« L’inceste est un signe de l’Apocalypse » : entretien avec Damien Viguier sur son dernier livre

« L’inceste est un signe de l’Apocalypse » : entretien avec Damien Viguier sur son dernier livre

Arthur Sapaudia pour E&R : Me Viguier, vous avez écrit et publié à ce jour six leçons de droit chez Kontre Kulture. Pouvez-vous nous parler de la dernière leçon, intitulée La Controverse de Ravenne – Le juif, l’inceste, l’Antéchrist ?

Damien Viguier : Ces écrits paraissent dans la collection que dirige Alain Soral. Par plus d’un trait, La Controverse de Ravenne est mon premier véritable livre. D’abord par son volume. Les autres ouvrages sont composés au moins de deux textes réunis pour faire livre. La Controverse de Ravenne a été écrit d’une traite, entre décembre 2019 et juin 2020. C’est un pur produit de l’association Égalité & Réconciliation puisque ce sont les séminaires que j’y tiens qui en ont été le premier moteur. Ensuite durant toute la phase d’écriture j’ai été entouré de camarades qui m’ont au fur et à mesure relu, corrigé, discuté. Il s’agit d’un labeur collectif. Un travail accompli dans la joie et la bonne humeur. Nous savions tous quel livre était en train de naître de notre travail. J’ai écrit une thèse de plus de six cent pages et plusieurs livres, mais La Controverse de Ravenne a quelque chose de la perfection : il comporte plusieurs index, des tables, etc..

Voici trois ans à peu près, j’ai pour la énième fois tenté d’aborder le sujet du pouvoir, sans que ce qui en ressorte ne soit satisfaisant. Mais il y a un angle d’attaque qui a émergé de plus en plus, celui de l’anthropologie. Dès lors j’ai fait plus attention à certains thèmes, notamment à la question de l’inceste. Concrètement cela se matérialise par un rayon de bibliothèque où sont rangés des dossiers nourris au fil des années de lecture de notes, d’articles, d’extraits de livres, etc.. Nous sommes quelques-uns à avoir comme ça des rayons et des rayons de thèmes qui avancent. Le thème de l’inceste je le savais cardinal en anthropologie. Ce qui m’a convaincu de l’aborder plus franchement, c’est le fait que finalement ce soit une question qui puisse se poser de manière très juridique. Sous l’angle d’un classement casuistique. Cela n’avait jamais été fait. La matière, si l’on ne perçoit pas ses dimensions abstraites, a quelque chose d’évidemment rebutant. Les juristes, par ailleurs, sont focalisés sur les dernières lois. Ils ne lèvent jamais le nez de leurs codes. Quant aux anthropologues, ils ont tendances à s’en remettre aux ordinateurs ou aux formules algébriques, sans trop comprendre non plus la richesse de ce que les sociétés présentent à leurs yeux.

Les lectures importantes ont été conduites en séminaire. Pour le reste j’ai mis à contribution des auteurs que je fréquente depuis toujours : Mauss, Morgan, Godelier, Pradelle de Latour, Freud, etc..

En réalité, l’écriture de La Controverse de Ravenne s’est faite aussi en grande partie dans la lecture. On peut considérer qu’il s’agit du livre d’un lecteur qui établit le cadre qui va lui permettre d’aborder toute une bibliothèque. Ce livre est le guide que je voudrais trouver à ma disposition à seize ou dix-sept ans, au cas où la réincarnation existe, pour me fixer un programme de lecture sur quarante ans. Personnellement je n’ai plus quarante ans devant moi et il est trop tard pour prendre les bons plis. Il était temps de passer le témoin. C’est ce que j’ai fait avec ce livre.

Dans ce livre vous mentionnez un docteur de l’église, un certain Pierre Damien. Pouvez-vous parler de lui ?

C’est un auteur du XIe siècle, un Italien. Il est intervenu à Ravenne, aux alentours de 1040, pour y défendre le droit divin. Ensuite, à la demande de quelque ecclésiastique, il a couché sur le papier les tenants et les aboutissants de la dispute, afin que mémoire en soit gardée et que l’on puisse s’y référer à l’avenir. De la sorte la Controverse a été livrée à ses successeurs, et j’engage avec lui, et mon lecteur avec moi, un dialogue. Car la question n’est pas réglée.

C’était un personnage important. Un artien, comme l’on dit, pour ne pas dire artiste, de celui qui cultive les arts libéraux (grammaire, dialectique, rhétorique), avocat peut-être, Maître d’école avant de rompre, horrifié, avec le monde et la prétention universitaire naissante.

