Débat entre Onfray et Zemmour Blessure, insécurité, Décadence de la civilisation, guerre des civilisations, Islam et islamisme et Europe

Débat entre Onfray et Zemmour  Blessure, insécurité, Décadence de la civilisation, guerre des civilisations, Islam et islamisme et Europe

Dans un débat entre Eric Zemmour et Michel Onfray lors de l’émission publique Front Populaire, des questions importantes ont été abordées qui tournent autour du déclin de la civilisation, la perception de l’Islam en France et la place de la France en Europe.

Hormis, la construction européenne qui a fait l’objet de critiques acerbes du polémiste et du philosophe, les deux ne partageaient pas les mêmes idées sur ce qui cause le déclin de la civilisation occidentale et de la France et sur la menace que représenterait l’Islam pour la France et sa culture.

Ce fut un débat multidimensionnel (au point où nous avons opté pour un titre fleuve) vis-à-vis duquel on ne peut rester indifférent. Il convient de réfléchir et d’approfondir la réflexion sur ces sujets afin de ne pas laisser des contre-vérités se répondre dans les esprits dans le but de célébrer le vivre-ensemble et le droit à la diversité et à la différence devant les attaques nationalistes d’extrême-droite qui sont islamophobes et inégalitaires. Je parle ici de Zemmour. Quant à Onfray, il a raison de réfléchir sur la longue durée en pointant sur la crise de civilisation. Mais il doit approfondir davantage sa réflexion et ne pas se limiter à parler de malaise en France sans examiner des tendances comme l’athéisme et l’absence de spiritualité dans la pensée occidentale depuis des siècles en raison d’un conflit entre la raison et la foi. Il doit aussi ne pas parler de l’Islam comme étant une réalité culturelle passive qui fait l’objet de prélèvements et de choix publics (prendre ceci ou prendre cela) au lieu de voir qu’en fait le discours du Coran est cohérent et robuste parce qu’il est divin. On va d’abord examiner ce qu’il appelle la blessure que peut entraîner le discours zemmourien.

Question de morale : blesser et humilier l’autre

L’appel de Zemmour pour l’interdiction des prénoms pour les nouveau-nés des musulmans a été interprété par Onfray comme une blessure pour ces derniers en avertissant sur les dangers d’une telle attitude de surcroit inutile et non nécessaire. C’est à son honneur. Mais il y a un questionnement d’ordre moral. Il semble que pour Zemmour, le risque de blesser l’autre est une précaution presque une question de méthode. On risque de blesser l’autre parce qu’il peut ne pas comprendre les subtilités de l’histoire que Zemmour manipule à merveille mais qui reste de la manipulation et non de l’érudition comme le prétend Onfray.
Voici une question de principe et non de méthode : Que reproche Zemmour à la religion islamique parce que c’est elle qui est visée dans ses propos ?
Selon lui, cette religion à est la fois envahissante sur le plan démographique et dangereuse pour la sécurité des français.Il fait référence à des territoires prétendument conquis par l’« islamisme » sans compter les quelques attaques terroristes perpétrées ces dernières années.
Mais comme le dit Lucien Scubla dans un article très intéressant sur le sens réel des religions pour les hommes : « L’existence d’escroqueries ou d’abus de pouvoir commis par des policiers ne permet pas de conclure que la police est une association de malfaiteurs. De même, les forfaits commis sous couvert de religion n’impliquent pas que le religieux soit, dans son principe, une imposture ».

La religion est un exercice de longue durée pour de vastes communautés. Son discours n’est pas forcément lié au comportement des individus les plus détestables ni à ceux qui prétendent le représenter.

A vrai dire, le véritable problème avec Zemmour c’est que ses idées reposent sur la propension qu’ont certains philosophes depuis l’époque des Lumières en Occident qui ont considéré la religion comme un édifice artificiel et coercitif inventé par des institutions dont l’objectif véritable est de dominer les sociétés en revendiquant un lien avec des puissances supérieures. Comme le rappelle à juste titre Scubla, cette démarche repose sur la thèse du « complot des prêtres » qui a dominé la philosophie occidentale en Europe durant l’époque des Lumières laquelle considère la religion comme « une fiction et une imposture, que les esprits éclairés doivent combattre et anéantir ». Cette philosophie a pris de l’ampleur avec la théorie de Darwin, la philosophie de Nietzsche et d’autres encore. Zemmour est un héritier tardif de cette philosophie.
Zemmour laisse entendre que la religion islamique est un système théocratique, politique, oppressif et absolutiste en confondant la religion en tant que religion et en tant que culture avec le comportement déloyal et sectaire de certaines personnes.
Néanmoins, les cafés islamiques et l’enclave musulmane de Saint-Denis sont des mythes et des illusions dès lors qu’elles sont devenues des leitmotive, des certitudes et des cas aussi nombreux que menaçants. Zemmour véhicule ces mythes avec une vulgate d’extrême-droite. Celle-ci a toujours exagéré la menace que représente des entités ou des civilisations comme on l’a vu dans notre précédent article sur le parallèle entre Charles Maurras et Eric Zemmour. Pour le premier c’était l’Allemagne. Pour le second c’est l’Islam.
Ce dernier n’a cure de la blessure ressentie par les musulmans identifiée par Onfrey en rappelant que la République avait déjà blessé les catholiques en instaurant la séparation de l’église et de l’Etat.
Cependant, il oublie qu’il y a un esprit du temps et une évolution des valeurs dans le monde. Ce qui était hier anodin et banal est devenu aujourd’hui outrancier et condamnable.
On ne peut pas aujourd’hui accepter les exécutions et les massacres de la révolution française bien que celle-ci a été pourvoyeuse d’idées et de valeurs nouvelles comme le respect des droits humains. Zemmour fait fi de l’esprit du temps. C’est pour cette raison qu’il est devenu un personnage très choquant pour les esprits éclairés et les démocrates. Malheureusement, la politique et les médias ne suivent pas cette logique. Par conséquent, ce n’est pas la blessure qui est le véritable problème. Ce sont le mensonge, la calomnie et les contre-vérités qui sont problématiques et dont Zemmour est devenu le spécialiste attitré.

