Poutine sonne le glas du pétrodollar

Poutine sonne le glas du pétrodollar

« Le gel de nos avoirs signifie que les Etats européens s’approvisionnent en gaz russe gratuitement »

Le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine a tenu une vidéoconférence sur le développement du transport aérien et de la fabrication d’avions.

31 mars 2022 17:35 Novo-Ogaryovo, Région de Moscou

Source : en.kremlin.ru via NakedCapitalism

Traduction : lecridespeuples.fr

Ont participé à la réunion le Premier ministre Mikhaïl Mishustin, le chef de cabinet du bureau exécutif présidentiel Anton Vaino, le premier vice-Premier ministre Andrei Belousov, le vice-Premier ministre Yury Borisov, les assistants présidentiels Igor Levitin et Maxim Oreshkin, le ministre de l’Industrie et du Commerce Denis Manturov, le ministre du Développement économique Maxim Reshetnikov, Vitaly Savelyev, ministre des Transports, Anton Siluanov, ministre des Finances, Elvira Nabiullina, gouverneur de la Banque centrale, Alexander Neradko, directeur de l’Agence fédérale du transport aérien, ainsi que les dirigeants de United Aircraft Corporation, Aeroflot, State Transport Leasing Company, Siberia Airlines, UTair, Airports of Regions Management Company, Volga-Dnepr Group, Rostec State Corporation, VEB. RF State Development Corporation, Sberbank et VTB Bank.

Note du Cri des Peuples : La guerre de l’information continue à faire rage, et ce discours est quasiment inaccessible, même en anglais, le site du Kremlin étant hors service du fait d’attaques sophistiquées qui ne peuvent qu’être le fait d’acteurs étatiques (cf. la plainte de la Russie à cet égard). Il est intéressant de noter que même les médias qui ont rapporté le contenu de ce discours ont passé sous silence l’extrait central, car toute personne sensée ne peut que se ranger avec la Russie quand elle comprend que c’est soit livraison gratuite en euros, soit livraison en roubles ! Cf. par exemple le Financial Times. Et aucun média ne précise non plus que les sanctions sont illégales sans aval de l’ONU, des actes de guerre…

***

Président de la Russie Vladimir Poutine : Chers collègues, bonjour.

L’ordre du jour d’aujourd’hui porte sur la situation de l’industrie aéronautique. Nous souhaitons depuis longtemps discuter de ces questions de manière globale, et aujourd’hui nous en parlerons plus en détail.

Cependant, je voudrais commencer par quelque chose dont nous avons discuté la semaine dernière.

Aujourd’hui, j’ai signé un décret établissant les règles pour le commerce du gaz naturel russe avec les États dits inamicaux. Nous avons proposé à nos contreparties de ces pays une procédure claire et transparente. Pour acheter du gaz naturel russe, ils devront ouvrir des comptes en roubles auprès des banques russes, qui seront utilisés pour payer la distribution du gaz à partir de demain, le 1er avril de cette année.

Si aucun paiement n’est effectué, nous considérerons qu’il s’agit d’un défaut de paiement de la part de l’acheteur, avec toutes les conséquences qui en découlent. Personne ne nous vend rien gratuitement, et nous n’avons pas non plus l’intention de faire la charité. Cela signifie que les contrats en cours seront suspendus.

Je le souligne à nouveau : dans une situation où les systèmes financiers des pays occidentaux sont utilisés comme une arme, où les entreprises de ces pays refusent de remplir leurs contrats avec les banques, les entreprises et les particuliers russes, où nos avoirs en dollars et en euros sont gelés, il est insensé d’utiliser les devises de ces pays.

En fait, que s’est-il passé ? Nous avons fourni des ressources à nos clients européens, du gaz en l’occurrence. Ils l’ont reçu et payé en euros, qu’ils ont ensuite gelé. Ainsi, nous avons des raisons de croire qu’une partie du gaz fourni à l’Europe l’a été essentiellement à titre gratuit.

