT est sans aucun doute la voix de l’establishment US, – et aussi de ses divisions quand c’est le cas, quand ces divisions deviennent trop importantes pour qu’on ne les rende pas publiques et établisse ainsi un débat ouvert dans ce même establishment. On peut même envisager que le NYT lui-même prenne partie pour une des positions de l’establishment, et encore plus quand il s’agit d’un changement de cap. Cela pourrait être le cas dans cette occurrence, lorsque les deux textes mentionnées sont suivis, à quelque jours d’intervalles, d’un éditorial qui engage cette fois, non plus un auteur, mais bien le journal directement et dans son entièreté. (On peut bien entendu envisager que la position du Pentagone soit pour beaucoup dans cette orientation nouvelle, pour un retrait progressif de la guerre.)

C’est cela que traite l’article (21 mai 2022) de ‘WSWS.org’, qui demeure pour nous une référence acceptable dans les domaines des interventions extérieures US et des positions de l’establishment/du deepstate à cet égard :

« L’éditorial du New York Times intitulé “La guerre en Ukraine se complique, et l'Amérique n'est pas prête” indique de sérieuses divisions au sein et entre la Maison Blanche et les agences de renseignement sur le déroulement de la guerre de l'OTAN contre la Russie. Le Times s’inquiète des “coûts extraordinaires et des graves dangers” de la guerre et déclare que “le président Biden doit encore répondre à de nombreuses questions pour le public américain concernant la poursuite de l'engagement des États-Unis dans ce conflit”.

» Au cours des trois derniers mois, le journal a incité à l'hystérie pro-guerre et anti-Russie. Mais il écrit maintenant qu'il n'est pas “dans l'intérêt de l'Amérique de plonger dans une guerre totale avec la Russie, même si une paix négociée peut obliger l'Ukraine à prendre des décisions difficiles”. Le message du Times au régime ukrainien est sombre : “Si le conflit débouche sur de véritables négociations, ce seront les dirigeants ukrainiens qui devront prendre les douloureuses décisions territoriales que tout compromis exigera”.

» L'éditorial poursuit : “M. Biden devrait également faire comprendre au président Zelenski et à son peuple qu'il y a une limite à ce que les États-Unis et l'OTAN sont prêts à faire pour affronter la Russie, et des limites aux armes, à l'argent et au soutien politique qu'ils peuvent rassembler. Il est impératif que les décisions du gouvernement ukrainien soient fondées sur une évaluation réaliste de ses moyens et de la quantité de destruction que l'Ukraine peut encore supporter”.

» Enfin, dans ce qui est clairement un appel à Biden à reconsidérer ses objectifs immédiats, le Times écrit : “Le défi consiste maintenant à se défaire de l'euphorie, à arrêter les railleries et à se concentrer sur la définition et l'achèvement de la mission”. »

Il est notable que cet édito du NYT, comme les textes précédents rappelés, insistent sur ce qui est perçu comme une position difficile/très difficile de l’armée ukrainienne, – situation qui peut conduire à un enchaînement nécessitant un engagement plus direct et dangereux des USA. Cette évaluation pessimiste est notable, parce qu’elle contraste non seulement bien entendu avec le montage-simulacre du triomphe ukrainien de la communication antirusse, mais même avec certaines évaluations de commentateurs indépendants prorusses.

WSWS.org’ a fait un texte assez court et improvisé du fait que l’édito est paru au moment du bouclage de ses éditions, mais cela indiquant justement l’importance qu’il attache à l’intervention du NYT sous la forme d’un édito. Son texte mentionne rapidement ce qu’il juge être les causes de cette évolution importante au sein d’une fraction du deepstate, en se rapportant surtout, et justement selon nous, à la situation intérieure aux USA comme préoccupation devenue majeure à cet égard.

« Qu'est-ce qui a conduit à ce changement évident ? Plusieurs facteurs sont à l'œuvre.

» Premièrement, il semblerait que la défaite de Marioupol ait une importance militaire bien plus grande que ne l’a reconnu l’administration Biden, et qu’elle ait jeté un grand froid sur les espoirs d'une victoire ukrainienne.

» Deuxièmement, les conséquences économiques internationales et nationales désastreuses de la guerre sont de plus en plus évidentes. L’inflation est hors de contrôle, les marchés financiers sont durement touchés et une récession majeure semble inévitable.

» Troisièmement, et c’est le plus important, la crise sociale et économique, accélérée par la guerre, alimente l’aggravation de la lutte des classes. Le Times le reconnaît, écrivant que “le soutien populaire à une guerre loin des côtes américaines ne se poursuivra pas indéfiniment”. »

On laissera de côté la fameuse “lutte des classes” vraiment très usée et dépassée par les complexité des affrontements en cours avec leurs contradictions et le rôle de la communication, mais pour le reste l’analyse rencontre une conception que nous cessons d’exposer, – hier encore, il y a cinq jours encore, et le 5 mai pour ce seul mois… Et notre leitmotiv selon l’hypothèse que la possibilité la plus grande de faire dérailler Ukrisis de sa course vers l’affrontement suprême et catastrophique se trouve dans des troubles graves aux USA.