Insécurité et sentiment de guerre civile

Onfrey considère l’insécurité dans certains quartiers et la consommation de drogue qui s’y déroule comme un problème de civilisation sans préciser ce qu’il veut vraiment dire. Il évoque la responsabilité des Etats dans le fait qu’ils ne luttent pas vraiment contre les producteurs. Cette impuissance est une aubaine pour Zemmour qui rappelle que les républiques islamiques qui se sont constituées dans certains territoires sont devenues autonomes parce qu’elles vivent du trafic de drogue mais surtout de la faiblesse de l’Etat.
Ce constat interpelle Zemmour et Onfrey sur une question de philosophie politique : Onfrey affirme que le monde dans lequel nous vivons est hobbesien qui veut que les hommes n’aient pas de rapports entre eux par amour mais seulement par peur et égoïsme, et cherchent à résoudre le conflit naturel à travers un accord ou un contrat social. Selon Onfrey si la sécurité n’est plus assurée et la loi ne suffit plus à protéger les personnes alors ceux-ci peuvent assurer leur propre sécurité. Ainsi, il n’est pas hostile à l’idée d’armer les réservistes de l’armée, ce qui permettrait de sécuriser plus la société.
Quant à Zemmour il est encore plus radical et qualifie le monde de khaldounien. Ibn-Khaldoun, historien musulman, explique la fin des civilisations par la victoire des nomades sur les sédentaires lorsque ceux-ci sont affaiblis et deviennent mous en raison de leur civilisation. Dans quel monde vivons-nous ? Zemmour compare entre des contextes historiques très différents. Ibn Khaldoun évoque une situation sociale et politique qui date du Moyen Âge et elle n’est pas comparable à la situation des territoires français aujourd’hui. Dans ces territoires il n’y a pas de nomades et de sédentaires. Il y a seulement des citoyens qui vivent un malaise social sans plus.
Au Moyen Âge, les nomades turco-mongoles ont envahi les civilisations sédentaires de Chine et d’Iran. Or, depuis l’invention de la poudre à canon et des fusils les invasions des nomades sont devenues vaines et impossibles. Zemmour aime faire une telle comparaison qui n’est pas raison. Ce sont des comparaisons hyperboliques et erronées. D’autres dirons que c’est une simplification outrancière de problèmes éminemment complexes.

La décadence de la civilisation : la perte d’estime de soi

Onfrey en tant que philosophe, évoque la longue durée et considère que la menace qui plane sur la civilisation occidentale réside en nous même, dans notre attitude à se condamner, à se culpabiliser, à se suicider et à perdre l’ancrage à notre histoire. Il affirme que la civilisation n’est conquise par d’autres civilisations que si la première est morte de l’intérieur et a perdu le sens de l’histoire. Il évoque un large éventail de phénomènes pour démontrer que la civilisation occidentale est en cours de décomposition : malaise social, critique de soi, consommation de drogue, etc. Mais le phénomène le plus dangereux selon lui pour la civilisation n’est autre que le transhumanisme.
L’homme se retrouve au centre de l’univers et il devient Dieu parce qu’il est la mesure de toute chose et il aspire à la perfection grâce aux techniques et à la science. L’homme s’affranchit de son humanisme, de ses limites biologiques et psychologiques pour se propulser au firmament de l’univers. C’est cela qui gêne Onfrey finalement. Le transhumanisme c’est aussi la fin de l’homme en tant qu’être sacré. Il devient secondaire par rapport à la machine, au virtuel, à l’information, etc.
La crise à laquelle fait référence Onfrey est bien plus profonde que ne pourrait penser Eric Zemmour. A vrai dire, ce n’est pas seulement une crise de l’homme en tant qu’être et destin dont on peut parler aujourd’hui. Mais il y a surtout une crise de la raison occidentale qui à force de vouloir s’échapper de la spiritualité et de Dieu, s’est perdue dans les sentiers escarpés du réel, du rationnel et de ce qui est utile à l’homme. Après tout, le transhumanisme repose en grande partie sur la théorie de l’évolution qui énonce que l’homme évolue sans cesse pour devenir autre chose.
L’inquiétude d’Onfrey peut être expliquée par le défi de Camus qui devient presque incontournable. Pourquoi ne nous suicidons-pas tous ? On ne peut ignorer cet appel de Camus et cet écœurement à l’égard de l’absence de sens de l’existence humaine marquée par des actes répétitifs et désespérants ? Camus nous invite à faire face à l’absurde afin de trouver un semblant de dignité et de manifester sa révolte. Qu’est ce qui nous empêche de se résigner à faire face à l’absurde même si on exprime un sentiment de révolte, peut être désespéré ? La seule chose qui nous permet d’échapper à l’absurde c’est de revenir à une vérité transcendantale et à des valeurs morales éternelles.
Au Moyen Âge, les philosophes chrétiens et musulmans ont cru en des vérités éternelles et immuables et à l’immatérialité des êtres supérieurs. La révélation de Dieu constituait également un solide apport moral que les hommes pouvaient comprendre parce leur conscience se penche de manière innée à cet apport moral.

