L’esprit du yoga : L’action dans la sérénité

L’esprit du yoga : L’action dans la sérénité

LES VINGT DERNIÈRES ANNÉES FURENT MARQUÉES PAR UN BOOM DE LA PRATIQUE DU YOGA EN FRANCE. DEVENU UNE MODE, AVEC TOUTES SES DÉCLINAISONS POSSIBLES ( DU TAPIS D’EXERCICE BIO AUX NOMBREUSES « STORY » INSTAGRAM), IL EST INTÉRESSANT DE VOIR COMMENT IL S’IMPOSE DANS L’IMAGINAIRE GLOBALISÉ COMME UNE PRA-TIQUE PHYSIQUE DOUCE ET UTILE. MAIS EST-CE QUE LE YOGA À TOUJOURS LES VERTUS QUE NOUS LUI PRÊTONS ? 

L’esprit du yoga à travers les époques 

Il est très difficile de dater l’apparition du Yoga avec précision. Les plus anciennes traces de disciplines proches de sa pratique remonteraient à l’époque védique en Inde ( début du deuxième millénaire avant Jésus-Christ) . Les clans aryens semblent avoir eu des enseignements et des exercices pour dynamiser les énergies du corps et de l’esprit. On retrouve d’ailleurs dans toute l’ère indo-européenne ( de la Grèce à L’Inde , de la Celtie à l’Iran) des méthodes archaïques de maitrise de soi et de canalisation de la force spirituelle. En Inde, ces pratiques rencontrent les cultures indigènes du sous-continent qui avaient déjà expérimenté différents moyens d’étendre les possibilités mentales de l’individu. Mais sans traces écrites, les chercheurs sur le sujet restent toujours prudents. Ce qui est certain c’est que les maitres du yoga de toutes les époques vont aller puiser dans la richesse traditionnelle du Véda et de ses commentaires éclairés, les Upanishads. Ils y trouvent les enseignements qui donnent sens à leur pratique. 

La Transmission du yoga fut longtemps le fruit d’un rapport initiatique entre un guru et son disciple. Le suivant dans son quotidien, l’élève recevant de manière orale la doctrine de son maitre. Les approches pouvaient être différentes en fonction des courants philosophiques ou de la personnalité de l’enseignant , mais reposaient sur une même « vision du monde ». La philosophie du Yoga est liée à la richesse de la pensée indienne. 

Une voie vers la libération 

Dans l’hindouisme, plusieurs voies sont proposées à l’homme pour atteindre sa libération du cycle perpétuel des vies, des morts et des renaissances. Tant que l’union de l’Âtman ( l’âme) et du Brahman ( L’absolu, la divinité) n’est pas réalisée, l’âme transmigre de corps en corps et ses nombreuses vies sont autant d’occasion qui lui sont données pour parvenir à la libération. 

Le yoga est à l’origine une de ses voies. Exigeante car elle demande un engagement total et transforme de manière radicale l’individu. Si tout l’être est mobilisé, il doit sur-tout être enthousiaste et persévérant dans son ascétisme. Il faut de la force pour conquérir la Connaissance, car celle-ci ne se réveille que dans un esprit parfaitement stabilisé et maitrisé par un long travail. 

Cette rude discipline est exposée dans le Yoga Sutra de Patanjali ( textes compilée entre 200 et 500 après Jésus-Christ) . Cet ensemble d’exercices corporels et méditatifs vise à purifier puis à maitriser le corps , à fixer l’attention, à faire cesser l’agitation de la conscience et à atteindre la libération par le dépouillement des émotions. 

Le yoga connait une évolution progressive, comme avec le développement des postures au X et XI siècles. Toujours plus nombreuses et complexes, elles vont être codifiées et étudiées dans toute l’ère indienne. Alors que les Yoga sutra n’évoquent que la posture assise, qui est jugée la meilleurs pour ouvrir l’esprit à la méditation, le Hatha Yoga ( le yoga postural ) s’impose comme une pratique corporelle plus dynamique. C’est lui qui va être à l’origine de la diffusion mondiale de cette discipline. 

Un essor mondial 

La seconde partie du 19éme siècle est marquée par la (re)découverte de la richesse culturelle des Indes en Occident. En Europe, on traduit et commente les textes sacrées de l’hindouisme. Aux Etats-Unis, Henry David Thoreau s’auto-proclame le premier yogi occidental à la suite de l’écriture de son Walden. Lors du Parlement mondial des religions qui fût organisé à Chicago en marge de l’ex-position universelle de 1893, Swami Vivekananda est le premier maitre indien à s’adresser directement à des américains. Homme de grande culture et charismatique, il séduit par un dis-cours hautement spirituel de par sa critique du matérialisme. Par ses conférences lors de tournées aux USA et en Europe, il fait découvrir le yoga au plus grand nombre. 

