Bilan géopolitique du conflit au Haut-Karabagh – Le grand jeu des puissances

Bilan géopolitique du conflit au Haut-Karabagh – Le grand jeu des puissances
Bilan géopolitique du conflit au Haut-Karabagh – Le grand jeu des puissances

Aujourd’hui nous revenons au bilan géopolitique du conflit qui a opposé l’Arménie à l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie et Israël.

Je vous propose donc l’article le plus complet, le plus précis, le plus argumenté que je connaisse, établissant ce bilan géopolitique qui dépasse largement le cadre régional et les frontières des états les plus impliqués de la région. Je l’ai reçu de son auteur, Pierre-Emmanuel Thomann, auteur reconnu en géopolitique, avec lequel je suis en relation. Il a été publié le 12 novembre dernier sur le site de géopolitique euro-continent.eu.

Cet article me semble mériter une diffusion beaucoup plus large que celle, trop confidentielle, du site euro-continent.eu, d’autant que le bilan évoqué de cette crise régionale fait apparaître des éléments qui concernent le monde entier, et son équilibre en cours de redéfinition……

Bonne lecture, bonne rediffusion

Dominique Delawarde

*

par Pierre-Emmanuel Thomann.

Nouvelle configuration géopolitique et effondrement de l’ordre juridique issu du monde unipolaire

Comment interpréter le conflit au Haut-Karabagh selon l’angle de la géopolitique ? Pour avancer une hypothèse géopolitique, il est nécessaire de replacer cette crise dans la configuration mondiale émergente, c’est à dire l’évolution de l’ordre géopolitique. Le droit international comme grille d’analyse unique n’a pas beaucoup d’utilité pour comprendre la situation mis à part la manière dont il est instrumentalisé par les puissances rivales. Nous laisserons ici de côté la dimension historique sur les temps longs, dimension très importante aussi pour rendre intelligible ce conflit, mais pour mieux nous concentrer sur les enjeux de pouvoir actuels entre grandes puissances.

La guerre au Haut-Karabagh confirme que les frontières en Eurasie changent et se déplacent à nouveau, car depuis la fin du monde bipolaire après la disparition de l’URSS, un processus de dégel des territoires s’est mis en mouvement avec l’émergence du monde multipolaire. Nous assistons au retour des guerres de conquêtes territoriales à l’échelon local et régional, liées aux enjeux de rivalités des puissances à l’échelle mondiale, avec ajustement entre zones d’influences par la guerre par proxy (sous-traitance des grandes puissances). Le monde se fragmente et ouvre la voie à une recomposition des territoires, avec  déplacement des fronts et  nouveaux tracés des lignes rouges entre grandes puissances. Les dynamiques géopolitiques  sous-jacentes ressemblent de plus en plus au monde tel qu’il fonctionnait avant la Seconde Guerre Mondiale.

La Transcaucasie est un espace charnière entre l’Europe et l’Asie et zone de collision entre les vision géopolitiques antagonistes des grandes puissances depuis des siècles.  La configuration géopolitique émergente n’est pas sans rappeler les rivalités qui avaient opposés au XIXème et début du XXème siècle les empires russe (puis soviétique), ottoman (et ensuite Turquie), Perse, britannique, français, allemand, austro-hongrois et italien dans différents espaces de confrontation interconnectés incluant l’Europe, les Balkans, l’Afrique du Nord, la Méditerranée, la Mer Noire, le Caucase, le Moyen Orient, l’Asie centrale, et l’Asie du Sud-Ouest avec l’Afghanistan. Aujourd’hui, les rivalités s’élargissent à l’échelle de l’Eurasie entière et sur les théâtres secondaires de  l’Afrique et de l’Amérique du Sud avec une multiplication des  acteurs incluant les États-Unis, la Chine, l’Inde,  Israël, la Syrie, l’Irak et les pays du Golfe… Les arènes géopolitiques sont aussi plus diversifiées et enchevêtrées avec les rivalités sur les espaces terrestres, maritimes, aériens mais aussi le spatial, le cyberespace, l’espace numérique et l’espace-temps de l’intelligence artificielle, et au moyen des outils militaires, économiques, énergétiques, démographiques et la guerre de communication.