Je pense que l’Occident fait aujourd‘hui face à une crise de la raison et à une crise morale. La crise a commencé à partir du moment où la raison humaine a été déclarée comme autosuffisante précisément pour se débarrasser de la religion.
Mais cette tâche n’a pas été concluante. Si la raison humaine a la capacité de se référer à une raison universelle et transcendantale, alors elle est puissante, c’est-à-dire qu’elle peut explorer les « fins et les moyens ». Or, si nous lui refusons cette possibilité, en la limitant à l’établissement des liens entre les causes et les effets, entre les moyens et les fins comme ont déclaré Hobbes, Pascal et Hume, elle devient limitée. Par ailleurs, la notion de vérité métaphysique devait progressivement céder la place à la notion de « vérité objective » partant de la possibilité d’objectiver l’expérience a priori grâce aux catégories instaurées par l’entendement humain. Cette notion marque le triomphe de la philosophie kantienne et se situe en rupture avec la transcendance divine.
C’est Kant qui a sécularisé la philosophie et la métaphysique en développant l’idée d’une raison autonome qui appréhende le monde par des catégories qui lui sont intrinsèquement liées. Cette révolution a influencé non seulement Hegel mais aussi Schopenhauer et Nietzsche qui vitupère contre la notion de vérité qui est au cœur de la métaphysique traditionnelle et proclame la « mort de Dieu ». En fait, l’idée de Kant d’autonomiser la raison par rapport à un quelconque ordre sous-jacent au monde qui a été perpétuellement regardé comme Divin, a permis à Hegel, à Schopenhauer et à Nietzsche de créer des « êtres » objectifs qui remplacent Dieu comme ces Absolus de l’Absolu, cette Volonté et cette Volonté de puissance.
La rupture avec la conscience morale occidentale a été consommée par Kant, Hegel et Schopenhauer. Avec ces philosophes, l’être humain ne connait que sa raison objective et il n’y a pour eux rien de transcendantal. Schopenhauer (1788-1860) est un philosophe allemand qui est allé plus loin que Hegel en prônant l’abolition de la théologie et l’identification de la réalité métaphysique à la volonté. Pour lui, il n’y a ni absolu, ni transcendance, ni spiritualité, ni entités immatérielles mais simplement la volonté que notre corps perçoit et seulement cela. Avec l’absolu de Hegel, il y avait comme un pâle reflet de la spiritualité.
En fait Hegel a voulu remplacer la spiritualité transcendantale par une spiritualité interne de l’Absolu entendu comme éternel et infini qui sont des attributs empruntés à la théologie.
En revanche, Schopenhauer a rompu avec tout cela. Cette attitude contraste fortement avec les idées de Spinoza et de Leibniz. Kant a focalisé sur la raison pure seule à même de comprendre le monde sensible. Hegel est revenu à l’Absolu d’une entité universelle et infini.
Quant à Schopenhauer, il n’admet que la volonté comme réalité vivante pour le corps. « Le monde est ma volonté », phrase-symbole de son ouvrage Le monde comme représentation et volonté.
Il croit avoir trouvé le sens véritable de la chose en soi kantienne dans la volonté. Il distingue nettement entre le monde objectif qui est marqué par les relations entre les objets qui est le monde de la représentation et le monde subjectif, perceptible par l’homme marqué par l’existence de la volonté qui est une et intemporelle. Ce monde n’a rien à voir avec le monde phénoménal.
Pour Schopenhauer, ce monde est une simple illusion provoquée par notre système sensoriel qui ne perçoit le monde qu’à travers l’espace et le temps. En revanche, la volonté est quelque chose de réel et d’universelle. Mais cette entité universelle n’est pas Dieu. Elle est seulement là sans but et sans fin et elle est « maudite ».
Il est conforté dans cette certitude par la réalité quotidienne de la souffrance, de la lutte pour la survie et par les incessants conflits. Ce pessimisme est tempéré par la certitude que l’existence humaine n’a aucune fin en soi. La volonté est une malédiction qui s’abat sur nous gratuitement et qui ne peut être vaincue puisque même la reproduction humaine perpétue la souffrance. « L’existence n’est guère autre chose qu’une sorte d’aberration dont la connaissance doit nous guérir. L’homme est déjà dans l’erreur du moment seul qu’il existe et qu’il est homme ».
La connaissance n’intervient que par rapport à la malédiction de la volonté. La recherche du bonheur grâce à la connaissance est étroitement liée aux fins de la volonté. Plus la volonté est puissante, plus la souffrance est grande. La connaissance permet de réduire cette souffrance en réduisant la volonté. Cette vérité, Schopenhauer l’a empruntée de la mystique indienne et de l’idéal ascétique des Indiens. Mais cet ascétisme n’a rien à voir avec les bons sentiments mystiques et religieux. C’est un idéal pessimiste et même désespéré qui perpétue la croyance en une puissance maléfique qui est la volonté et dont les manifestations dans la vie des hommes n’est qu’un amas de souffrances, de déceptions et de malédictions. C’est une philosophie intenable et elle est biaisée comme celle de Nietzsche.
