Une langue délaissée

Une langue délaissée

Un ami m’appelle pour me dire sa surprise d’entendre une chanson en anglais accompagner l’hommage à Guy Lafleur. L’autre jour, à Tout le Monde en Parle, une interprète, conjointe de Patrick Huard, francophone, vient présenter un disque de ses nouvelles chansons toutes en anglais. Il n’est pas rare d’entendre à la radio ce type de chanson.

Quelle est cette anglomanie qui se propage dans une contrée dont l’Assemblée nationale vient d’adopter une loi pour faire de la langue française la langue commune ?

Drôle de paradoxe où ce n’est plus la voix populaire qui pousse la défense de la langue commune comme du temps de Pauline Julien ou de Gaston Miron. Ce sont les institutions traditionnelles qui le font et la population béate demande, elle, de l’anglais.

Un récent essai montre qu’il y a des groupes organisés, soutenus par le fédéral, certes, qui réclament de l’anglais, mais que ce sont principalement les parents qui veulent que leurs enfants deviennent bilingues. On peut parler de la mondialisation qui pousse elle-même à l’anglais, mais on ne saurait expliquer que par une soumission coloniale, cet engouement pour une autre langue que la nôtre.

Et le suivisme collectif fait le reste Les intellectuels de notre époque, habitués de suivre les courants populaires, qui sont maintenant absents ou mobilisés sur d’autres questions, embarquent dans la parade et se laissent guider par le goût prononcé pour la langue étrangère. C’est le comble. Ce mimétisme collectif n’est pas nouveau. Même à l’époque de Durham, il était répandu !

Invoquant la liberté de choix, les membres de la nation se dispersent et la cohésion sociale perd de sa force malgré les injonctions du premier ministre. Cela fait triste à voir et on a beau en appeler au sentiment national, celui-ci semble manquer de vigueur au point que les meilleures raisons sont du côté de la langue la plus forte : l’anglais. Rien n’y fait. Le cadre est à l’anglais et les moutons suivent le troupeau.

Même la gauche qui portait auparavant le projet national emprunte aux États-Unis le « racisme systémique » pour ajouter au lent effritement du sentiment national qui n’est plus porté que par quelques individus prêchant dans le désert. On parle de protéger les langues autochtones alors que, par derrière nous, le français est délaissé par ses locuteurs.

Faut-il s’en désoler ? Faut-il capituler ? Se rendre devant les argumentaires les plus logiques ? Je ne renonce pas. Je continue de penser qu’il faut un redressement, un coup de barre. Mais j’ignore si l’Assemblée nationale a assez d’influence pour qu’il vienne d’elle plutôt que d’une population mobilisée autrement que par des publicités sociétales.

Par nature et par cette éducation populaire de masse que j’ai connue dans ma jeunesse, j’ai confiance dans le fait national. Mais je ne peux m’empêcher de me rendre compte que la langue perd de son attractivité chez bien des Québécois pour celle de l’autre. C’est bien désolant. 

 
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