Pour punir Poutine, une bombe climatique

Pour punir Poutine, une bombe climatique

L’auteur est journaliste indépendant et membre du Regroupement Des Universitaires
 

La question n’est plus de savoir si nous allons dépasser un niveau critique de réchauffement climatique mais bien de choisir à quelle vitesse nous allons l’atteindre, pour ensuite espérer ralentir suffisamment pour conserver notre planète habitable. Pour beaucoup de gens, incluant nos gouvernements, tous les prétextes sont bons pour remettre à plus tard une diminution draconienne de l’empreinte carbone des pays industrialisés. Dans la foulée de la pandémie de Covid, l’invasion de l’Ukraine par Poutine ne pouvait pas plus mal tomber.

On peut comprendre que l’Europe cherche maintenant à se libérer par tous les moyens de sa dépendance envers les hydrocarbures russes. Malheureusement, le pétrole et le gaz naturel de fracturation que l’Amérique du Nord se propose de lui fournir en remplacement de l’approvisionnement russe représentent un net recul sur le plan l’environnemental.

Aux États-Unis, le gaz de schiste a déjà causé des ravages considérables en termes d’émissions de méthane, le deuxième plus puissant agent de réchauffement atmosphérique après le CO2, auxquelles s’ajoutent la pollution des nappes phréatiques, la fragilisation des sols et la perte de biodiversité. Sans parler de la destruction des paysages.

Les 15 milliards de m3 de GNL que le président Joe Biden vient de s’engager à produire en 2022 pour permettre au monde libre de punir Poutine représentent à moyen terme une bombe climatique pour l’ensemble des écosystèmes planétaires. Elle s’ajoutera au 22 milliards de m3 du même gaz que les États-Unis exportent déjà vers le vieux continent, l’objectif étant d’atteindre le remplacement du tiers des 155 milliards de m3 de gaz naturel de source conventionnelle (ou classique) que la Russie fournissait jusqu’à tout dernièrement.

Le Canada ne propose pas mieux avec ses hydrocarbures extraits des sables bitumineux.

En clair, on se tire dans le pied.

Au Québec, la pénurie appréhendée d’énergie sur le vieux continent a ravivé l’ardeur du lobby de l’industrie pétro-gazière d’allégeance albertaine. Le très conservateur Institut économique de Montréal a également essayé de ressusciter le projet de GNL au Saguenay ainsi que l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du St-Laurent sous prétexte d’assurer à la Belle Province, bastion de l’hydroélectricité, une plus grande autonomie énergétique !

À ma connaissance, ce discours entrepreneurial opportuniste n’a pas suscité l’indignation des éditorialistes, chroniqueurs et journalistes attitrés de nos médias nationaux. Dans l’espace public, la nature et le mérite réel des énergies de substitution proposées pour l’Europe et l’Asie continuent de céder la place aux seules considérations économiques.

L’Occident a raison de dénoncer la censure politique qui prévaut en Russie au sujet de l’invasion de l’Ukraine. Cependant, force est de constater chez nous que les enjeux écologiques de fond sont aussi balayés sous le tapis au nom d’une certaine rectitude politique. Nos amis Français sont moins gênés des vraies affaires, tout en s’efforçant de dorer la pilule afin d’entretenir l’espoir.

Une réflexion collective s’impose au Canada sur la base d’une information plus complète et plus juste. Nous sommes directement concernés en tant que citoyens d’un pays développé, relativement riche et grand producteur d’énergies fossiles.
 

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