On a l’impression que cette philosophie n’est pas innocente et n’a pas été élaborée à partir d’idées sous-jacentes et bien enracinées dans le savoir humain. C’est une simple attaque contre l’héritage chrétien, voir l’héritage philosophique inventé par les Grecs, renforcé et perpétué par les philosophes musulmans puis développé par les scolastiques et les philosophes de la Renaissance.
Avec Nietzsche, on célèbre l’athéisme mais de manière véhémente et ostentatoire. Avec ce penseur, on découvre tout un programme de récusation de la philosophie occidentale avec ses racines chrétiennes. Il s’y attelle en mettant l’accent sur deux éléments : le premier est la remise en cause des modes du questionnement philosophique et le second n’est autre que la généalogie de la morale.
Ainsi, la civilisation occidentale s’écroule parce que ces penseurs ont voulu détruire la notion d’un Dieu créateur et bienfaiteur. Le transhumanisme que redoute Onfrey a des racines profondes qui remontent à Kant, Schopenhauer et Nietzche. Cette émancipation philosophique de tout ce qui est transcendantal, de métaphysique et de spirituel a entraîné une crise de la raison. Celle-ci tourne désormais autour d’elle-même sans rémission. Ceci apparait non seulement dans ce qui reste de la philosophie mais aussi dans toutes les sciences. Non seulement, la philosophie et la théologie deviennent des domaines séparés et antagonistes, une séparation communément appelée « laïcité » dans certains pays occidentaux mais en plus la raison sera désormais considérée comme opposable à la foi. Cette conviction a été renforcée par l’essor du matérialisme et du darwinisme.
Cette situation a eu des conséquences importantes pour la pensée en Occident. Cependant, nous n’avons pas changé de fusil d’épaule. La crise du transhumanisme est en fait le résultat de l’opposition entre la raison et la foi dans la pensée occidentale. Cette opposition entraîne une crise du rationalisme, les mystères de la physique quantique, les contradictions de la logique, les limites de l’induction et l’inévitabilité de l’empirisme. La science se cherche mais ne trouve nullement d’assise sur laquelle s’appuyer pour fonder ses concepts. En fait, les concepts de la science sont devenus beaucoup plus abstraits. Ils sont réfutables rapidement et ne procurent plus de satisfaction pour les scientifiques. La physique ne progresse plus et les scientifiques justifient cela par les difficultés rédhibitoires de l’unification entre la mécanique quantique et la théorie de la relativité générale.
En réalité, la crise est plus profonde que cela et elle est inhérente à l’absence totale de métaphysique et de conciliation entre la raison et la religion. Alors que Newton et Einstein ont d’abord cherché la place de Dieu dans le monde avant d’élaborer leurs théories, Newton justifie l’existence de Dieu pour expliquer le fait que les corps célestes ne s’écrasent pas entre eux sous l’effet constant de la force gravitationnelle. Il interprète également les notions d’espace et de temps absolus comme des attributs divins.
Quant à Einstein, il n’a pu développer sa théorie de la relativité générale qu’après qu’il ait trouvé grâce à Spinoza que Dieu pouvait être partout dans l’univers. N’oublions pas également Descartes qui s’est appuyé sur la générosité divine pour expliquer et la possibilité de la connaissance et l’origine de la certitude mathématique.
Lorsqu’Einstein disait que le plus incompréhensible et le fait que le monde est compréhensible, en fait il invitait ses interlocuteurs à admirer la possibilité d’une intervention divine dans ce monde et c’est pour la même raison qu’il n’a jamais admis les résultats déraisonnables de la mécanique quantique.
Aujourd’hui même, les physiciens ne parviennent pas à réfuter la théorie du Dessin intelligent ou ce que les philosophes appellent l’Ajustement-Fin (Fine-Tuning) qui est un argument en faveur de l’existence de Dieu.
La solution de la crise de la civilisation occidentale nécessite la réconciliation entre la raison et la foi. L’Islam que combat Zemmour et qu’Onfrey cherche à comprendre en tant que philosophe possède justement une spiritualité (en particulier le soufisme qui est une forme de mystique éclairée et une expérience culturelle et philosophique d’échange et de dialogue avec les autres cultures) qui peut effectivement aider l’Occident à retrouver cette conciliation entre la raison et la foi et une paix de l’esprit. Mais Zemmour gâche tout et n’a pas laissé Onfrey aboutir à cette conclusion nécessaire parce qu’il est obnubilé par la guerre des civilisations et par l’évolution des rapports de force entre l’Occident et l’Islam. Il ne veut pas connaitre l’autre et ne le ménage pas au risque de le blesser.

