À l’aube de la COP26: La longue histoire de l’étude du climat

À l’aube de la COP26: La longue histoire de l’étude du climat

L’auteur est professeur à la retraite, Polytechnique Montréal, membre du Regroupement Des Universitaires

DES UNIVERSITAIRES (1 de 3) – Ce texte est le premier d’une série de trois portants sur le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). Ces articles ont comme objectif de dresser un court historique de l’étude du climat et de la formation du GIEC, de présenter les principales conclusions du dernier rapport ainsi que de discuter des avancées de la COP26, qui se déroulera à Glasgow, du 31 octobre au 12 novembre 2021.
 

L’atmosphère

L’atmosphère n’est qu’une très mince pellicule d’air au-dessus du sol, elle est composée principalement d’azote, d’oxygène, et de quelques autres gaz en concentrations plus faibles, dont le CO2 et la vapeur d’eau. Plus de la moitié de cette masse est contenue dans les 5 premiers km et 90% est située à moins de 16 km d’altitude; c’est très peu, comparativement aux 12 740 km du diamètre terrestre. Mais cette fine couche est essentielle à la vie.
 

C’est un long processus de réflexion et d’observations qui a permis de mettre en lumière le phénomène de l’effet de serre et d’identifier la responsabilité humaine sur le réchauffement climatique. Et c’est un débat ardu qui a permis de le faire accepter par la majorité.
 

L’effet de serre

En 1824, Joseph Fourier, mathématicien et physicien français, postule que les gaz de l’atmosphère jouent un rôle dans l’équilibre énergétique de la Terre en interceptant le rayonnement émis par le sol; il s’agit de la première hypothèse concernant l’effet de serre. En 1861, John Tyndall identifie les principaux responsables de l’effet de serre: le dioxyde de carbone (CO2) et la vapeur d’eau. En 1896, le chimiste suédois Svante Arrhenius avance la théorie selon laquelle les émissions de CO2 provenant de la combustion du charbon sont susceptibles d’accroître l’effet de serre et d’entraîner le réchauffement de la planète. Cela fait donc 125 ans que les bases scientifiques sont posées, mais que l’action est différée.

Comment expliquer cet oubli? Deux guerres mondiales, un développement accéléré de la science et des technologies, et le confort que procurent ces développements, combiné à la croissance du capitalisme triomphant, ont sûrement freiné la prise de conscience du dérèglement climatique en cours.
 

Mesure du CO2

En 1957, deux scientifiques du Scripps Institute of Oceanography, Revelle et Seuss, signalent pour la première fois que le CO2 rejeté dans l’atmosphère n’est pas entièrement absorbé par les océans, mais en partie stocké dans l’atmosphère. L’année suivante, Charles Keeling, un autre scientifique du même institut, effectue les premières mesures fiables et en continu du CO2 atmosphérique à l’observatoire situé sur le Mauna Loa, à Hawaii. Il enregistre une concentration de CO2 de 315 ppm (parties par million), laquelle va en augmentant d’année en année.
 

Le réchauffement

En 1967, la première simulation fiable par ordinateur permet de calculer que la température moyenne mondiale pourrait augmenter de plus de 2,5 °C si le niveau de CO2 doublait par rapport à ce qu’il était à l’ère préindustrielle. Ce travail est l’œuvre de Syukuro Manabe, climatologue d’origine japonaise qui a reçu le prix Nobel de physique cette année pour ces travaux pionniers. Déjà, à cette époque, on avait en main tous les outils et les connaissances pour entreprendre des changements significatifs. Mais il faudra attendre encore 50 ans (et la pression populaire) avant que les décideurs se décident à faire quelque chose de significatif, et encore.
Le CO2 corrèle avec le réchauffement

En 1985, une conférence internationale est organisée et permet à la communauté scientifique de s’entendre sur la question des changements climatiques. Le rapport recommande d’établir un traité mondial pour lutter contre ces changements. Les concentrations de CO2 atmosphérique enregistrées par Keeling à l’époque montrent une augmentation constante de 1 ppm par année en moyenne. Elle est maintenant de 2,3 ppm par année.

En 1987 sont dévoilés les résultats des analyses de carottes de glace provenant de l’Antarctique, qui indiquent une corrélation très étroite entre la concentration de CO2 atmosphérique et la température depuis 400 000 ans. Ce travail montre hors de tout doute que le climat a toujours varié dans le passé de façon naturelle, mais que depuis le début de l’ère industrielle, l’humain est le moteur des changements observés.
 

Le GIEC

Les informations cumulées depuis 30 ans ont entraîné, en 1988, la création du GIEC par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM). Le GIEC est composé de scientifiques de différentes disciplines et de délégués du monde politique. Il a comme mandat d’évaluer, analyser et synthétiser la documentation scientifique et socio-économique sur l’évolution du climat et ses conséquences.

Le GIEC est composé de trois groupes de travail qui publient chacun un rapport synthèse aux six ans environ. L’objet du travail de ces groupes est différent et complémentaire: le groupe n°1 étudie les aspects scientifiques du changement climatique; le groupe no2 étudie les conséquences, la vulnérabilité et l’adaptation; et le groupe no3 étudie l’atténuation du changement climatique.
 

Le début des COP

En 1990 est publié le premier rapport du GIEC, qui entraîne le début des négociations officielles d’un futur accord international sur le changement climatique signé en 1992. Cette convention-cadre vise à empêcher « toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique ». Les pays industrialisés conviennent de mettre en œuvre des politiques et des mesures dans le but de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour les ramener au niveau de 1990 dès l’an 2000. Une cible dont on s’éloigne de plus en plus; les émissions de CO2 n’ayant pas cessé d’augmenter depuis.

En 1995 a lieu la première conférence annuelle des parties (COP1) à Berlin. Le deuxième rapport du GIEC est publié en 1996 et démontre l’influence humaine évidente sur le climat de la planète. Suivront plusieurs autres rapports, dont le dernier en date est publié en deux phases, août 2021 pour le groupe de travail n°1, et au printemps 2022 pour les deux autres groupes.
 

L’Accord de Paris

D’un rapport à l’autre, on constate que les effets du réchauffement climatique se font sentir davantage, sont de plus en plus mesurables, et que la science du climat est de mieux en mieux établie. Un jalon important a été posé lors de la COP21 en 2015 alors qu’a été signé l’Accord de Paris qui a été ratifié par 195 pays et qui stipule que l’humanité doit diminuer les émissions de GES pour ne pas dépasser une augmentation de température moyenne de 2°C et idéalement de 1,5°C. Cet accord n’est cependant pas contraignant.
 

La COP26

Cette absence de contrainte fait en sorte que de trop nombreux pays ne respectent pas leurs engagements et continuent à augmenter leurs émissions, notamment le Canada. Alors que la COP26 promet d’occuper les fils de nouvelles au cours des deux prochaines semaines, espérons qu’elle permettra des avancées concrètes et significatives dans cette lutte que nous ne pouvons pas perdre.

L’article deux de cette courte série présentera les principales conclusions du rapport du GIEC publié en août dernier.

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À propos de l'auteur L'aut'journal

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