Le droit international ne peux pas être légitime sans ordre spatial. Cela signifie que les résolutions des Nations Unies sur le Haut-Karabagh ainsi que le groupe de Minsk de l’OSCE, reflets de la période unipolaire marquée par l’affaiblissement de la Russie après la chute de l’URSS, sont obsolètes depuis longtemps. Cela vient d’être acté par la nouvelle situation géopolitique, c’est à dire un nouvel ordre spatial, ouvrant la voie à un nouveau régime juridique encore inconnu.

La guerre au Haut-Karabagh a été préparée depuis longtemps par l’Azerbaïdjan, grâce à ses revenus pétroliers, avec le soutien de la Turquie. Il est toutefois impossible à ce stade de connaître le degré de connivence des autres puissances face à l’imminence de l’offensive, mais à partir du moment où cette guerre était enclenchée, chacune estimait pouvoir en retirer au final un avantage géopolitique décisif.

Un cessez-le-feu durable a fini par être accepté par les belligérants le 9 novembre au terme de 6 semaines de conflit après le début des hostilités le 27 septembre. Selon l’accord entré en vigueur le 10 novembre entre les belligérants militaires, l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous la férule de la Russie, les effets sont asymétriques. Dans leur entreprise de conquête, les Azerbaïdjanais n’obtiennent pas la totalité du Haut-Karabagh mais les territoires qu’ils ont repris militairement sur la partie sud du Haut-Karabagh, la ville de Chouchi incluse et les 7 territoires adjacents qui servaient de zone tampon pour les Arméniens. Le Haut-Karabagh (la République autoproclamée de l’Artsakh) se voit dépecé de plus des trois-quarts de ses possessions territoriales avant le conflit au profit de l’Azerbaïdjan, Les populations de ces territoires ont fuit, ce qui équivaut à une épuration ethnique définitive car il est douteux qu’elles reviennent. Par contre les Azéris qui ont aussi subit une épuration ethnique de la part des Arméniens après la guerre de 1994 sont supposés réinvestir ces zones.

On retourne probablement à une situation de « conflit gelé » en ce qui concerne la portion congrue du Haut-Karabagh qui va rester aux Arméniens. En vertu des accords, son statut n’est pas encore déterminé.

Au delà des enjeux régionaux et locaux concernant l’Azerbaïdjan et l’Arménie, le conflit constitue une étape importante de la confrontation entre les grandes puissances et leurs projets géopolitiques antagonistes, principalement la Turquie, la Russie, sans oublier l’Iran et Israël, et de manière moins explicite, les États-Unis, la Royaume-Uni, la France, l’Allemagne,  l’UE et l’OTAN pour la constitution de zones d’influences sur le continent Eurasien

C’est l’heure du bilan géopolitique provisoire après l’accord du 9 novembre.

La Russie étend son empreinte territoriale pour endiguer les pressions géopolitiques extérieures, la Turquie et l’OTAN, selon une stratégie de contre-encerclement

Premier enseignement à l’issue de ce conflit, face à la pression de la Turquie qui est membre de l’OTAN, c’est un élément important à souligner, la Russie a rétablit sa primauté sur le Caucase du Sud, qui fait partie de son « étranger proche » . La Russie a imposé un accord dont elle est le seul garant, elle écarte la Turquie d’un rôle important, s’installe avec des forces militaires d’interposition sur le territoire stratégique du Haut-Karabagh et la classe politique arménienne au pouvoir va probablement s’orienter de manière plus favorable à la Russie.

Sur les temps plus longs, après avoir gagné la guerre en Tchétchénie (1999-2000) qui menaçait son intégrité territoriale, la Russie poursuit son retour inexorable sur les anciens territoires de la Russie tsariste, après la Transnistrie (Moldavie), l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie (guerre Russie-Géorgie 2008), la Crimée réunifiée avec la Russie à la suite du changement de régime à Kiev (2014) et désormais avec l’arrivée des troupes russes au Haut-Karabagh (les Russes ont proposé cette solution à différentes étapes historiques du conflit depuis 1994) sur un territoire de facto contrôlé par les Arméniens, mais légalement en Azerbaïdjan. Il ne s’agit pas d’une reconquête impériale, ni de la restauration d’une URSS réincarnée, mais de la défense ciblée des intérêts de sécurité de la Russie dans son « étranger proche »,  sous la pression des puissances extérieures. A l’occasion du dénouement de la guerre au Haut-Karabagh, la Russie réussit un double endiguement, vis à vis de la Turquie et de l’OTAN. Au niveau régional, la Russie, l’Arménie et l’Iran sont des obstacles à l’expansion géopolitique panturque.