Évidemment, cela ne peut pas durer, surtout si l’on considère que, si nous continuons à fournir du gaz selon le même processus, les paiements en euros ou en dollars pourraient à nouveau être bloqués. Cette évolution est tout à fait possible, d’autant plus que certains hommes politiques occidentaux en ont parlé publiquement. En outre, les chefs de gouvernement de l’UE ont suggéré des approches similaires. Ce type de risque est, bien entendu, inacceptable pour nous.

Si nous considérons cette question d’un point de vue général, le passage au paiement du gaz en roubles russes est une étape importante vers le renforcement de notre souveraineté financière et économique. Notre plan à long terme a été d’avancer constamment et progressivement dans cette direction, en augmentant la part des transactions en monnaie nationale dans le commerce extérieur, c’est-à-dire dans notre monnaie et dans celle de nos partenaires fiables.

Vous avez peut-être déjà entendu dire que de nombreux fournisseurs d’énergie de longue date sur le marché mondial parlent également de diversifier les monnaies de transaction.

Je le répète, la Russie accorde une grande importance à sa réputation commerciale. Nous remplissons et nous continuerons à honorer nos obligations dans le cadre de tous les contrats, y compris nos contrats de gaz. Nous continuerons à fournir du gaz comme convenu et, je tiens à le souligner, aux taux spécifiés dans les contrats à long terme en vigueur.

Je tiens à souligner que ces taux sont plusieurs fois inférieurs aux taux actuels sur le marché au comptant. Qu’est-ce que cela signifie ? En termes simples, le gaz russe signifie une énergie moins chère, de la chaleur et de l’électricité moins chères dans les foyers européens, des engrais plus abordables pour les agriculteurs européens et, par conséquent, des aliments moins chers. Enfin, cela signifie une plus grande compétitivité pour les entreprises européennes et des salaires plus élevés pour les citoyens européens.

Cependant, à en juger par les déclarations de certains politiciens, ceux-ci sont prêts à faire fi des intérêts de leurs citoyens afin de bénéficier des bonnes grâces de leur maître et suzerain d’outre-mer [les Etats-Unis]. C’est le contraire du populisme. Les gens sont invités à manger moins, à s’habiller plus, à utiliser moins de chauffage, à renoncer aux voyages, vraisemblablement au profit de ceux qui exigent ce genre de privation volontaire en signe d’une solidarité nord-atlantique abstraite.

Ce n’est pas la première année que nous observons des approches et des actions aussi discutables dans la politique économique, énergétique et alimentaire des pays occidentaux.

D’ailleurs, la crise alimentaire sera inévitablement suivie d’une autre, une autre vague de migration, principalement vers les pays européens.

Quoi qu’il en soit, les décisions qui sont prises, les unes après les autres, poussent l’économie mondiale vers la crise. Elles conduisent à la désorganisation des chaînes de production et de logistique, à l’augmentation de l’inflation mondiale et à l’aggravation des inégalités, à la baisse du niveau de vie de millions de personnes et à la tragédie des famines de masse dans les pays les plus pauvres, comme je viens de le dire.

Naturellement, la question se pose : Qui en est responsable ? Qui en sera tenu pour responsable ?

Il est évident que les États-Unis vont à nouveau tenter de résoudre leurs problèmes, leurs propres problèmes, aux dépens des autres. Cela déclenchera en partie une nouvelle vague d’émissions et de déficits budgétaires. Le déficit a explosé et l’inflation atteint des records, tant dans les principaux pays européens qu’aux États-Unis. Ce faisant, ils essaient de nous faire porter le chapeau de leurs propres erreurs économiques ; ils cherchent toujours quelqu’un à blâmer. C’est parfaitement clair, nous en sommes conscients.