Eric Zemmour : l’histoire des conflits entre l’Occident et l’Islam et le choc des civilisations

Zemmour explique avec une emphase dramatique ce qu’il appelle les flux et les reflux de l’histoire entre l’Orient et l’Occident ou à proprement parler un choc entre la civilisation orientale et la civilisation occidentale depuis les guerres médiques entre les grecs et les perses. Il souligne qu’après une longue domination occidentale marquée par la puissance des cités grecques puis celle de l’empire romain, l’Orient a pris sa revanche grâce à l’Islam au 7ème siècle. L’Occident n’a réussi à reprendre l’initiative qu’avec la renaissance et la révolution industrielle qui ont abouti à la colonisation du monde musulman. Zemmour prétend que les musulmans ne rêvent que de reprendre leurs conquêtes en Europe, ce qui est reflété, selon lui, par « l’invasion démographique en France ».
Cette vision prétendument inscrite sur la longue durée s’inspire de celle de l’orientaliste américain, Bernard Lewis. Dans un article dont le titre est What went wrong ? (Que s’est-il passé ?-1993), de dernier nous livre quelques idées sur les débuts des défaites militaires chez les musulmans. « Avec la fin du 15ème siècle, les peuples de la péninsule Ibérique, d’une part, et de la Russie, d’autre part, ont vaincu leurs anciens dominateurs musulmans. Aux deux extrémités de l’Europe, la reconquête s’est transformée en conquête et avec le temps, en une domination mondiale ».
Selon Lewis, l’Islam a été une menace séculaire pour l’Europe. A deux reprises, le continent européen est presque tombé sous la domination des musulmans.
La première fois au 8ème siècle, avec les conquêtes arabes en Afrique du Nord, en Espagne et en Sicile et la seconde fois avec la conquête des Balkans par les Ottomans au cours du 14ème siècle. Une autre avancée remarquable fut celle des Mongols convertis à l’Islam qui ont dominé la Russie au 13ème siècle.
Pour Lewis, à partir du moment où le vent a tourné et que l’initiative stratégique appartenait désormais aux occidentaux, la domination islamique a commencé à décliner. Il y a eu donc un renversement des rapports de force entre les deux civilisations en faveur de l’Occident au 15ème siècle.
Lewis nous explique que la forte concurrence entre les Etats européens qui sont parvenus progressivement à remplacer les Etats du Moyen Orient comme principaux exportateurs de produits agricoles (coton, sucre) à tous les pays du monde (Nouveau Monde, Asie, Moyen Orient) après qu’ils aient réussi à créer des colonies tropicales et sous-tropicales et l’expansion commerciale des pays européens qui s’est étendue aux textiles et autres produits manufacturés, a permis le renforcement de leur domination politique et économique. Selon Lewis la domination occidentale de l’Occident sur l’Orient a été favorisé par l’accès de l’Occident à de vastes ressources en capital et en métaux pour le numéraire (or et argent) provenant du Nouveau Monde ainsi que par la découverte de nouvelles routes entre l’Europe et l’Inde et entre la Chine et l’Europe par la voie terrestre (Russie). Lewis évoque ensuite l’avancée européenne à la fois en Europe, au Sud de l’Asie et au nord de la Russie qui a mis les peuples du Moyen Orient sur la défensive.
Jusqu’ici Lewis nous retrace le renversement des rapports de force entre l’Occident et l’Orient musulman sur un plan strictement historique même s’il met l’accent sur la menace que représente l’Islam pour l’Occident.
Mais c’est avec le livre de Samuel Huttington que l’analyse des relations entre Orient et Occident sera faite sous un angle culturel, religieux et civilisationnel. Zemmour fait nettement référence à cet auteur pour justifier sa théorie de la guerre des civilisations en France.
Samuel Huttington a associé les conflits entre nations à un choc de civilisations. Dans son livre The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order paru en 1996, il stipule que depuis la fin de la guerre froide, ce sont les identités et la culture qui engendrent les conflits et non les idéologies dans la mesure où ce sont les civilisations qui sont les véritables acteurs et qui représentent des entités larges sur la scène internationale et non les Etats.
Il y a quelque chose de nocif dans cette notion de choc des civilisations. Huttington veut montrer que dans les civilisations, y compris la civilisation islamique, il y a des valeurs qui sont porteuses de conflits avec les autres civilisations. Or, il surestime beaucoup les civilisations à l’heure actuelle qui sont dépourvues de force et de puissance en raison de leur long déclin. Huntington a fourni une pensée unique sur le fait que l’Islam serait une « menace » pour l’Occident.
En fait, la plus grande force d’une civilisation n’est pas uniquement le système des valeurs et la culture qui y règnent mais aussi et surtout la vivacité de ses forces scientifiques et techniques et une économie forte.
La Chine aujourd’hui l’a bien compris. Elle place la science au centre de l’Etat-civilisation qu’elle appelle de ses vœux sans reprendre le dogme libéral. La célébration du 100e anniversaire du mouvement de mai 1999 a donné l’occasion au président Xi Jinping de réclamer dans un discours l’instauration d’une civilisation basée sur la science et l’abandon de la culture confucéenne accusée d’être une culture de soumission et non de progrès. En 1919, des élites de différents groupes politiques ont appelé à une modernisation en scandant les slogans « M. Science et M. Démocratie » à travers la promotion d’une littérature dédiée à des esprits libres.
Par ailleurs, et contrairement à ce que pense Huttington, les valeurs et les systèmes culturels et religieux ne dissuadent pas les civilisations de s’affronter. Il n’est pas dit que des civilisations qui partagent des valeurs et des identités communes ne sont pas amenées à s’affronter. L’histoire est pleine d’exemples de conflits entre civilisations partageants des identités communes : la guerre entre la Prusse et l’Autriche en 1866, les guerres balkaniques du début du XXe siècle (les Bulgares contre les Serbes), les guerres atroces entre Byzantins et Slaves au Moyen Âge pourtant tous les deux de confession orthodoxe ; la guerre de Crimée (1856), et puis la première et la deuxième guerre mondiale. Plus récemment, il y a eu la guerre Iran-Irak (1980-1988).
A contrario, il y a eu des alliances entre des civilisations n’ayant pas les mêmes caractéristiques culturelles. On peut citer dans ce registre l’Alliance entre François I et Soliman le Magnifique contre les Habsbourg (XVIe siècle) ; l’Alliance entre la France de Richelieu et les Ottomans contre le Saint empire romain germanique (durant guerre de trente ans); le soutien de la France (puissance catholique) aux protestants contre Ferdinand II (empereur catholique) durant la guerre de trente ans jusqu’à 1648 et l’Alliance entre la Turquie, la Grande Bretagne et la France contre la Russie durant la guerre de Crimée.
Il y a eu même l’échec de tentatives pour créer des alliances entre des pays partageant la même culture comme l’Alliance « teutonique » entre la Grande Bretagne, l’Allemagne et les Etats-Unis préconisée en 1899 par Joseph Chamberlain. Finalement, Huntington a abordé le choc des civilisations en termes d’histoire des cultures (approche culturaliste) et non pas en termes d’histoire stratégique, ce qui est rédhibitoire et antihistorique.
Alors que la théorie du choc des civilisations ne reflète pas nécessairement l’histoire des relations internationales et celle des civilisations, voilà que Zemmour veut l’appliquer à un pays comme la France. Il considère qu’il y a un choc des civilisations entre français de souche et musulmans dans un seul pays et dans une même civilisation, ce qui n’a rien à avoir avec un choc entre des civilisations.
A vrai dire, il considère les musulmans de France comme les agents d’une civilisation expansionniste et dominatrice. C’est une conjecture qui est simpliste puisque comme le dit Onfrey, il y a une diversité de communautés musulmanes en France qui ne sont pas représentatives d’une civilisation externe.
Même s’il y a des influences et des intérêts partagés, il n’en demeure pas moins qu’il y a des rivalités entre les pays musulmans eux-mêmes qui ne sont pas de nature à rapprocher les membres de la communauté musulmane au sein d’une seule et unique communauté civilisationnelle.
Malheureusement, Zemmour ne s’arrête pas à ce constat sur le choc des civilisations, il reprend la grille d’analyse de Lewis et évoque un reflux de l’histoire propulsé par la démographie qui est galopante en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne et qui risque de renverser la civilisation occidentale et la France en particulier. Il est donc primordial pour lui de mettre fin à l’immigration (aussi bien légale qu’illégale).
Il y a comme une confusion entre le débat civilisationnel et le débat technique sur l’immigration. Or, l’immigration et l’assimilation ne sont pas la même chose. Zemmour y ajoute la stigmatisation outrancière des musulmans.
Soyons plus clairs : Il y a des années que les administrations françaises luttent contre l’immigration clandestine et même légale et contre les fraudes et toutes sortes d’activités illicites concernant l’immigration. La France a déjà arrêté l’immigration depuis des années. Il y a juste quelques aménagements temporaires en raison de situations particulières. Si Zemmour parle d’un durcissement supplémentaire, son discours pourrait s’arrêter là. Or, il lui ajoute des choses effroyables comme la francisation des prénoms des enfants, la suppression de l’aide au développement destinée aux pays maghrébins pour je ne sais quelle raison (cette mesure n’a rien à avoir avec la lutte contre l’immigration. Bien au contraire, elle la complique). Je pense que son problème c’est avec l’Islam selon une logique d’extrême-droite et d’un nouveau type de nationalisme civilisationnel.

