La citoyenneté en temps de pandémie

La citoyenneté en temps de pandémie

Nous sommes le 4 septembre 1999, à Alma, dans une classe de 5e secondaire.

— Bienvenue dans ce cours d’éducation à la citoyenneté, donné pour la toute première fois cette année. Vous y apprendrez, je l’espère, tout ce qu’il faut savoir et être pour exercer pleinement et lucidement votre rôle de gouvernant en puissance qui… Oui, Pierre ?

— Madame, vous pourriez être plus claire ? On comprend rien…

(Rires dans la classe)

— OK. Prenons un exemple. Imaginez que, dans quelques années, un nouveau virus frappe le monde tout entier. Les hôpitaux, au Québec comme ailleurs, débordent. On ferme les écoles, des décisions difficiles doivent sans cesse être prises par les autorités. Un vaccin existe, mais certains refusent de le recevoir, ce qui contribue à augmenter les dangers… Oui, Pierre ?

— Madame, ça se peut pas, un virus qui fasse tout ça !

— (Stéphanie, du fond de la classe) Mais oui, Pierre. Souviens-toi du cours de bio de l’an passé. Le prof rigolo qui expliquait ce que sont les virus et qui disait que les petites bibittes pourraient bien avoir le dessus sur les grosses.

(Rires dans la classe)

— La petite bibitte est là et a sur les grosses les effets que j’ai commencé à décrire. Les autorités réagissent, des décisions parfois difficiles sont prises. Les citoyens, là-dedans ? Ils doivent accorder ou non leur confiance aux autorités qui prennent ces décisions. Cela demande deux choses d’eux. D’abord, qu’ils décident si ces autorités ont, ou non, les compétences nécessaires pour prendre ces décisions ; ensuite, qu’ils soient convaincus qu’elles ne veulent pas les tromper, leur faire du tort. Pour la première condition, il faut disposer de savoirs qui permettent d’en juger — dans ce cas, entre autres, des savoirs scientifiques. L’école, on l’espère, va vous les transmettre. Pour la deuxième condition, il faut une pratique lucide de l’exercice de la citoyenneté et pour cela avoir développé des vertus… Oui, Pierre ?

— Ça veut dire quoi, ça, des vertus ?

— Bonne question. Les vertus, ce sont, si tu veux, des habitudes qui se sont développées en nous par la pratique et qu’on exerce spontanément quand il le faut. Il y en a des tas qui sont indispensables au citoyen. On en parlera dans ce cours et on essaiera de les pratiquer. À présent, imaginez que le virus se répande au point où on doit décider qui on garde et qui on soigne dans les hôpitaux, surchargés notamment parce qu’il y a trop de gens non vaccinés. Certains proposent de leur interdire certains lieux, où ils pourraient contaminer des gens. D’autres veulent leur imposer une taxe s’ils se présentent à l’hôpital. D’autres encore, rendre le vaccin obligatoire. Stéphanie ?

— Ma mère est avocate et elle vous dirait qu’on ne peut absolument pas priver des gens de leurs droits et libertés garantis par les chartes.

— Ta mère ne dirait sans doute pas ça et elle ferait des nuances importantes dont on parlera dans ce cours. Elle dirait certainement qu’il faut bien définir ce que sont libertés et droits. Avec raison. On verra, par exemple, qu’on ne peut pas invoquer des droits comme si ça résolvait d’emblée une question complexe. Les droits sont souvent limités par d’autres droits que nous avons ou qu’ont les autres. Votre droit de consommer de l’alcool à 18 ans limite votre droit de conduire une voiture ; le droit du client de refuser de manger dans un restaurant où il pourrait y avoir des cheveux dans sa soupe limite le droit des cuisiniers à refuser de porter un filet sur leur tête s’ils veulent y travailler. De même, il faut préciser ce qu’on entend par liberté et ce qui peut la limiter, par exemple des devoirs, et tenir compte des circonstances… Oui, Caroline ?

— Ça devient complexe et on peut prédire que les décisions prises ne feront pas l’unanimité…

— En effet. Il y aura inévitablement des désaccords, parfois importants. Ce pourrait même être surprenant. Imaginez, disons, que ce linguiste de gauche, Chomsky, que vous a souvent fait lire votre enseignant d’anglais, M. Lennon, dise que si les gens ont le droit de refuser le vaccin, ils ont le devoir de s’isoler de la communauté.

— (Pierre) Ça se peut pas, ça, madame !

— Qui sait ? Mais il faudra quand même vivre avec des gens et des décisions avec lesquels on est en désaccord. Il faudra nommer tout cela et, pour ce faire, s’être renseigné à des sources fiables et pas en papillonnant de gauche à droite et en ne parlant qu’à des gens qui pensent comme nous. Il faudra avoir appris à discuter, sans insulter, de sujets complexes et sensibles. Ne pas se contenter de réponses émotives. Oui, Pierre ?

— Vos fameuses vertus !

— Exact. Parmi elles, parfois, celle de contester des décisions par la désobéissance civile. Il y a d’ailleurs un segment du cours là-dessus… Mais on apprendra aussi ce que sont ces institutions dans lesquelles on vit, comment elles sont créées, par qui, ce qu’elles font, comment elles prennent leurs décisions, ce qui les menace… Michel ?

— En fin de compte, si on résume, on apprendra cette année à… attendez que je me relise : exercer pleinement et lucidement notre rôle de gouvernant en puissance. (Rires)

— Voilà ! Et on peut espérer que si demain un tel virus apparaissait, les citoyens seraient mieux préparés à y faire face ensemble.

Truc et astuce

Au cours des prochaines semaines, je vous proposerai parfois des trucs, astuces et stratégies d’enseignement (plutôt) bien sanctionnés par la recherche.

Cette fois, je vous suggère de lire les dix Principles of Instruction d’un chercheur bien connu, Barak Rosenshine (1930-2017). À ma connaissance, ce texte riche, qui résume une vie de travail, n’est hélas pas traduit en français.

<h4>À voir en vidéo</h4>

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Source : Lire l'article complet par Le Devoir

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À propos de l'auteur Le Devoir

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