La trahison des intellectuels (fin) : le négationisme au carré

La trahison des intellectuels (fin) : le négationisme au carré

Les dangers de la fausse vulgarisation ou la trahison des intellectuels

La trahison des intellectuels 2 : tergiversations des deux Droites

La trahison des intellectuels 3 : quand les lumières du mercantilisme continuent de justifier la mentalité colonisatrice

*

par Tasio Retortillo Merino.

Lorsque la désinformation nous est présentée comme une lutte contre la désinformation.

Beaucoup d’articles sont parus sur ce site dernièrement qui exposaient le point de vue anti-américain au sujet de leur influence négative sur l’histoire contemporaine de l’Afghanistan. Or, il faut toujours écouter les deux parties. Nous allons pour ce faire commenter l’article suivant :

conspiracywatch.info/la-creation-dal-qaida-par-la-cia-deconstruction-dune-fable

Tout d’abord un peu de contexte au sujet du site internet dont il est tiré :

« Benoît Bréville, rédacteur en chef du Monde diplomatique (La ligne éditoriale du Monde diplomatique est associée à la gauche antilibérale), estime que Rudy Reichstadt (le fondateur de conspiracywatch) n’a « rien d’un chercheur », que « son site relève davantage du blog collectif que d’un quelconque « observatoire », qu’il « n’aime pas les critiques » et « n’aime pas non plus ce qui lui paraît trop à gauche » au regard des accusations lancées à de nombreuses personnalités de la gauche radicale. Le politologue Julien Giry juge que « Conspiracy Watch produit un discours anticonspi qui dramatise la situation et permet de légitimer son existence », ce qui amène un résultat « ni rigoureux ni neutre ». Selon ce politologue, Reichstadt a tendance à écarter ce qui ne va pas dans son sens, y compris la plupart des travaux de recherche, et il développe dans son livre une « vision pathologisante » du phénomène complotiste, « sans volonté de compréhension sociale et sociologique ». Giry émet alors l’avis que Conspiracy Watch contribue à la radicalisation de gens qui doutent, en les associant à des propagandistes dangereux. […]

Dans son livre « L’Opium des imbéciles », Rudy Reichstadt fustige la tolérance au complotisme, dont la dangerosité est, selon lui, sous-estimée. Il affirme que le complotisme affaiblit le débat public rationnel, indispensable à la démocratie. Il déclare que « la théorie du complot falsifie l’histoire. Elle parasite le fonctionnement de la démocratie. Elle dissuade les parents bien-portants de vacciner leurs enfants. Elle protège les dictateurs. […] Et le complotisme est utilisé par bien d’autres acteurs, qui s’exonèrent en utilisant des arguments préfabriqués » (wikipedia)

Dénoncer ce que l’on vient de faire quelques lignes auparavant, bel exemple d’ambivalence manipulatrice… on peut déjà sentir de loin l’ambiance dont il va être question.

L’article est entièrement basé sur les affirmations des personnalités suivantes :

– Emran Feroz est un journaliste indépendant, un blogueur et un activiste. Il a travaillé pour le New-York Times en 2016. Il travaille actuellement pour Foreign Policy, un magazine consacré à la vision mondialiste de la politique, de l’économie et des idées. (source : celebhook.com/emran-feroz-wikipedia)

– Wassim Nasr est diplômé du CEDS, « établissement d’enseignement supérieur privé qui a pour mission d’actualiser et d’approfondir les connaissances de ses auditeurs en matière de Diplomatie, Stratégie, et Relations Internationales » ainsi que de l’IRIS, « un laboratoire d’idées (think tank) français travaillant sur les thématiques géopolitiques et stratégiques ». Il travaille à France 24 depuis 2011 et a travaillé à BFM TV, entre 2011 et 2012.

– Justin Vaïsse est un historien français et enseignant à l’École nationale d’Administration (ENA). Fondateur et directeur général du Forum de Paris sur la Paix, « un événement international portant sur les questions de gouvernance mondiale. […] Depuis 2018, le Forum de Paris sur la Paix est le lieu où les chefs d’État et les organisations internationales travaillent avec la société civile et le secteur privé à construire de nouvelles formes d’action collective ».

– Marc Hecker et Elie Tenenbaum sont deux directeurs de l’Institut français des relations internationales (IFRI), « un centre de recherche et de débat indépendant consacré à l’analyse des questions internationales ». Combien de « centres de recherche indépendants » dites-donc.

