Relations avec la Chine : le Québec n’est pas le Canada

Relations avec la Chine : le Québec n’est pas le Canada

La guerre commerciale et diplomatique que livre les États-Unis à la Chine atteint constamment de nouvelles dimensions. Notons que Trump et Biden ont sensiblement le même discours belliqueux. Et le Canada s’y aventure jovialement, lui qui semble avoir abandonné sa souveraineté au profit des Américains, notamment mais pas seulement dans le cas de Mme Meng Wanzhou. Or qui dit guerre commerciale doit nécessairement dire ou penser, tôt ou tard, guerre tout court. 

Si le Canada abandonne sa souveraineté au profit de Washington dans ses relations avec la Chine, le Québec y est amené qu’il le veuille ou non. On ne lui demande pas son opinion. 

Les commentateurs qui parlent de ce conflit grandissant avec la Chine n’ont de cesse de citer les sondages qui nous démontreraient à quel point les Canadiens ont, cette année, des sentiments défavorables à l’égard de la Chine. Le dernier sondage cité est celui de la Fondation Asie-Pacifique, organisme qui sonde les Canadiens chaque année au sujet de l’Asie.

Mais qu’en est-il du Québec ? Les commentateurs ne parlent malheureusement pas du Québec quand ils citent le sondage. Or, le Bloc Québécois et le Gouvernement du Québec auraient intérêt à regarder ce sondage de plus près. Car encore une fois, les Québécois ne voient pas les choses de la même façon que les Canadiens. 

Considérant la détérioration grave des relations diplomatiques et économiques avec la Chine et connaissant la répulsion historique des Québécois à l’égard des guerres impériales, on serait bien avisé au Québec de développer notre propre réponse à ce sujet. 

Voici quelques observations retirées du sondage réalisé du 31 août au 21 septembre 2020 par la Fondation Asie-Pacifique.

On a demandé aux répondants si, selon eux, la Chine représentait une menace critique aux intérêts nationaux du Canada. Une minorité de Québécois (46%) le pensent alors qu’une majorité de Canadiens voient la Chine comme une menace critique (52%). En Colombie Britannique et en Alberta, le taux dépasse 60%.

En revanche, sur l’éventualité d’un conflit militaire réel découlant des tensions avec la Chine, une majorité de Québécois (53%) y voit un danger, alors que pour le reste du Canada, c’est une minorité (46%) qui le craint. Les sondeurs de la Fondation Asie-Pacifique qualifie cette différence de « significative ».

Sur l’épineuse question de Taïwan, que le Canada reconnaît comme faisant partie de la Chine depuis près de 50 ans, une bonne majorité des Canadiens sont favorables (environ 70%) à ce que Taïwan fasse partie de l’accord de libre-échange intitulé L’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste. En revanche, seulement 56% des Québécois y sont favorables. 

Précisions que demander la participation de Taïwan à cet accord serait perçu par la Chine, avec raison, comme une violation de la souveraineté nationale de la Chine et, partant, une atteinte au droit international. Cette différence québécoise pourrait découler de la crainte plus grande des Québécois de voir déclencher conflit militaire. 

Par rapport à la pandémie, une forte majorité de Canadiens (plus de 70% en Colombie britannique) pensent que le gouvernement chinois a agi de manière irresponsable au début de l’épidémie de COVID-19. Or les Québécois ne le pensent qu’à 60%, le taux le plus bas au Canada.

Au sujet des sentiments généraux à l’égard de la Chine en 2020, les sentiments « très chaleureux, favorables » chez les Canadiens à l’égard de la Chine sont tombés très bas (3,6 sur une échelle de 1 à 10). Le Québec fait bande à part ici aussi, où la note est de 4,0 sur une échelle de 10, une chute moins grande qu’ailleurs au Canada.

De plus, les Québécois favorisent une meilleure collaboration à l’avenir avec la Chine dans une proportion plus forte que le reste du Canada. Nous sommes aussi « significativement plus favorables » à voir venir des investissements de Chine (30 % comparé à environ 23 % pour le reste du Canada). 

Si le conflit économique et diplomatique actuel avec la Chine devait aboutir à un conflit militaire, le Canada s’y jetterait tête baissée à la remorque de Washington, que ce soit Justin Trudeau ou Erin O’Toole à la tête du gouvernement. Dans le cas du premier, ce sont ses actions qui le démontrent, dans celui du second ses déclarations. 

Que fera le Bloc Québécois ? Que fera le Gouvernement du Québec ?  Auront-ils la perspicacité et le courage de s’y opposer pour être à la hauteur de la nation distincte qu’ils représentent ?

Robin Philpot


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