J’ajouterais que les États-Unis essaieront également de tirer profit de l’instabilité mondiale actuelle, comme ils l’ont fait pendant la Première et la Deuxième Guerre mondiale, et leurs agressions contre la Yougoslavie, l’Irak et la Syrie, pour n’en citer que quelques-unes. Les marchés mondiaux chutent tandis que la valeur des actions des entreprises du complexe militaro-industriel américain ne cesse d’augmenter. L’argent s’écoule vers les États-Unis, privant les autres régions du monde de ressources de développement.

Les tentatives de tout faire pour pousser l’Europe vers le coûteux gaz naturel liquide américain relèvent de la même catégorie. En conséquence, les Européens sont non seulement obligés de mettre la main à la poche, mais aussi de saper de leurs propres mains la compétitivité des entreprises européennes, pour les écarter du marché mondial. Pour l’Europe, cela signifie une désindustrialisation à grande échelle et la perte de millions d’emplois. Une autre conséquence est une réduction drastique du niveau de vie sur fond d’augmentation des prix de la nourriture, de l’essence, de l’électricité, du logement et des services publics.

C’est le prix que l’élite occidentale au pouvoir dit aux gens de payer, comme je l’ai dit, pour leurs ambitions et leurs actions à courte vue, tant en politique qu’en économie, y compris la guerre économique qu’ils essaient de déclencher, ou qu’ils ont en fait déjà déclenchée contre la Russie.

Cela ne date pas d’aujourd’hui, ni du mois dernier. Des sanctions et des restrictions illégales ont toujours été imposées à notre pays, depuis de nombreuses années. Leur objectif est de freiner le développement de la Russie, de porter atteinte à notre souveraineté et d’affaiblir notre potentiel industriel, financier et technologique.

Je répète que toutes ces sanctions ont été préparées à l’avance et qu’elles auraient été imposées de toute façon. Je voudrais insister sur ce point. En effet, ce sont des sanctions contre notre droit à la liberté, à l’indépendance, à être la Russie. Elles sont imposées parce que nous ne voulons pas danser à leur rythme et sacrifier nos intérêts nationaux et nos valeurs traditionnelles. L’ « Occident collectif » ne semble pas disposé à abandonner sa politique de pression économique sur la Russie. De plus, il va certainement essayer de trouver plus de raisons pour les sanctions, ou plutôt des prétextes. On ne peut guère compter sur un changement de leur approche, du moins dans un avenir proche.

À cet égard, je demande au gouvernement, à la Banque de Russie et aux gouvernements régionaux d’en tenir compte lorsqu’ils planifient leurs efforts systémiques pour promouvoir la croissance économique et soutenir des secteurs spécifiques, et de garder à l’esprit que les sanctions ne vont pas disparaître, tout comme au cours des décennies précédentes. Telle est la réalité objective.

Ce que je voudrais noter ici, et je veux que vous le portiez à l’attention de tous vos collègues, c’est que lors de l’examen de chaque industrie ou secteur spécifique, nous devons non seulement nous attacher à surmonter les défis de cette année, mais aussi élaborer des plans de développement à long terme fondés sur les capacités internes de notre économie, sur les systèmes scientifiques et éducatifs de la Russie. Nous devons avant tout compter sur les initiatives des entreprises privées et sur une concurrence saine, en nous efforçant de maximiser l’emploi de nos installations industrielles, de développer de nouvelles compétences et, d’une manière générale, d’accroître la compétitivité internationale de la Russie.

Dans le même temps, pour nous assurer de l’efficacité de la politique économique, nous devons examiner des indicateurs clés tels que la préservation et la création d’emplois, la réduction de la pauvreté et des inégalités, l’amélioration de la qualité de vie des personnes et la disponibilité des biens et des services. Nous avons également mis l’accent sur ces indicateurs lorsque nous avons discuté de la situation de la construction et du logement la semaine dernière.

Aujourd’hui, nous allons poursuivre la série de réunions liées à l’industrie. Comme je l’ai dit, l’industrie aéronautique est à l’ordre du jour aujourd’hui, car elle joue un rôle crucial dans le développement de l’industrie russe, de ses domaines de haute technologie. Elle revêt certainement une importance particulière pour les services de transport, qui assurent la connectivité des régions de notre vaste pays.