Le continuum territorial des crises actives ou temporairement stabilisées aux frontières de la Russie (Biélorussie, Donbass en Ukraine, Transnistrie en Moldavie, Abkhazie et Ossétie du Sud en Géorgie et Haut-Karabagh entre Arménie et Azerbaïdjan) forme un arc de crises  qui sont exploitées et renforcées par les puissances extérieures, principalement les États-Unis et ses alliés du front oriental OTAN, qui agissent par États-pivots interposés (surtout la Pologne et la Turquie) ou directement (l’Ukraine) pour encercler, contenir et si possible repousser la Russie dans ses terres continentales. La Russie réagit à cette pression géopolitique par la préservation d’avant-postes territoriaux qui lui permettent de rétablir l’ équilibre et la stabilité, précisément sur des territoires faisant l’objet de revendications opposées et transformés en « conflits gelés » (voir carte – Russie : double endiguement de l’OTAN et de la Turquie).

La Russie, du fait de sa reconnaissance de jure ou de facto des territoires séparatistes et de son empreinte militaire sur ces territoires, bloque l’adhésion éventuelle à l’OTAN de la Géorgie, de l’Ukraine, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan (pas à l’agenda, pour les deux derniers, contrairement à la Géorgie et l’Ukraine, mais à long terme, mieux vaut être prudent du point de vue russe).

La Russie a empêché une défaite totale des Arméniens au Haut-Karabagh. Les Russes ne pouvaient pas accepter une invasion complète du Haut-Karabagh. Cela aurait été interprété comme un affaiblissement de la Russie, et de facto de l’OTSC (même si juridiquement, il n’y a que le territoire de l’Arménie stricto sensu qui était concerné par les accords de défense avec  la Russie, puisque l’Arménie n’a elle même pas reconnu officiellement l’État autoproclamé du Haut-Karabagh, pour en faire une carte de négociation avec L’Azerbaïdjan) et un gain trop important pour l’Azerbaïdjan, mais aussi pour la Turquie. Cette évolution aurait ensuite été exploitée dans la guerre de communication que les adversaires de la Russie mènent en permanence. Cela aurait aussi ouvert la voie à l’avenir à d’autres déstabilisations et avancées turques, avec la complaisance, voire le feu vert des États-Unis et l’ OTAN.

Face à l’impossibilité des belligérants  à s’entendre depuis des années sur la mise en œuvre des propositions du groupe de Minsk (retour des zones tampons adjacentes au Haut-Karabagh à l’Azerbaïdjan en échange d’un processus de détermination sur le statut du Haut-Karabagh), les Russes ont adopté une posture de prudence qui fût considérée comme la seule posture réaliste de leur point de vue. En choisissant leur camp de manière claire, les Russes auraient non seulement perdu leur position de médiateur, mais aussi risqué de voir l’Azerbaïdjan se rapprocher plus encore des Turcs, voire de l’OTAN à plus long terme. Lorsque les Azerbaïdjanais furent sur le point de conquérir tout le territoire du Haut-Karabagh et après la perte d’un hélicoptère russe dans des conditions obscures, les Russes ont poussé à un accord lorsque la situation était mûre après l’échec des trois cessez-le-feu précédent.