Les missionnaires indiens vont dès-lors partir prêcher en occident. Le yoga se propage par des manuels à grande diffusion et dans des cercles intellectuels ouverts aux mystères de l’Orient ( le rôle de la mouvance théosophique est à noter par exemple). Très vite la figure du yogi, assimilée à une sorte de fakir, est connu par le plus grand nombre. 

Alors qu’il était en perte de vitesse en Inde, le Yoga va connaître une révolution à la fin du XIX ème siècle. Il va devenir une véritable discipline physique dont le but est de rendre vigoureux le corps et le mental. Venus d’Europe, la gymnastique et le culturisme rencontrent un immense succès en Inde dans le cadre de la renaissance nationaliste. Le re-nouveau du yoga va répondre à cette demande en adaptant sa pratiques aux méthodes de l’exercice physique. Les cours deviennent collectifs, ouverts aux jeunes gens fougueux des villes et les postures s’enchainent de manière dynamique. Le yoga devient accessible à tous ( y compris aux femmes ) et sans lien avec une démarche spirituelle. 

Les premiers maitres indiens qui débarquent en Californie dès le début du XX ème siècle amène ce modèle de yoga postural et dynamique. Très vite, c’est un succès sur le marché américain. Ils forment les premiers maitres occidentaux qui vont le diffuser. Les stars hollywoodienne ventant les mérites de sa pratique, le yoga est à la mode dès les années 1920. 

Aller/retour entre l’Orient et l’Occident 

L’essor du yoga en Occident va amener une vague de retour de la pratique en Inde dès les années 1950. Malgré sa profonde modification et son adaptation à la modernité, il est devenu pour les indiens une quête nostalgique des racines de leur identité. Ce phénomène est nullement paradoxal car il s’explique par les mécanismes de notre acculturation à la mondialisation culturelle. 

Il est intéressant d’ailleurs de voir qui pratique , aujourd’hui, le yoga en France. Le LSD, les Beatles et le New Age sont loin de l’univers de la majorité des pratiquants depuis les années 2000. Selon les études, c’est majoritairement des jeunes femmes ( entre 30 et 40 ans) qui sui-vent les différents cours qui se multiplient dans l’hexagone. Bien intégrées socialement et familialement, elles ne sont pas des hippies marginales. Bien au contraire, le yoga semble être un moyen de se retrouver dans la post-modernité. Une soupape pour se ménager un espace de calme dans le rythme de la vie quotidienne. Devenu une pratique physique de renforcement musculaire et de con-trôle de la respiration, il est un moyen de se sculpter un corps répondant aux canons de beauté occidentaux. 

Cela doit-il pour autant nous faire rejeter cette pratique ? Je dirais qu’au contraire, il faut connaître les dérives possibles de cette discipline et chercher à revenir à l’esprit du yoga. Plus que jamais nous devons avoir cette sérénité dans l’action qui est son principal message. ⧫ 

Louis Alexandre

A LIRE : 

YSÉ TARDAN-MASQUELIER, L’ESPRIT DU YOGA, SPIRITUALITÉS VIVANTES, ALBIN MICHEL. L’ÉTUDE LA PLUS COMPLÉTE SUR LE SUJET. 

JEAN VARENNE, AU SOURCES DU YOGA, DAUPHIN EDITIONS, RÉÉDITION DE L’ÉTUDE HISTORIQUE DU PLUS IMPORTANT INDIANISTE UNIVERSITAIRE FRAN-ÇAIS. 

MARIE KOCK, YOGA : UNE HISTOIRE-MONDE, LA DÉCOUVERTE, OUVRAGE CRI-TIQUE SUR LA DIFFUSION DU YOGA EN OCCIDENT. 

KIRAN VYAS, LE YOGA, MARABOUT ÉDITIONS, POUR UNE PREMIÈRE APPROCHE DE LA PRATIQUE. UN MANUEL UTILE POUR DÉBUTER 

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À propos de l'auteur Rébellion

Rébellion est un bimestriel de diffusion d’idées politiques et métapolitiques d’orientation socialiste révolutionnaire.Fondée en 2002, la revue Rébellion est la voix d’une alternative au système. Essentiellement axée sur les sujets de fond, la revue est un espace de débats et d’échanges pour les véritables opposants et dissidents. Elle ouvre ses colonnes à des personnalités marquantes du monde des idées comme Alain de Benoist, David L’Epée, Charles Robin, Pierre de Brague, Thibault Isabel, Lucien Cerise … Rébellion se veut également un espace « contre-culturel » au sens large (arts, littérature, musique, graphisme).

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