L’exceptionnalité de cette hypothèse que semble partager le NYT, – quel grand honneur ! (Ou plutôt, mesure de la gravité de la situation intérieure des USA ?), – est bien que l’engagement extérieur, direct ou indirect peu importe, et malgré qu’il établisse une certaine unité hystérique, un rassemblement bipartisan complètement irrationnel au niveau des instances dirigeantes (Congrès), ne parvient en aucun cas à réduire la discorde civile extrêmement grave et dévorante, et même en aggrave l’effet. Cela, c’est une mesure terrifiant de la complète illégitimité des classes dirigeantes et du pouvoir aux USA, le pire qui pouvait arriver à cette puissance bâtie sur la seule construction humaine du règne de la Loi dans toutes ses prétentions.

… Et pourtant, cette poussée que le NYT nous donne à identifier ne paraît certainement pas, pour l’instant, suffisante pour modifier la folle et complètement perverse politique du système de l’américanisme vis-à-vis du centre ukrainien de l’Ukrisis. (Seul un clown-bouffe peut manipuler ces gens, – presseSystème, Congrès, GW Bush gâteux, etc., – et Zelenski est créature parfaite dans ce rôle.)

On apprécie, comme le signale le fil-Telegram de ‘Anne-de-Russie’, comme ironie monstrueuse du désordre mental, de l’irresponsabilité pathologique de ces dirigeants, de leur évolution dans une sous-version de ‘Alice in Woinderland’ :

« “Le Sénat américain a bloqué le plan de sauvetage de 48 milliards de dollars pour les restaurants et les petites entreprises américaines touchés par la pandémie de COVID-19” – ‘The Hill’.

» Le même jour le Sénat américain approuvait 40 milliards de dollars pour l'achat d'armes pour l'Ukraine.

» La publication souligne qu'une telle issue du vote signifie probablement la fin du projet de loi américain sur l'aide aux entreprises. Ces fonds supplémentaires étaient nécessaires pour éviter la fermeture de nombreuses petites entreprises criblées de dettes. »

D’où une conclusion très-pessimiste pour la question de ‘WSWS.org’ qui nous intéresse, à moins d’un appel du plus pur-trotskisme à un “mouvement socialiste de masse dirigé par la classe ouvrière”. Nous aurions une même sorte d’“optimisme” (!) concernant la possibilité d’une réaction qui ne serait en fait qu’un de ces fameux “effets [catastrophique] des causes que les [imbéciles] chérissent”. Elle concernerait bien sûr une dynamique de dissolution, de désintégration du système de l’américanisme, avec intervention imprévisible et nous laissant bouche bée devant la puissance vertueuse de la forme irrésistible de leur “souveraineté spirituelle”, de ces “événements” qui nous sont imprévisibles et nous échappent.

Quoi qu’il en soit, ainsi parlait, en conclusion, ‘WSWS.org’ :

« Mais malgré les divisions internes de la classe dirigeante qui trouvent leur expression dans l'éditorial du Times, l'administration Biden ne pourra pas simplement faire marche arrière et se sortir de la crise politique qu'elle a déclenchée en provoquant l'invasion russe.

» La décision de provoquer un conflit militaire n'était pas simplement une erreur. Elle découle de la poursuite, depuis 30 ans, de l'hégémonie mondiale par l'impérialisme américain. La poursuite de cet objectif ne prendra fin que par le développement d'un mouvement anti-guerre et socialiste de masse dirigé par la classe ouvrière. »

On mentionnera enfin le possibilité de “solutions” intermédiaires comme on peut en imaginer si Zelenski et son zèle poussant à impliquer les pays de l’OTAN devenaient trop gênant pour les USA.  Ewan Castel, vieux militant installé dans le Donbass depuis 2015, au sein des forces de ces républiques autonomes, décrit sur son site ‘Alawata-rebellion.com’ la mésentente entre Zelenski, dont la “stratégie” de communication amène à sacrifier des soldats ukrainiens en leur ordonnant de tenir dans des villes perdues d’avance, à son chef d’état-major le Lieutenant-Général Zaloujny, qui prône l’abandon de ces villes au profit de l’établissement d’une ligne de défense plus solide :

« Si cette querelle au sommet continue elle risque de provoquer soit un remplacement du chef d'État-major ukrainien par un soldat plus politique, soit un coup d'Etat militaire renversant Zelenski pour engager un armistice avec la Russie pour “sauver les meubles” de l'incendie allumé par Washington sur le Maidan il y a 8 ans et qui consume aujourd'hui toute l'Ukraine. »

 

Mis en ligne le 22 mai 2022 à 14H40

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

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