Islam et islamisme

Onfrey trace une ligne de démarcation nette entre l’Islam et l’islamisme, une démarche assez pédagogique et salutaire. Il précise qu’il y a des versets qui reflètent les bons sentiments moraux et qu’il est très difficile de parler de versets médinois et mecquois car une telle distinction est une invention de l’orientalisme allemand. Il est souhaitable de creuser davantage cette idée en mettant de l’ordre dans ce que nous disons sur le Coran.
Les versets du Coran reflètent une grande esthétique qui dépasse de loin l’art poétique comme l’atteste ce verset 74 de la sourate Al baqara « Puis, et en dépit de tout cela, vos cœurs se sont endurcis ; ils sont devenus comme des pierres ou même plus durs encore ; car il y a des pierres d’où jaillissent les ruisseaux, d’autres se fendent pour qu’en surgisse l’eau, d’autres s’affaissent par crainte d’Allah. Et Allah n’est certainement jamais inattentif à ce que vous faites ».
Dans ce verset, la comparaison entre les cœurs des mécréants à des pierres tout en relativisant la dureté des pierres en évoquant les ruisseaux qui peuvent en jaillir reflète une très belle image esthétique.
Il y a aussi des versets eschatologiques sublimes : « Ô Marie ! dirent-ils, “tu as accompli une chose monstrueuse. [Marie] fit un signe vers [l’enfant], … “comment”, dirent-ils, “parlerions-nous à un enfançon qui est au berceau ? “. Mais [l’enfant] a dit : Je suis serviteur d’Allah. … Il m’a donné l’Ecriture et m’a fait Prophète. Que le salut soit sur moi le jour où je naquis … le jour où je mourrai et le jour où je serai rappelé vivant”. Dans ces versets, il y a l’évocation d’un miracle. Jésus a parlé alors qu’il était un enfant au berceau. Ensuite, ce qu’il a dit récapitule en une phrase toute sa vie et toute sa mission.
Le Coran est un Livre de Dieu destiné à la prophétie et au salut des musulmans et de toute l’humanité. Il y a des versets qui le démontrent comme ceux-ci : « Mais ils dirent : Voilà plutôt un amas de rêve. Ou bien il l’a inventé. Ou c’est plutôt un poète » ; « Le Coran] n’est pas la parole d’un poète, mais vous ne croyez que rarement». Ces versets sont venus réfuter les allégations des premiers adversaires de l’Islam, les qurayshites qui considéraient les versets du Coran comme des paroles inspirées par le génie des poètes.
Ensuite, il y a une robustesse et une cohérence du discours divin renfermé dans le Coran qui reflètent l’unicité divine. Le discours divin est lié à la transcendance et à l’infini contrairement au discours scientifique basé sur l’individualité de l’entendement humain qui est finie et limitée.
Certains scientifiques et philosophes ont compris toute la portée de cette différence en admettant que c’est la puissance divine, transcendante et infinie, qui permet d’expliquer les fondements mêmes de la pensée humaine qui ne peut à elle seule rencontrer l’infini.
Nous pouvons juste donner deux exemples qui sont tirés de l’expérience scientifique particulièrement édifiante de deux savants, Gorge Cantor et Isaac Newton. Le premier a découvert que l’existence des nombres infinis engendre des contradictions mathématiques au point de provoquer un effondrement des mathématiques et de la logique. La seule solution pour lui d’éviter ces contradictions est de reconnaitre l’existence d’une super-infinité qui est Dieu.
Newton a rencontré une difficulté similaire pour comprendre pourquoi les planètes ne s’écrasent pas entre elles en raison de la force de la gravitation et pour expliquer le caractère fixe et immuable de l’espace et du temps absolus. C’est l’existence de Dieu qui permet, selon lui, de résoudre les difficultés inhérentes à ces concepts scientifiques.

Par conséquent, la pensée humaine est inexorablement limitée pour prétendre décortiquer et d’interpréter la parole divine présentée dans le Coran sans l’aide de cette parole divine et en recourant seulement aux outils de la science moderne. Contrairement à tous les discours humains dans le monde moderne marqués par le doute et le relativisme, la cohérence et la robustesse du Coran sont immunisés contre toute tentative d’interprétation hasardeuse.
La robustesse du texte coranique est le corollaire de l’assurance divine de son intégrité. Voici un verset qui montre que l’homme est porté vers des interprétations hasardeuses alors que le texte coranique est robuste et cohérent : « C’est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre : il s’y trouve des versets sans équivoque, qui sont la base du Livre, et d’autres versets qui peuvent prêter à d’interprétations diverses. Les gens, donc, qui ont au cœur une inclination vers l’égarement, mettent l’accent sur les versets à équivoque cherchant la dissension en essayant de leur trouver une interprétation, alors que nul n’en connaît l’interprétation, à part Allah. Mais ceux qui sont bien enracinés dans la science disent : « Nous y croyons : tout est de la part de notre Seigneur !» Mais, seuls les doués d’intelligence s’en rappellent ».
Malgré la richesse de son contenu et la complexité de son articulation, le texte coranique est cohérent et nous pouvons en tirer les axes majeurs de l’enseignement qu’il porte et que nous pouvons résumer :
– Une stricte moralité qui régit le comportement du Musulman qui doit ordonner le bien et interdire le mal et poursuivre la justice et la charité. Le premier devoir du Musulman est de croire en Dieu et de ne reconnaître aucun associé : « Et lorsque Luqmân dit à son fils tout en l’exhortant : « O mon fils, ne donne pas d’associé à Allah, car l’association à [Allah] est vraiment une injustice énorme. Nous avons commandé à l’homme [la bienfaisance envers] ses père et mère ; sa mère l’a porté [subissant pour lui] peine sur peine : son sevrage a lieu à deux ans. « Sois reconnaissant envers Moi ainsi qu’envers tes parents. Vers Moi est la destination ». « O mon enfant accomplis la Salât, commande le convenable, interdis le blâmable et endure ce qui t’arrive avec patience. Telle est la résolution à prendre dans toute entreprise ! Et ne détourne pas ton visage des hommes, et ne foule pas la terre avec arrogance : car Allah n’aime pas le présomptueux plein de gloriole».