En conséquence, selon l’accord entré en vigueur le 10 novembre, la Russie peut désormais déployer des troupes d’interposition au Haut-Karabagh, en plus de ses bases en Arménie, avant-postes vis à vis de la Turquie et le corridor énergétique stratégique promu par les États-Unis sur l’axe Bakou-Tbilissi-Ceyhan. Les forces russes d’interposition s’installent pour cinq ans renouvelables sur le territoire considéré comme légal par les Nations Unies et l’Azerbaïdjan. L’Arménie surtout, mais l’Azerbaïdjan aussi vont devenir plus dépendants de la Russie et auront plus de difficultés à se rapprocher de l’OTAN et l’UE. L’Arménie, dont le président arrivé au pouvoir après une révolution de couleur en 2018 avait tenté un rapprochement avec les États-Unis et suscité la méfiance en Russie. Désormais, l’Arménie sera plus dépendante de la Russie pour sa sécurité. Cette crise a démontré que la tentative d’orientation euro-atlantiste de l’Arménie ne lui a pas offert de soutien décisif de la part des « Occidentaux »  face à l’offensive turco-azérie.

En vertu de l’accord accompagnant le cessez-le-feu, un corridor de transport reliant l’Azerbaïdjan à l’enclave du Nakhitchevan (avec prolongement éventuel à la Turquie), revendication de Bakou pour avoir une continuité territoriale mais aussi d’Ankara pour avoir un accès à la mer Caspienne sera établit. En ce qui concerne la continuité territoriale entre l’Arménie et le Haut-Karabagh, le corridor de Latchin sera maintenu mais déplacé en raison de la perte de la ville de Chouchi par les Arméniens au profit des Azerbaïdjanais. Ces deux corridors seront supervisés par  le service des gardes-frontières du FSB de Russie.

Les Russes vont donc contrôler toutes les voies stratégiques des uns et des autres.

La Turquie renforcée dans le Caucase du Sud mais endiguée par la Russie

La nouvelle configuration géopolitique n’aboutit pas à un nouveau condominium russo-turc dans le Caucase du Sud, à l’image du processus d’Astana initié par la Russie, la Turquie et l’Iran en 2017 pour la Syrie. C’était pourtant une revendication turque pour la résolution du conflit au Haut-Karabagh, même si la Turquie a renforcé son influence en Azerbaïdjan.

L’alliance politique et militaire de l’Azerbaïdjan avec la Turquie a rendu possible l’ offensive de l’Azerbaïdjan. Sans le soutien de la Turquie, elle n’aurait pas pu avoir lieu. Avec ce nouveau conflit, la Turquie a poursuivi son expansion géopolitique en ouvrant un nouveau front dans le Caucase après ses opérations militaires sur les territoires libyen, syrien et irakien, ses revendications maritimes en Méditerranée orientale et ses provocations à Chypre[xi]. A l’occasion de ce nouveau conflit, la Turquie a cherché à renforcer son statut de puissance régionale dans le Caucase du Sud.

Elle a pourtant été endiguée par la Russie par rapport à ses ambitions initiales.

La Turquie souhaitait être incluse officiellement dans le format de négociation pour le cessez-le-feu et la période post-conflit. Elle a pourtant été écartée formellement de l’accord du 9 novembre signé entre la Russie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, puisqu’elle n’est pas signataire du compromis, même si une négociation en coulisses entre Russie et Turquie a vraisemblablement eu lieu.

Comme la Turquie est membre de l’OTAN et que le Haut-Karabagh est  situé dans l’ « étranger proche »  de la Russie, cette dernière ne pouvait pas lui octroyer le statut de partenaire sur un pied d’égalité pour inaugurer un condominium russo-turque au Haut-Karabagh, à l’image du processus d’Astana en Syrie. Il n’y aura donc pas de forces d’interposition turques au Haut-Karabagh mis à part des observateurs dans un centre d’observation du cessez-le-feu, seule concession symbolique accordée aux Turcs. La Turquie revendique aussi un nouveau corridor Turquie-Azerbaïdjan en passant par le Nakhitchevan et le Sud du Haut-Karabagh, qui pourrait être prolongé vers l’Asie centrale en traversant la mer Caspienne. Selon l’accord du 9 novembre, ce corridor lui serait accordé mais sous supervision des Russes, et croiserait l’axe Arménie-Iran.

Toutefois, l’interprétation des accords diffère entre les Russes, les Azéris et les Turcs qui essaient de poursuivre la négociation pour maximiser leur présence.

La Russie a aussi fait pression sur la Turquie en bombardant les islamistes pro-turcs en Syrie, pour indiquer ses lignes rouges vis à vis des flux de mercenaires islamistes vers le Haut-Karabagh.