Comme moine, il a combattu l’hérésie, dénoncé, en vain, l’homosexualité et la pédophilie dans l’Église, déjà à l’époque, a imposé le célibat des prêtres, l’ascèse et la chasteté des clercs. Il était l’un des trois ou quatre plus ardents réformateurs de l’Église romaine. C’est son écrit que j’ai lu et commenté avec les camarades qui suivent les formations d’E&R. En plus il était un écrivain au style pur et flamboyant. Un véritable latin. C’est important de reconnaître les héros du passé. Cela permet de relativiser l’importance que se donnent les nain.e.s qui nous gouvernent et qui siègent dans les hautes instances de l’Université, du CNRS, au Collège de France et jusqu’à l’Académie française. Qu’ils profitent bien de leur court séjour terrestre. La postérité les engloutira vite dans les gouffres de l’oubli. Les auteurs comme Pierre Damien sont des phares dans la nuit de l’éternité.

Le sous-titre de votre ouvrage est Le juif, l’inceste et l’Antéchrist. Où voulez-vous nous amener ?

Sur les cimes de la question de l’inceste, telles que les a vues Pierre Damien. C’est lui qui fait le lien entre inceste et judaïsme, parce que dans la Bible on voit que les premiers hommes ont pratiqué l’inceste et après les eux les hébreux et les sémites en général. Il s’agit d’un phénomène bien connu en anthropologie, un phénomène qui fait problème scientifique, celui de l’endogamie : le mariage entre membres d’un même clan. Déjà les anciens romains disaient que l’inceste troublait l’ordre du monde. Voyez à ce sujet le livre de Philippe Moreaux, Incestus. Au XIe siècle il s’agit de l’Antéchrist, de sa présence parmi nous, signe que le combat final va bientôt commencer. L’inceste est un signe de l’Apocalypse, parce que pratiquer l’inceste c’est judaïser, et que c’est l’Antéchrist, à la fin des temps, qui pousse les hommes à judaïser. Lutter contre l’inceste c’est lutter contre les forces du mal, et c’est repousser la fin des temps. Je crois que Pierre Damien fut un kat echon. L’inceste, le juif, l’Antéchrist, tout est dit.

L’eschatologie chrétienne annonce la venue de l’Antéchrist par des signes comme l’inceste ou l’indifférenciation des sexes. Qu’en est-il, sous un regard traditionnel, du Kali Yuga, si souvent exprimé par René Guénon et Julius Evola dans leurs ouvrages ?

Ce sont exactement les mêmes faits historiques qui peuvent donner lieu à des interprétations occidentales ou orientales. Il semble que l’Occident chrétien ait développé une vision originale du temps, une vision linéaire, avec un début et une fin. Dans un tel cadre des évènements catastrophiques peuvent revenir périodiquement mais ils s’inscrivent tous dans la même unique séquence temporelle. Les visions orientales juive mais d’abord aryenne-zoroastrienne auxquelles se rattache Guénon sont cycliques. C’est ce que confirment Henry Corbin et Gershom Sholem, le monothéisme reste pris dans une vision cyclique. Et lorsqu’il y est question d’une fin des temps c’est pour que s’ouvre une ère nouvelle, de paix et de prospérité. C’est la vision de la gnose et des religions prophétologiques. Or, au XIe siècle, en Occident, ce qui prend forme c’est la vision du temps selon Saint Augustin. Nous sommes déjà dans le nouveau monde, dans le millenium, dans l’ère attendue et annoncée par les religions messianiques. Le Christ règne. Par conséquent la fin qui s’annonce n’est pas la fin d’un cycle, ce n’est pas l’annonce d’un nouvel âge d’Or ou du règne éternel des Saints, c’est l’annonce de la fin des fins.

Pierre Damien a fait le lien entre judaïsme et inceste. Vous avez également travaillé dans vos cours de droit – dans vos livres ou lors de vos formations (université d’E&R) – sur le thème de la pédophilie. Un nombre important d’affaires de pédocriminalité mettent en lumière des réseaux ou des personnalités de confessions juives. Est-il possible, sans se faire condamner par la police de la pensée, de faire un lien entre judaïsme et pédophilie ?

Ce qui relie la question de la pédophilie à celle de l’inceste, c’est que l’on y brouille les cartes de la même façon. En matière d’inceste, l’indifférenciation des sexes, par exemple, mais aussi la parentalité d’intention et les dons de gamètes interdisent de s’y reconnaître dans la distinction du permis et de l’interdit. Il en va de même avec la pédophilie, où l’on confond constamment l’adulte et l’enfant. La
seule frontière pertinente c’est celle de la puberté, qui fait basculer l’individu d’un monde (celui de l’enfance) dans l’autre (celui des adultes). Or, l’on adopte, avec le critère de l’âge, une idée très vague et surtout artificielle de « l’enfance », quant au mot de « minorité » il ne signifie plus rien, et ainsi l’on traite des impubères comme des adultes et des adultes comme des impubères. Ce qui est interdit en principe ce sont les rapports sexuels entre adulte et enfant, violents ou non, mais encore faudrait-il y voir clair. Comme l’impubère n’est pas encore doué de discernement, sur lui tout acte commis par le pubère est viol ou agression. Quant aux actes entre pubères, une police sexuelle peut intervenir, précisément dans l’hypothèse du consentement, pour sanctionner l’un des deux adultes, et c’est l’infraction d’atteinte sexuelle.