  • Une transcendance spirituelle et eschatologique qui fait connaitre Dieu aux hommes et leur commande une obéissance absolue : « Et c’est devant Allah que se prosterne tout être vivant dans les cieux, et sur la terre ; ainsi que les Anges qui ne s’enflent pas d’orgueil » « A Allah appartient la royauté des cieux et de la terre. Il donne la vie et Il donne la mort. Et il n’y a pour vous, en dehors d’Allah, ni allié ni protecteur ». « Votre Seigneur est, Allah qui créa les cieux et la terre en six jours, puis S’est établi « Istawâ » sur le Trône, administrant toute chose. Il n’y a d’intercesseur qu’avec Sa permission. Tel est Allah votre Seigneur. Adorez-Le donc. Ne réfléchissez-vous pas ? ». « Mais ils ne se rappelleront que si Allah veut. C’est Lui qui est Le plus digne d’être craint ; et c’est Lui qui détient le pardon » ; « Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent »
  • Un discours historique qui montre à l’homme une origine étroitement liée à la transcendance divine et qu’il est le fils d’Adam. Cette origine permet la reconnaissance des fils d’Adam à la fin des temps. Ce discours historique fait référence également à la vie des autres prophètes de Dieu : « Et quand ton Seigneur dit aux anges : « Lorsque Ton Seigneur confia aux Anges : « Je vais établir sur la terre un vicaire « Khalifa ». Ils dirent : « Vas-Tu y désigner un qui y mettra le désordre et répandra le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier ?» – Il dit : « En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas !» ».
    « Et quand ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d’Adam et les fit témoigner sur eux-mêmes : « Ne suis-Je pas votre Seigneur ?» Ils répondirent : « Mais si, nous en témoignons…» – afin que vous ne disiez point, au Jour de la Résurrection: «Vraiment, nous n’y avons pas fait attention» . « Nous avons déjà apporté à Moïse et Aaron le Livre du discernement (la Thora) ainsi qu’une lumière et un rappel pour les gens pieux, qui craignent leur Seigneur malgré qu’ils ne Le voient pas, et redoutent l’Heure (la fin du monde). Et ceci [le Coran] est un rappel béni que Nous avons fait descendre. Allez-vous donc le renier ?
    En effet, Nous avons mis auparavant Abraham sur le droit chemin. Et Nous en avions bonne connaissance».
  • Un humanisme unique en son genre. Ce verset exprime pleinement un humanisme d’origine transcendantale d’une pureté absolue qui n’a pas d’égale dans ce bas-monde : « Pense-t-il que personne ne pourra rien contre lui ? Il dit : « J’ai gaspillé beaucoup de biens ». Pense-t-il que nul ne l’a vu ? Ne lui avons Nous pas assigné deux yeux, et une langue et deux lèvres ? Ne l’avons-Nous pas guidé aux deux voies. Or, il ne s’engage pas dans la voie difficile ! Et qui te dira ce qu’est la voie difficile ?
    C’est délier un joug [affranchir un esclave], ou nourrir, en un jour de famine, un orphelin proche parent ou un pauvre dans le dénuement. Et c’est être, en outre, de ceux qui croient et s’enjoignent mutuellement l’endurance, et s’enjoignent mutuellement la miséricorde».
  • Une vision du salut qui promet au Musulman le Paradis et lui enseigne comment éviter l’Enfer. Ces deux lieux ultimes pour la destinée humaine sont décrits de manière assez détaillée dans le texte coranique : « Quand l’événement (le Jugement) arrivera, nul ne traitera sa venue de mensonge. Il abaissera (les uns), il élèvera (les autres). Quand la terre sera secouée violemment, et les montagnes seront réduites en miettes, et qu’elles deviendront poussière éparpillée alors vous serez trois catégories : les gens de la droite – que sont les gens de la droite ? Et les gens de la gauche – que sont les gens de la gauche ? Les premiers (à suivre les ordres d’Allah sur la terre) ce sont eux qui seront les premiers (dans l’au-delà) Ce sont ceux-là les plus rapprochés d’Allah dans les Jardins des délices, une multitude d’élus parmi les premières [générations], et un petit nombre parmi les dernières [générations], sur des lits ornés [d’or et de pierreries], s’y accoudant et se faisant face».
  • Une cosmogonie qui rappelle au Musulman comment Dieu a crée l’Univers. Une telle création ne souffre d’aucune possibilité de réfutation : « Dis : « Renierez-vous [l’existence] de celui qui a créé la terre en deux jours et Lui donnerez-vous des égaux ? Tel est le Seigneur de l’univers, c’est Lui qui a fermement fixé des montagnes au-dessus d’elle, l’a bénie et lui assigna ses ressources alimentaires en quatre jours d’égale durée. [Telle est la réponse] à ceux qui t’interrogent. Il S’est ensuite adressé au ciel qui était alors fumée et lui dit, ainsi qu’à la terre : « Venez tous deux, bon gré, mal gré ». Tous deux dirent : « Nous venons obéissants ». Il décréta d’en faire sept cieux en deux jours et révéla à chaque ciel sa fonction. Et Nous avons décoré le ciel le plus proche de lampes [étoiles] et l’avons protégé. Tel est l’Ordre établi par le Puissant, l’Omniscient».
  • Une explication « finaliste » et trans-scientifique d’une partie de la création comme utile à l’homme.
    On entend par trans-scientifique, un dépassement de la science puisque cette dernière ne peut pas comprendre que certaines choses de la nature ont été crées pour l’homme. La science rejette le finalisme en nous montrant une existence gratuite, sans finalité et sans essence de l’Univers : « C’est Lui qui, du ciel, a fait descendre de l’eau qui vous sert de boisson et grâce à laquelle poussent des plantes dont vous nourrissez vos troupeaux. D’elle, Il fait pousser pour vous, les cultures, les oliviers, les palmiers, les vignes et aussi toutes sortes de fruits. Voilà bien là une preuve pour des gens qui réfléchissent. Pour vous, Il a assujetti la nuit et le jour ; le soleil et la lune. Et à Son ordre sont assujetties les étoiles. Voilà bien là des preuves pour des gens qui raisonnent.
    Ce qu’Il a créé pour vous sur la terre a des couleurs diverses. Voilà bien là une preuve pour des gens qui se rappellent. Et c’est Lui qui a assujetti la mer afin que vous en mangiez une chair fraîche, et que vous en retiriez des parures que vous portez. Et tu vois les bateaux fendre la mer avec bruit, pour que vous partiez en quête de Sa grâce et afin que vous soyez reconnaissants. Et Il a implanté des montagnes immobiles dans la terre afin qu’elle ne branle pas en vous emportant avec elle de même que des rivières et des sentiers, pour que vous vous guidiez, ainsi que des points de repère. Et au moyen des étoiles [les gens] se guident. ». Il y a aussi une référence à la théorie du dessin intelligent.
    L’infaillibilité du texte coranique s’accompagne de l’infaillibilité de la création divine : « Vous ne verrez pas le moindre défaut dans la création du Miséricordieux. Tournez vos yeux : Y détectez-vous la moindre faille ».
    Ces axes représentent à eux seuls des mondes ontologiques et spirituels qui ne se contredisent pas entre eux. La cohérence du texte coranique est complète et ne souffre d’aucune incertitude. La Parole Divine est permanente et transcendantale et elle embrasse tous ces axes majeurs de la révélation coranique. Le fait que nous ayons pu résumer tous les axes du texte coranique sans prétendre à aucune exhaustivité reflète sa robustesse et la solidarité entre ces différentes séquences (moralité religieuse, transcendance spirituelle, discours historique, l’humanisme, discours du salut, cosmogonie) tout en étant autonomes.
    Ces séquences ne sont pas fragmentées au hasard tout au long du texte coranique. Elles sont au contraire bien ajustées pour offrir au croyant une praxis, une voie à suivre et un tableau cohérent de l’existence du monde et de sa propre destinée. Par ailleurs, ces séquences eschatologiques sont complètement intelligibles sans l’aide d’aucun instrument cognitif ou une théorie moderne. Une lecture pieuse de ce texte ne peut supporter une analyse critique ou des interprétations hasardeuses qui ne reposeraient pas sur la révélation coranique elle-même.
    Nous avons seulement montré ce qu’il y a d’important dans le texte coranique en apportant une contribution qui va dans le sens de ce qu’a dit Onfrey mais avec une précision de taille : la république ne peut pas prélever ce qu’elle veut dans le Coran parce que dans ce domaine elle a affaire à Dieu lui-même puisque la révélation est la parole ex-abrupto de Dieu. Il suffit juste d’admirer la beauté, l’eschatologie, l’esthétique, les discours moral, historique, cosmogonique et trans-scientifique du Coran en admettant la richesse de l’Islam abstraction faite des faits et gestes des individus et d’accepter l’Islam comme l’une des religions nationales de France.