– Enfin, Thomas Hegghammer « est senior research fellow à l’Institut norvégien de Recherche pour la Défense. Après avoir obtenu le baccalauréat en France Hegghammer a suivi les cursus d’Études orientales et Études modernes moyen-orientales à l’Université d’Oxford. Plus tard, il a obtenu son doctorat en science politique à l’Institut d’études politiques de Paris en 2007. Le Washington Post publie en décembre 2016 l’argumentaire de Thomas Hegghammer qui estime que la situation en matière de terrorisme en Europe est vouée à empirer à l’avenir ». (wikipedia)

Ça sent pas les agents de la Droite mondialiste, non non, du tout.

L’article commence son exposé historique de façon très peu impartiale : « Un peu de contexte, donc : en 1979, l’URSS envahit l’Afghanistan pour renverser le régime communiste de Hafizullah Amin et le remplacer par celui de Babrak Karmal, plus aligné sur Moscou. Une intervention typique de la Guerre froide » Ce que l’URSS a fait ici, c’est remplacer un dirigeant extrémiste aux relents racistes (« Il dirige le pays d’une main de fer ; ainsi des milliers d’opposants politiques, y compris des membres de la tendance Parcham, sont assassinés ou emprisonnés ».) par un autre bien plus modéré bien que communiste (et aux aspirations laïques).

Sinon, premier paragraphe, on constate déjà l’ambivalence typique des manipulateurs qui dénoncent ce qu’ils font eux-mêmes : jeter la confusion afin que personne ne puisse se faire un avis. « Parmi ce brouhaha, un vieux discours révisionniste a également refait surface ». Pour un brouhaha, s’en est un beau, de brouhaha, cet article, vous allez voir.

L’on nous dit d’entrée de jeu que Thierry Meyssan et Jean-Luc Mélenchon (les deux auteurs à l’origine des « mensonges » au sujet de la responsabilité des États-Unis dans la montée de l’islamisme radical) sont « à l’autre bout du spectre politique » ? Comme le second se situe à Gauche du spectre politique, cela implique forcément que le premier est à Droite. Cela consiste purement et simplement en de la lâche calomnie pour parler de quelqu’un qui d’après wikipedia « à partir de 1994, est également secrétaire national du Parti radical de gauche (PRG). De 1996 à 1999, il est coordinateur suppléant du Comité national de vigilance contre l’extrême droite, créé à l’initiative du PRG, qui rassemble chaque semaine les 45 principaux partis politiques, syndicats et associations de gauche pour élaborer une réponse commune face à la montée de l’intolérance ».

On continue par la citation d’un livre : « The Caravan de Thomas Hegghammer », « ouvrage de référence paru en 2020 qui retrace le rôle déterminant du cheikh palestinien Abdallah Azzam, dans l’émergence du djihad global ». Donc le « djihad global », si compté qu’il existe, proviendrait du mouvement de résistance palestinien. Pourtant la suite du texte semble laisser penser bien autre chose :

« En Afghanistan, sous le régime communiste, une féroce répression est menée contre les mouvements islamiques, qui commencent à s’armer pour mener une guérilla et que l’on appelle déjà les « moudjahidin […] Dans ce contexte d’affrontements larvés entre les deux blocs, les États-Unis décident de prendre le parti de l’insurrection […] notamment avec le commandant Massoud : le commandant du Front uni islamique et national pour le salut de l’Afghanistan (plus connu sous le nom d’Alliance du Nord était un groupe armé musulman afghan, en lutte contre les Taliban et le régime politique de ces derniers) ainsi que de la « Société islamique », la Jamiat, un parti politique islamiste afghan ».

Cela semble plutôt clair lorsqu’on supprime les passages de brouhaha, pourtant vous allez voir que l’on va tourner autour du pot comme des enfants pendant encore une bonne paire de pages.

Ils citent par la suite deux intervenants qui affirment chacun plus ou moins le contraire, mais en présentant la chose d’une façon où un lecteur pressé aura l’impression qu’ils se confirment l’un l’autre : « Les moudjahidin […] n’étaient pas djihadistes, leur combat était avant tout nationaliste » « Ces groupes étaient loin d’être unifiés et suivaient chacun des idéologies diverses allant d’un bout à l’autre du spectre de l’islamisme ».

Ensuite, nous avons droit à l’argument simpliste justifiant le négationisme de Droite : « L’islam politique n’était pas vu comme la problématique dominante du moment et c’est anachronique de regarder les années 80 avec les lunettes actuelles ». Pour un article qui débute en affirmant vouloir faire la peau au négationisme, c’est plutôt osé.

