Une crise à 360°

Une crise à 360°

Crise avec le Royaume de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sur fond de Brexit, crise avec les États-Unis d’Amérique suite au torpillage du contrat des submersibles australiens, crise avec  l’Australie, crise sourde avec la Suisse, crise diplomatique bruyante avec l’Algérie suite aux propos de Macron niant l’existence de cette dernière avant 1830, crise avec l’Italie sur  le dossier libyen, crise bruyante avec le Mali sur fond d’échec de l’opération Barkhane dans le format actuel et l’intrusion du groupe PMC Wagner, crise grave avec la Chine suite aux propos belliqueux du ministre Le Drian à l’égard de Beijing, crise avec la République Centrafricaine, crise avec le Rwanda, crispation avec la Turquie et l’Iran…En espace de quelques semaines, la politique étrangère de Paris semble suivre un parcours pour le moins irrationnel, ayant conduit à des convocations et rappels de plénipotentiaires, des actions de représailles redoutables des services de Sa Majesté britannique, la fermeture de l’espace aérien et maritime de l’Algérie aux aéronefs et navires militaires français, à un rapprochement du Mali avec Moscou et à la jubilation du Grand Turc.

L’idéologie pro-européiste a faussé le raisonnement de Paris dans ses relations avec Londres. Menacer les Britanniques et tenter d’exercer sur eux une sorte de chantage en guise de punition pour ce que la France perçoit comme un crime (le Brexit) était la stratégie la plus mauvaise qui soit. Cela ne pouvait que provoquer la Perfide Albion et réveiller cet indomptable esprit de combat britannique qui se manifeste souvent par une extraordinaire capacité de nuisance. Derrière son air de clown (qui déclame néanmoins l’Odyssée d’Homère en Grec ancien), Boris Johnson a démontré la survivance de l’art ancestral du sabotage britannique. La perte d’un important contrat de submersibles pour l’industrie de défense française porte la signature de l’Anglais. Un Anglais tellement brillant en la matière que les Français n’ont même pas pu l’accuser en tant que coupable et se sont rabattus sur une agitation d’image avec le suzerain américain- agitation qui a cessé d’un coup suite à un simple appel téléphonique de Joe Biden à Emmanuel Macron, et avec l’Australie dont les relations avec Paris n’ont jamais figuré sur sa liste de priorité. L’Angleterre est en déclin tout comme la France mais elle a su garder sa légendaire capacité de manipulation. Paris peut continuer à menacer Jersey par des réductions d’énergie électrique ou par des mesures administratives sans fin dans la plus pure tradition eurocrate. Le mal est fait.

Washington ne dispose pas de la finesse pour le mal dont l’Anglais semble naturellement doué. l’Américain fait du bruit et fonce dans le tas sans trop se soucier de la porcelaine. Sa défaite humiliante en Afghanistan (qui est également celle de tous ses alliés) lui a fait perdre un certain confort inhérent à tous seigneur. Washington ne badine pas avec les [grosses] affaires. Le pacte AUKUS était un coup double ( in fine c’est la Chine qui est la cible) et une leçon pour une France qui fait les frais d’un petite intrusion dans le monde anglo-saxon où l’art de vous faire dépouiller est de très haut vol et dépasse de loin les pratiques mafieuses archaïques des latins.

Les Helvètes sont si discrets et peu enclins à s’agiter que Paris n’a rien pu dire en public. Après tout les Suisses, fort jaloux de leur neutralité, ne se laisseront jamais dicter quoique ce soit par la France. Surtout pas le choix d’un système d’arme. Dossier clos.