L’hostilité de Zemmour envers l’Europe : ignorance de l’histoire de l’équilibre des forces

Le petit cours d’histoire donné par Zemmour sur la défaite de la France en 1870 devant la Prusse qui contraste avec toutes les victoires des Anglais sur le continent est un peu court. En réalité, la Grande-Bretagne a pratiqué pendant des siècles une politique d’équilibre des forces sur le continent, seule à même de protéger son territoire et empêcher une puissance hégémonique de dominer l’Europe et de menacer l’indépendance de l’Angleterre. A vrai dire, c’était la seule politique réaliste et possible dans un monde anarchique et dangereux. Ce fut le cas lorsque Louis XIV a lancé ses campagnes militaires sur les Flandres et lorsque Napoléon Bonaparte a lancé sa grande armée contre l’Autriche, la Prusse et la Russie.
Lors de la réunification de l’Allemagne en 1871, la France n’a pas opté pour une politique de ce genre (équilibre des forces). Bien au contraire, Napoléon III a fait la guerre à l’Autriche pour aider l’Italie à se réunifier, au lieu d’empêcher l’Allemagne de se réunifier. Il est vrai que l’Allemagne ainsi devenue la plus grande puissance en Europe ne pouvait plus être vaincue par un seul pays ou une petite coalition, ce qui a amené finalement la Grande-Bretagne à rompre avec sa vieille et belle recette « diviser pour régner » et à rejoindre une grande coalition militaire (avec la Russie et la France) contre l’Allemagne, ce qui a provoqué la première guerre mondiale (1914-1918).
L’invasion de la France et de presque toute l’Europe par l’Allemagne hitlérienne (1939-1940) n’a été que la continuation de cette politique désastreuse des coalitions. Après la libération de l’Europe, les Européens sages et démocrates ont compris que seule une Union des nations européennes pouvait prévenir des guerres meurtrières en Europe dans un contexte marqué par l’inefficacité de l’équilibre des forces et l’apparition sur la scène mondiale de superpuissances océaniques et continentales (États-Unis et Union Soviétique).
Seule une Europe Unie pouvait exister, s’exprimer et garantir la paix en Europe. Malheureusement pour l’Europe de la défense, le vieux vestige de la guerre froide entre les deux superpuissances n’a pas disparu.
De même les ennemis d’hier ne sont pas vraiment les amis d’aujourd’hui (Etats-Unis et Russie). A cela s’ajoute l’apparition sur la scène mondiale d’une nouvelle superpuissance, la Chine.
Le Royaume-Uni après le Brexit a toujours le souvenir, même de manière inconsciente, de l’équilibre des forces qui devrait être remis au goût du jour si les choses vont se gâter. A cela s’ajoute, l’esprit insulaire caractéristique des Anglais. Zemmour prétend que la France est isolée aujourd’hui et garde le souvenir de sa défaite face à l’Allemagne. Elle devrait, selon lui, sortir de l’Union européenne pour gagner en puissance, chercher de nouveaux alliés, etc. dans le cadre d’un Frexit. Mais une telle stratégie est illusoire car seule une Europe unie pourrait défendre le continent européen. La France toute seule ne pourra pas. Zemmour marche à courant de l’histoire.
Quant à l’idée d’une Europe civilisationnelle de l’Atlantique à l’Oural célébrée par Onfray c’est plus une utopie car elle ne tient pas compte de la fierté et de l’identité de nations.

Conclusion : quel avenir pour la France avec l’extrême-droite

On voit bien qu’après cette longue analyse que Zemmour est un nationaliste d’extrême-droite et islamophobe qui pointe vers des adversaires qui sont loin d’être des adversaires. La vision d’extrême-droite de Zemmour se heurte à l’héritage occidental en plus du principe que nous aspirons à instaurer qui est celui de la diversité et du droit à la différence.
Dans un livre intitulé “La fin de l’histoire et le dernier homme” (1992) Francis Fukuyama lance l’idée qu’il n’existe plus d’alternative à la démocratie libérale et il veut démontrer que l’évolution de l’histoire universelle conduit inexorablement à cette idéologie qui devient ainsi la forme politique ultime de l’humanité.

Selon lui, ce sont le capitalisme et la liberté de pensée qui maintiennent les Etats dans la course scientifique et technique.

Pour démontrer un tel processus historique, Fukuyama propose une exégèse philosophique en s’inspirant de la philosophie de Hegel qui à travers la dualité homme-esclave énonce que le but ultime de l’individu n’est autre que la reconnaissance. Pour lui, seule la démocratie libérale parvient à satisfaire ce désir de reconnaissance en établissant l’égalité de tous et l’abolition des maîtres despotiques. Il ne reste plus que la politique pour assouvir ce désir. Le système capitaliste protégé et promu par la démocratie libérale permet de créer des générations satisfaites de leur ego et de leur statut social qui seront ainsi dissuadés de verser dans une carrière politique manifestement dangereuse et incertaine. La crainte de Fukuyama se réalise avec le cas Zemmour.
Par ailleurs, si Fukuyama a raison, que reste-t-il alors à la France avec le discours et le programme de Zemmour ? Ni liberté de pensée puisque les voix des anti-Zemmour sont soit étouffées, soit filtrées par les médias, ni de reconnaissance puisqu’une partie de la population en France est stigmatisée, ni de démocratie libérale puisque les musulmans ne sont pas représentés politiquement en France contrairement à leurs adversaires de l’extrême-droite, ni d’égalité entre tous puisque ce polémiste trace une ligne de démarcation entre musulmans et français. De plus, Zemmour veut que la République soit implacable. Ainsi, il n’y aura plus de démocratie libérale. Onfray a eu raison de dire que si la République devient implacable, s’en est fini de la France.

Rafik Hiahemzizou, Philosophe et essayiste
E-mail : hiahemzizourafik@gmail.com

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À propos de l'auteur Strategika 51

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