Voyez peu après le jeu sur la syntaxe : « Ce n’est qu’à partir de 1986, soit seulement trois ans avant la fin de la guerre, que la CIA livrera aux moudjahidin les fameux missiles anti-aériens Stingers, qui s’avéreront bel et bien décisifs ». Le fait de débuter la phrase par « ce n’est qu’à » conditionne d’emblée le lecteur non attentif à penser qu’un tel soutient représente peu de chose. Pourtant, si l’on prend l’information pour elle-même, il s’agit bel et bien de fournir une arme « décisive » au camp islamiste durant une durée très longue (3 ans sur 10 ans de guerre soit trente pour cent du temps : on ne parle pas « que » d’un détail !).

Vient ensuite une affirmation d’une ambivalence des plus cyniques : « les États-Unis n’ont jamais financé Al-Qaïda, même si des combattants étrangers ont peut-être pu bénéficier indirectement des aides américaines sur place via la corruption, le pillage, etc. » Encore une façon d’affirmer de façon éhonté une chose et son contraire dans une même phrase !

On peut ensuite lire que : « Massoud, commandant de l’Alliance du Nord, sera finalement assassiné par Al-Qaïda deux jours avant les attentats du 11 septembre. Face à une histoire si complexe, il est en effet tentant de désigner les États-Unis comme responsables de tout. Une logique intellectuelle qui permet de trouver des preuves là où il n’y en a tout simplement pas ».

Alors : leur allié islamiste contre les soviétiques est assassiné par un autre de leur allié islamiste contre les soviétiques, à qui ils ont fourni des armes (missiles Stingers), avant que ce dernier ne commette les les attentats du 11 septembre. Alors, des preuves, non bien-sur, mais des soupçons, il me semble qu’on serait en droit d’en avoir.

Maintenant soyez attentifs parce que l’on va passer un cap dans la mauvaise foi. Parmi les « fake news » qui appuieraient le récit d’un ennemi djihadiste « fabriqué » par les États-Unis, l’article cite la suivante comme l’une des plus importantes : une interview donnée par Brzeziński au Nouvel Observateur en 1998, particulièrement relayée par les réseaux pro-Kremlin et dans la sphère complotiste. « C’est en effet le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime pro-soviétique de Kaboul », y déclare-t-il. Interrogé au sujet du soutien aux moudjahidin, il ajoute « Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les Taliban ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes où la libération de l’Europe centrale et la fin de la Guerre froide ? »

L’article affirme que « Brzeziński a lui-même contesté l’exactitude des propos que lui prêtait le journaliste du Nouvel Observateur », mais se garde bien de mentionner que par la suite de ladite interview Brzezinski à été directeur de recherche à la Brookings Institution de Washington de 2007 à 2013, ce qui pourrait vraisemblablement expliquer qu’il ait des réserves au sujet de ces antérieures déclarations, non ?

En fait, ce que fait ce texte, c’est étiqueter de « révisionniste » ou « négationiste » tout argumentaire qui pointerait la responsabilité des États-Unis dans la montée de l’islamisme radical ; alors qu’en fait il entend lui-même nier ladite responsabilité ! Une double manipulation imbriquée comme une poupée russe.

D’ailleurs, la fin de l’article balance la responsabilité de toute cette vilaine manipulation anti-américaine sur… les russes bien entendu, qui disposent de la connivence de Trump ! Il était temps que les manipulateurs à la solde du mondialisme nous sortent l’épouvantail de la Droite nationaliste, que diable, une fois par article pourquoi pas ?

On termine en appuyant sur la blessure historique des 30 000 pertes civiles afghanes causées par les troupes « criminelles » de l’URSS. Pourtant, de 2001 à 2014, l’invasion américaine à également causé plus de 20 000 pertes civiles afghanes, et avec des moyens logistiques énormément supérieurs. « Près de 111 000 civils ont été tués ou blessés depuis que les Nations unies ont commencé à enregistrer systématiquement les pertes civiles en 2009 » d’après la BBC elle-même.

Ces « surveillants de la conspiration » (« conspiracy watch ») auto-proclamés et sortis d’on ne sait où, semblent bien se garder les plus basses astuces de la mentalité conspirationiste pour eux-mêmes…

J’espère que vous aurez apprécié ce modeste commentaire de cette information sur la désinformation qui est en fait une désinformation…
Adblock test (Why?)

La trahison des intellectuels (fin) : le négationisme au carré

Source : Lire l'article complet par Réseau International

Source: Lire l'article complet de Réseau International

À propos de l'auteur Réseau International

Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You