Réactions partagées à la nomination de Benoit Charette

Réactions partagées à la nomination de Benoit Charette

(Québec) On s’attendait à Nadine Girault ou à Lionel Carmant. Mais un ministre responsable de la lutte contre le racisme n’a pas à être une personne issue d’une minorité, estime le premier ministre François Legault, qui a plutôt choisi Benoit Charette pour occuper ce nouveau poste. Si plusieurs saluent l’intention, d’autres s’inquiètent que le principal intéressé soit surchargé en conservant l’Environnement.

François Legault a profité de la relâche parlementaire pour procéder à des modifications à son Conseil des ministres, ajoutant aussi un siège autour de la table avec la nomination de la députée de Les Plaines, Lucie Lecours, au poste de ministre déléguée à l’Économie. Aucun ministre n’a perdu son poste dans l’opération, bien que Marie-Eve Proulx y perde quelques plumes.

La création d’un poste de ministre responsable de la lutte contre le racisme était l’une des recommandations du groupe d’action formé par le gouvernement sur l’enjeu de la discrimination. Les conclusions du groupe ont été présentées en décembre. Ce groupe était piloté par les ministres Nadine Girault (Immigration et Relations internationales) et Lionel Carmant (Services sociaux). En conférence de presse mercredi, François Legault a expliqué qu’il avait eu des « discussions » avec Mme Girault et M. Carmant sur le sujet. Il a soutenu que les deux ministres étaient déjà fort occupés.


J’ai l’impression que si j’avais nommé quelqu’un qui est membre d’une minorité, on aurait dit : “On sait bien, ils l’ont nommé parce qu’il est membre d’une minorité.” Pourtant, c’est tous les Québécois qui doivent lutter contre le racisme.

François Legault, premier ministre du Québec

« Ce n’est pas parce que quelqu’un fait partie du groupe qui est victime que c’est nécessairement la personne la mieux placée pour lutter » contre le racisme, a ajouté le premier ministre. Dans ce combat, « on s’adresse entre autres aux personnes qui font partie des Québécois qu’on appelle Blancs ou de souche », « une minorité qu’on doit faire changer d’idée », a-t-il relevé.

Il dit avoir choisi Benoit Charette parce qu’il « a le dossier à cœur », qu’il est « la meilleure personne pour faire reculer le racisme » et « poser des actions rapidement ». Le ministre conserve la responsabilité de l’Environnement. « On a eu beaucoup de beaux discours au Québec et de beaux débats sémantiques, mais l’important est d’avoir des résultats », a insisté François Legault, faisant allusion à son refus de reconnaître l’existence de racisme « systémique ».

« En aucun cas, la couleur de la peau ne doit être un argument pour disqualifier quelqu’un », a fait valoir de son côté Benoit Charette. Il dit avoir « une sensibilité à la base » à l’enjeu des relations interculturelles, notamment parce qu’il a déjà travaillé à l’étranger. Sa conjointe est d’origine haïtienne et ses trois enfants sont métissés. Ils ont vécu « différentes expériences » au cours desquelles ils ont été victimes de racisme, de façon « subtile » ou « directe », a-t-il témoigné.

Benoit Charette a déjà dû faire face à la discrimination alors que son couple s’était vu refuser la location d’un appartement au début des années 2000. Il avait porté plainte à la Commission des droits de la personne. Trois ans plus tard, il obtenait gain de cause. Il a relevé que le propriétaire était un immigrant de première génération, « pas un Blanc, [mais] une personne issue d’une minorité qui en discriminait une autre ».

Cette histoire l’amène à prendre ses distances « encore davantage de la notion de racisme systémique », soutient-il. D’une part parce que l’épisode fait la preuve selon lui que « le système est là pour protéger l’ensemble des citoyens » – plus précisément la Charte des droits, dans ce cas bien précis. Et d’autre part parce que « ça donne un faux sentiment de sécurité, de rejeter la faute sur l’autre ». « En matière de racisme, on peut tous, qu’on soit Noirs, Blancs, peu importe notre origine, alimenter certains préjugés. Si on se replie derrière un concept vague et mal défini, ça nous enlève un petit peu une responsabilité qui nous revient », a dit Benoit Charette, demeurant toutefois évasif sur les mesures qui seront privilégiées.

Un pas « important », mais encore ?

Dans le milieu communautaire, les organismes sondés par La Presse ont bien accueilli la nomination de Benoit Charette. « Pour nous, c’est un pas en avant important du gouvernement. M. Charette a un vécu personnel, comme sa conjointe est Noire. Je suis sûr qu’il peut mieux comprendre certains enjeux. Il a une compréhension instinctive du racisme », lance le directeur du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Fo Niemi, qui avait eu l’occasion de rencontrer l’élu, il y a quelques années.

Le CRARR avoue toutefois qu’il est « inquiet » que le ministre conserve le dossier de l’environnement. « C’est déjà une priorité gigantesque. On espère qu’il aura le temps et l’attention requise pour remplir les deux fonctions », ajoute son directeur.

Greenpeace Québec avoue avoir la même préoccupation. « Inévitablement, l’environnement se trouve affaibli d’avoir un ministre qui n’est plus qu’à temps partiel », tonne son porte-parole, Patrick Bonin.

Une personne ne peut pas livrer autant si elle a deux portefeuilles aussi importants. C’est humainement impossible.

Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace Québec

À la Ligue des Noirs du Québec, le président Max Stanley Bazin est catégorique. « La nomination en soi est une bonne chose, parce qu’elle démontre que pour le gouvernement, la lutte contre le racisme est une priorité ». Mais « les attentes sont grandes », notamment en matière d’interpellations policières.

Pour la directrice générale d’Amnistie internationale, France-Isabelle Langlois, « cette nomination démontre que l’enjeu du racisme est pris au sérieux par le gouvernement. Nous espérons que le ministre […] acceptera de reconnaître l’existence du racisme systémique. Tant que cela ne sera pas reconnu, il ne sera pas possible de réellement changer la donne. »

Une nouvelle ministre

De son côté, la nouvelle ministre déléguée à l’Économie, Lucie Lecours, aura le mandat de s’occuper des PME en particulier. Elle était directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie Les Moulins avant de faire le saut en politique en 2018. Elle travaillera avec le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon et la ministre déléguée au Développement économique régional Marie-Eve Proulx, qui, selon M. Legault, avaient besoin de « renfort ». Mme Proulx avait la responsabilité des PME avant ce changement.

Il y a maintenant 12 femmes au Conseil des ministres, contre 16 hommes.

Le ministre des Ressources naturelles, Jonatan Julien, ajoute à sa charge le titre de ministre responsable de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, en plus de la Côte-Nord. M. Legault explique ce changement par le fait que M. Julien est justement en train de relancer la filière éolienne, très présente en Gaspésie. Marie-Ève Proulx, elle, se voit ainsi soulagée d’une région, mais conserve Chaudière-Appalaches et le Bas-Saint-Laurent.

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