Comme si tout ceci n’est pas suffisant, Emmanuel Macron a trouvé le temps de provoquer une autre crise diplomatique avec un acteur méditerranéen fort susceptible et bruyant : l’Algérie. Sur fond d’un manque de coopération d’Alger dans l’expulsion de personnes faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, Paris décide de déclarer une réduction drastique des visas pour les ressortissants de trois pays d’Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie) avec pour référence l’année 2020, l’année COVID-19 durant laquelle les services consulaires français n’avaient délivré presque aucun visa pour ces pays pour cause de fermeture. Une mesure d’annonce destinée exclusivement à un certain électorat en France en prévision des présidentielles de 2022. Alger riposte immédiatement en convoquant l’ambassadeur de France à Alger. Les choses auraient pu s’arrêter à ce point mais le journal Le Monde rapporte des propos attribués à Macron lors d’une rencontre avec les petits-enfants d’acteurs de la Guerre d’Algérie où il aurait affirmé que la reduction de visa visaient les officiels algériens et que le régime algérien “politico-militaire” vivait d’une rente mémorielle basée sur un antagonisme avec la France avant de s’interroger sur l’existence d’une nation algérienne avant 1830. Au passage Macron décoche une critique au Grand Turc. Pour Alger son dernier propos sur l’existence d’une nation algérienne est un élément de propagande usée repris par son entourage et c’est Benalla qui est visé. Cette thèse est aussi celle de certains nostalgiques ultras de l’Algérie française. Alger rappelle son ambassadeur à Paris pour consultation et ferme sans aucun préavis son espace aérien aux aéronefs militaires français puis une journée plus tard les ports aux navires de guerre portant pavillon français. D’un point de vue algérien, les déclarations de Macron sont une erreur monumentale à plus forte raison que la France séquestre 97% des archives historiques algériennes sans aucune possibilité d’accès (les 3% restant à la disposition d’Alger sont également interdites d’accès). Alger se rapproche de l’Italie qui attendait la France au tournant, exerce son influence au Mali où le Premier ministre venait d’accuser Paris de “lâchage” en pleine tribune des Nations Unies et tente de persuader la Tunisie et la Mauritanie de fermer leur espaces aériens respectifs aux aéronefs des Opex françaises au Sahel. À première vue, Macron aurait sous-estimé l’extrême complexité des relations avec l’Algérie mais son attitude est très calculée dans trois directions: le contexte électoral interne d’une France rétive au changement selon ses propres propos (et par conséquent épouser une thématique porteuse par realpolitik) ; prendre position pour une faction dans une lutte interne du pouvoir en Algérie et troisièmement soutenir le Maroc dans sa rivalité avec Alger en reprenant mot pour mot les éléments de langage de la propagande anti-algérienne des factions les plus dures du régime marocain. En gros c’est ce que l’on appelle au Maghreb, “glisser au Hammam”.

Au Sahel, les choses s’annoncent plus difficiles pour Paris. Ce dernier pré-carré colonial de la France est le théâtre d’un conflit de basse intensité que l’approche militaire a aggravé au plus haut point. L’intrusion du groupe PMC Wagner au Mali après la Libye et la république Centrafricaine constitue une nouvelle évolution dans ce qui s’apparente à une stratégie asymétrique et hybride d’acteurs para-étatiques liés à la stratégie de redéploiement russe dans certaines régions du monde. Cette évolution assez surprenante a pris de cours Paris dont le conservatisme stratégique souffre d’une paralysie structurelle imperméable à toute forme de changement.

La Russie n’est pas le seul acteur à s’introduire en Afrique. Le Sahel faisait l’objet d’un intérêt croissant entre Washington et Beijing depuis les années 2003-2005. La Turquie est le dernier acteur à s’introduire en Afrique à travers la Libye, un portail qui lui ouvre de grandes perspectives en Afrique occidentale.

En fin de compte, la politique étrangère suivie par Paris ressemble de plus en plus à celle de la Turquie il y a quelques années lorsque celle-ci s’est retrouvée en crise avec l’ensemble de ses voisins alors qu’elle préconisait une politique de 0 ennemi. En réalité la France n’arrive plus à assimiler les évolutions d’un monde aux contours changeants et mouvants. Les élites au pouvoir semblent obsédés par des échéances électorales dont le cadre et l’enjeu demeurent figées comme un bas-relief égyptien antique. Macron semble ne pas supporter une probable rivalité d’un prétendant descendant des juifs barbaresques de l’ancienne Régence d’Alger ou Al-Djezaïr (un comble!) avec laquelle la France était alliée depuis le temps de François Ier. Cette Régence qui a mal accueilli un navire français venu lui annoncer la Révolution française et le changement du pavillon du Roi par la cocarde tricolore en 1792 car les Algériens estimaient à l’époque qu’il n’y avait aucun bien à attendre d’une populace qui décapite son Roi (Louis XVI). Macron en tant que président de la République française en 2021 a t-il accès aux archives historiques? Une rumeur persistante fait état du contraire puisque cet accès est interdit même aux Chefs de l’État en France. Qui gouverne réellement en France? Personne n’est en mesure de répondre à cette question. Comme dans d’autres pays, le président n’est qu’un figurant d’un système opaque basés sur des réseaux secrets. Trump en a fait les frais lorsqu’il fut coupé en pleine conférence de presse avant de se faire bannir des réseaux sociaux. Tout pouvoir est un mystère. C’est une crise à 360° causée en partie par des castes avides ayant substitué le concept de nation à celui de coteries mafieuses et corrompues visant le profit et rien que le profit. Ces castes sont capables de provoquer un génocide pour sauvegarder leurs intérêts et leur statut (comme cela c’est passé en Algérie entre 1861 et 1961). Les peuples ne comptent pas. Ce sont des légions d’esclaves plus ou moins consentants et conscients de leur servitude à un système basée sur le vol et la prédation. Macron peut se reconvertir en influencueur sur le réseau chinois Tik-Tok, il n’y changera rien. Son monde vient de mourir en Afghanistan sans qu’il en soit pleinement conscient.

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À propos de l'auteur Strategika 51

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