Permettez-moi de vous rappeler que les transporteurs aériens et les constructeurs d’avions russes ont été parmi les premiers à ressentir les conséquences des décisions inappropriées des pays occidentaux.

Il y a un mois, les compagnies européennes et américaines ont unilatéralement refusé de respecter les obligations découlant de leurs contrats avec les compagnies aériennes et de services de Russie. En fait, elles ont trompé leurs partenaires russes en arrêtant la fourniture, la location, l’entretien et l’assurance des avions. En outre, les pays européens ont fermé leur espace aérien à nos avions.

Je laisserai de côté, pour l’instant, l’impact de cette décision sur les compagnies étrangères elles-mêmes, y compris les réputations endommagées et les pertes directes. Je me contenterai de noter que les entreprises russes ont respecté intégralement leurs accords et étaient prêtes à continuer à le faire.

Cependant, les pays occidentaux ont pris ces mesures et nous devons certainement y répondre. Je suggère de partir du principe que nous ne maintiendrons pas de coopération avec nos anciens partenaires dans un avenir proche.

Nous ne nous fermerons à personne, nous ne serons pas un pays fermé, mais nous devons partir des réalités qui se dessinent.

Nous avons toutes les chances de faire en sorte que l’aviation russe non seulement surmonte les difficultés actuelles, mais reçoive aussi un nouvel élan de développement.

Tout d’abord, nous devons soutenir nos compagnies aériennes afin qu’elles puissent maintenir un fonctionnement durable et rythmé, pour conserver les emplois et rendre le service aérien accessible au peuple russe. Comme je l’ai dit, il s’agit de mesures opérationnelles et urgentes.

En ce qui concerne les plans à long terme, nous devons évidemment adapter la stratégie de développement de notre industrie aéronautique en nous appuyant sur nos propres ressources et en tenant compte des nouvelles conditions qui offrent de nombreuses possibilités aux constructeurs aéronautiques, aux bureaux d’études et aux fournisseurs de matériaux, de composants et de pièces russes.

La part des avions nationaux devrait augmenter considérablement au cours de la décennie actuelle (et c’est, bien sûr, une opportunité pour nos fabricants d’équipements aéronautiques). Naturellement, il est nécessaire d’atteindre une qualité, une fiabilité et une efficacité élevées dans le processus. C’est également important pour les compagnies aériennes russes, y compris les compagnies privées qui doivent également se développer en tant qu’entreprises dynamiques et rentables. Bien sûr, cela compte beaucoup pour les passagers (ils doivent pouvoir acheter des billets à des prix abordables), ce dont nous parlerons plus tard, tandis que le niveau de sécurité, de confort et de services doit correspondre aux normes les plus élevées. Je ne parle pas seulement des vols interrégionaux, mais aussi du développement de la petite aviation et de la desserte des régions éloignées et difficiles d’accès.

Je voudrais vous demander aujourd’hui de parler en détail des solutions qui permettront à notre industrie de développer la production d’une large gamme d’avions domestiques. Nous discutons sans cesse de cette question avec vous. Il est également important de s’assurer que la maintenance technique et la réparation des avions répondent aux exigences les plus élevées.

Mettons-nous au travail. Je vais donner la parole à M. Savelyev. Allez-y, s’il vous plaît.

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Voir notre dossier sur la situation en Ukraine.

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À propos de l'auteur Le Cri des Peuples

« La voix des peuples et de la Résistance, sans le filtre des médias dominants. »[Le Cri des Peuples traduit en Français de nombreux articles de différentes sources, principalement sur la situation géopolitique du Moyen-Orient. C'est une source incontournable pour comprendre ce qui se passe réellement en Palestine, en Syrie, en Irak, en Iran, ainsi qu'en géopolitique internationale.]

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