Mais il y a une crise du droit. Peut-être sort-on de la civilisation du droit formel, fondé sur la logique, et, comme le voyait venir Max Weber, notre rationalité céderait le pas devant « les valeurs », une morale très immorale. Une rationalité délirante.

D’où provient cette rationalité délirante ?

Weber y voyait un retour des anciens dieux, sortis de leurs tombeaux, et qui reprennent le combat. Au XIXe siècle s’est répandue dans les sciences sociales naissantes l’idée d’un combat de six mille ans entre l’Aryen et le Sémite. Au Moyen Âge, je cite Norman Cohn et d’autres savants juifs, tout ce qui pouvait s’apparenter à une force de dissolution était rattaché au juif, agent de l’Antéchrist. Mais sur ces sujets aujourd’hui une terreur règne sur la pensée. Par exemple, quant au lien établi par Pierre Damien, il est stupéfiant qu’Alain Bourreau, lorsqu’il rend compte de la publication par Pierre Legendre de la traduction du texte de Pierre Damien, n’en dise pas un mot. Il s’agit pourtant d’une pièce essentielle dans l’histoire de l’antisémitisme. Je n’ai d’ailleurs vu ce point traité nulle part chez les auteurs, que ce soient des auteurs antisémites, neutres ou philosémites. La question juive est comme la tache aveugle de l’histoire de l’Occident, et pour couronner le tout ce XIe siècle est maintenu dans une savante occultation.

Mais il y a aussi la vision de René Guénon. C’est que dans le fond notre raison qui transforme le monde depuis les Grecs ne serait qu’une prétention aveugle. Et il est vrai qu’au regard des systèmes archaïque de parenté, le système familial occidental, et à cet égard aussi le système endogame sémitique, apparaissent comme peu raisonnables. Nous en sommes là. Les théoriciens du droit avancent, présomptueux. Toute marche arrière semble impossible.

En conclusion, en quoi l’étude du droit peut-elle nous aider à avoir une meilleure compréhension de ces sujets complexes ? En plus de votre dernier livre, pouvez-vous nous transmettre quelques conseils de lecture ?

Alain Testart disait du droit qu’il était à l’anthropologie ce que les mathématiques étaient aux sciences dures. C’est là une vision bien française. Bonaparte a enrégimenté les juristes. Ce prenant pour le successeur des Empereurs romains, il les a matés, intellectuellement castrés. En Allemagne il est en allé autrement. Au XIXe il y était naturel pour un étudiant en droit de s’initier à la philosophie, à l’histoire, aux lettres. Les professeurs y étaient libres du choix de leur programme et de leur méthode. Michel Villey déplorait déjà cette crise française, qui est voulue, qui a été pensée, qui résulte d’un projet. Il observait qu’il en allait différemment ailleurs encore, dans les pays anglo-saxons et dans les autres pays latins. En France, encore actuellement, l’apprenti juriste ingurgite du règlement. Et en face, dans les sections d’histoire, de sociologie ou d’anthropologie, on tient le droit pour une matière imbuvable. Le programme de mes Leçons de droit consiste au contraire à relier la matière juridique aux sciences de la culture et de l’esprit. Et sans jamais rien céder de la rigueur technique. Au contraire.

Concernant les lectures, le conseil que j’aurais d’abord à donner, c’est précisément de ne pas leur reconnaitre la première place. La Bibliothèque doit céder la première place à l’Amphithéâtre. Je précise qu’il y a des amphis partout. Tout lieu de discussion est un amphi. Et il ne doit pas être le lieu de la dictée, mais celui de la conversation, de la réflexion, de l’objection, de la révolte. L’université n’est pas
un centre de dressage. L’écrit ne doit intervenir qu’ensuite, pour alimenter les controverses en arguments, et même, par-là, en intervenants.

Comme lectures complémentaires je conseillerais l’’information régulière avec Faits & Documents, l’entretien de la stimulation intellectuelle par la fréquentation des livres d’Alain Soral, et la manducation du verbe du poète Félix Niesche.

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À propos de l'auteur Égalité et Réconciliation

« Association trans-courants gauche du travail et droite des valeurs, contre la gauche bobo-libertaire et la droite libérale. »Égalité et Réconciliation (E&R) est une association politique « trans-courants » créée en juin 2007 par Alain Soral. Son objectif est de rassembler les citoyens qui font de la Nation le cadre déterminant de l’action politique et de la politique sociale un fondement de la Fraternité, composante essentielle de l’unité nationale.Nous nous réclamons de « la gauche du travail et de la droite des valeurs » contre le système composé de la gauche bobo-libertaire et de la droite libérale.

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