La Quadrature du Net : « Les drones reviennent, nous aussi »

La Quadrature du Net : « Les drones reviennent, nous aussi »

Le 20 juillet 2021, le gouvernement a déposé une nouvelle loi sécuritaire qui, entre autres choses, autorisera les drones policiers. Ces mêmes drones qui, par la force de nos efforts collectifs, avaient été rejetés à quatre reprises l’an dernier. Le gouvernement s’empresse de saper nos si précieuses victoires obtenues contre sa surveillance policière.

Première victoire, mai 2020

En juillet 2019, la police nationale comptait 30 drones et 23 pilotes. Un an plus tard, ces chiffres ont été multipliés par 7 : 235 drones et 146 pilotes. En avril 2020, un appel d’offre prévoyait l’acquisition de 650 drones de plus.

Au même moment, nous publiions un tour d’horizon des drones déployés en France par la police au prétexte de la crise sanitaire. En mai 2020, nous attaquions ces usages puis obtenions une première victoire décisive devant le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française : à défaut de texte spécifique pour les autoriser, ces usages sont illégaux.

Deuxième victoire, décembre 2020

Hélas, la police a laissé traîner les choses en continuant d’utiliser illégalement ses drones. Elle a attendu deux mois pour commencer à réfléchir à une manière de contourner l’interdiction posée par le Conseil d’État, prétendant développer un soi-disant système de floutage des images captées. En octobre 2020, nous attaquions de nouveau la police en visant la surveillance des manifestations parisiennes par drones, telle que nous l’avions finement documentée avec votre aide.

En décembre 2020, le Conseil d’État confirmait notre seconde victoire décisive : injonction était faite à la police parisienne d’immobiliser ses machines au sol. Au-delà du rappel qu’aucun texte n’autorisait l’usage de drone, le Conseil d’État pointait un problème juridique encore plus fondamental de cette affaire : « le ministre n’apporte pas d’élément de nature à établir que l’objectif de garantie de la sécurité publique lors de rassemblements de personnes sur la voie publique ne pourrait être atteint pleinement, dans les circonstances actuelles, en l’absence de recours à des drones ».

Troisième victoire, janvier 2021

En janvier 2021, évènement aussi rare que bienvenu, la CNIL venait en renfort pour offrir une troisième victoire contre les drones : elle sanctionnait le ministère de l’intérieur et l’obligeait à cesser tout vol de drone sur l’ensemble du territoire. Ce faisant, la CNIL confirmait aussi l’extension de nos précédentes victoires contre la police parisienne à l’ensemble du territoire français.

Ces trois premiers succès sont intervenus face à un gouvernement bien peu préparé à nos initiatives. Mais à partir d’octobre 2020, il a ouvert une stratégie bien mieux organisée et mûrie et ouvert le véritable débat avec la loi sécurité globale.

Quatrième victoire, mai 2021

Heureusement, grâce à la mobilisation impressionnante et continue d’une large partie de la population contre la loi sécurité globale, des mois durant, le discours du gouvernement sur les drones a pu être méthodiquement déconstruit. En mai 2021, actant la défaite idéologique du gouvernement, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions qui allaient autoriser les drones policiers. C’est la quatrième et plus importante victoire.

La plus importante car elle est idéologique. Elle s’est principalement jouée dans la rue et dans le débat public, plutôt que devant les tribunaux. Elle a permis de s’attaquer au cœur du modèle de société proposé par le gouvernement, de construire un discours populaire contre l’État policier et son monde de distanciation, où la population serait régulée de loin, comme des objets, par des caméras et des robots militarisés, sans contact ni échange humain possible (voir notre manifeste initial dénonçant une loi de surveillance de masse déshumanisée).

Cinquième bataille, maintenant

En juillet 2021, le gouvernement a lancé sa cinquième bataille en déposant un projet de loi fourre-tout qui acte notamment le retour des drones pour la police. Refusant toute remise en question, le gouvernement s’obstine à imposer son monde par la force. Il ne cherche même plus à ouvrir un débat public ni à gagner l’opinion – on le comprend, il a déjà perdu ce débat plusieurs fois. À la place, il a réintroduit ses drones au milieu d’une nouvelle loi sécuritaire, la quatrième de l’année de 2021 (après la loi sécurité globale, la loi séparatisme et la loi renseignement).

Le député rapporteur de la loi sur la partie surveillance est Jean-Michel Mis, qui a prouvé être l’un des plus fiers et fidèles défenseurs de la surveillance de masse (voir notre portait). La loi est en lecture accélérée alors qu’elle contient une large série de dispositions qui n’ont rien à voir les unes avec les autres – une sorte de loi voiture balai sécuritaire pour finir le mandat Macron – bien que particulièrement complexes (amendes forfaitaires pour vol à l’étalage, fichage des mineurs étrangers, caméras en garde à vue, évolution de la CNIL) ou polémiques (en lien avec l’affaire Halimi).

Nous retrouvons le même contexte qui avait empêché le Parlement de débattre des drones dans la loi sécurité globale : une disposition noyée au cœur d’un texte fourre-tout, une procédure accélérée, un débordement législatif sécuritaire, un rapporteur aux ordres de la Technopolice…

Comment s’organiser ?

L’an dernier, l’article 24 de la loi sécurité globale (concernant la diffusion d’images de policiers) avait mis le feu aux poudres et permis d’ouvrir en dehors du Parlement un débat qui y était impossible. Pouvons-nous répéter cet exploit dans un contexte radicalement différent ?

Comme nous avons essayé de le démontrer cet été, le passe sanitaire et les drones sont les outils du même projet technopolicier. L’opposition massive au passe sanitaire pourrait-elle, à son tour, attiser l’opposition aux drones ? Et pour quels objectifs ? En cas de mobilisation populaire massive, doit-on espérer que le Conseil constitutionnel censure une nouvelle fois cette tentative d’autorisation des drones ?

L’hypothèse n’est pas absurde tant le gouvernement échoue à corriger dans son nouveau projet de loi les failles juridiques considérables de sa précédente loi (nécessité des drones non-démontrée au cas par cas, public non-informé, surveillance des lieux privés…). Toutefois, même si le Conseil constitutionnel pourrait une fois de plus se dresser en rempart de circonstance contre les drones, il nous semble imprudent de ne pas aller chercher des protections plus certaines et pérennes ailleurs.

On l’a vu, nos victoires sont encore plus puissantes quand elles se réalisent à la fois devant les tribunaux et dans la rue. Sur le long terme, pour remporter au-delà de quelques batailles, il nous faudra encore multiplier nos voies d’actions – ne pas nous arrêter aux stratégies juridiques, mais gagner aussi le monde des idées et de l’imaginaire. D’abord, il nous faudra regarder comme formant un tout nos diverses luttes contre la dystopie technologique annoncée par nos gouvernants : reconnaissance faciale, drones, passe sanitaire, safe city, analyse comportementale, automatisation et déshumanisation des rapports sociaux…

Une fois bien cerné, nous pourrons prendre ce cauchemar à deux mains, puis le jeter loin de nous, loin de nos esprits qu’il a déjà tant pollués. C’est ainsi libérées que nous pourrons renouveler notre imaginaire collectif pour y fonder un futur enviable, enfin. Un futur qui nous donnera la force de multiplier les façon de nous penser et d’agir. Il y a tant de choses à défaire, puis tant d’autres à construire, saisissons l’opportunité de cette cinquième lutte contre les drones pour bâtir bien au-delà du débat stérile imposé par nos adversaires.

source:https://www.laquadrature.net/
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À propos de l'auteur Réseau International

Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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