Chez les experts, une soi-disant alliance ou connivence russo-turque pour se tailler et partager des zones d’influence au détriment des Européens et des États-Unis est souvent invoquée. Cette thèse est à relativiser. La prépondérance croissante des acteurs régionaux pour la gestion des conflits, c’est à dire la  régionalisation des enjeux géopolitiques relève de l’évolution de la configuration géopolitique européenne et mondiale.

C’est avant tout à cause du refus de la part des États-Unis et des autres membres européens de l’OTAN d’accorder une place à la Russie au lendemain de la disparition de l’URSS dans un nouveau concert européen et mondial, et la poursuite de son encerclement par l’expansion euro-atlantiste que la Russie est obligée de se rapprocher d’un pays qui peut aussi constituer une menace, la Turquie et son expansion panturque et islamiste. Il n’y a pas d’alliance entre la Russie et la Turquie, mais rivalité, confrontation et identification d’intérêts tactiques communs à la suite de négociations permanentes pour tracer les lignes de front en mouvement, sans se laisser entraîner dans une guerre frontale. En prolongement de la rivalité pluriséculaire entre les empires russe et ottoman, les Russes se méfient de manière croissante de l’expansionnisme territorial  mais aussi du prosélytisme  panturc et islamiste; non seulement sur le flanc sud de la Russie qui est le plus vulnérable, mais aussi sur son propre territoire avec les minorités tatares et musulmanes. Comme la Russie a torpillé l’expansion turque en Syrie, la Turquie cherche a torpiller l’expansion russe en Libye et tente désormais de bousculer la Russie dans le Caucase. Un nouveau foyer d’attraction pour les mercenaires islamistes au Haut-Karabagh risquait d’affaiblir durablement la Russie sur son flanc sud,  réplique à l’engagement russe en Syrie qui était aussi devenue le théâtre de ralliements des islamistes. La Russie avait stoppé ces flux grâce à son intervention en 2015.

Les États-Unis ont pour objectif d’exploiter les tensions dans le Caucase du Sud à leur profit, tout comme la Russie et la Turquie, à la différence que ces deux derniers États sont directement concernés par leur position géographique. Dans un monde multipolaire, le processus de régionalisation des crises où les acteurs régionaux (la Russie et la Turquie) qui ont des intérêts géopolitiques  directs en raison de leur proximité géographique est logique. Ils forment un directoire pour gérer leurs différents ou convergences géopolitiques. Ils excluent ainsi les prétendants au monde unipolaire (les États-Unis et leurs alliés proches) qui s’arrogeaient auparavant le droit de se mêler de toutes les crises à l’échelle globale. L’évolution de la posture des États-Unis, qui se retirent des premières lignes, mais privilégient sur certains théâtres les États-pivots comme la Turquie au frontières de l’« étranger proche »  de la Russie, accélère cette évolution.

La Russie n’est pas tombée dans le piège de la confrontation directe avec la Turquie, ni en Syrie, ni au Haut-Karabagh et poursuit sa relation de rivalité permanente mais ponctuée d’accords provisoires et précaires avec la Turquie. Ce faisant, la Russie a pour objectif d’éloigner la Turquie de l’OTAN, afin de fissurer l’alliance, tandis que la Turquie joue un double jeu, mais reste plus proche de l’OTAN.

Les États-Unis en retrait apparent cherchent à faire pivoter la Turquie contre la Russie

Les États-Unis qui ont des intérêts globaux et qui se mêlent d’habitude des conflits dans le monde se sont mis curieusement en retrait à propos de la guerre au Haut-Karabagh, d’autant plus qu’un membre OTAN, la Turquie, est l’un des protagonistes, que les États-Unis partagent la co-présidence du groupe de Minsk avec la Russie et la France, et qu’un lobby arménien y est très actif.

En dehors d’une diplomatie déclaratoire avec le communiqué de Donald J. Trump,  Emmanuel Macron, Vladimir Putin pour une cessation des hostilités dans le cadre du groupe de Minsk (1er octobre), une tentative de négociation de cessez-le-feu humanitaire le 25 octobre à Washington  (25 octobre) et une déclaration de Donald Trump sur la courage des Arméniens sans doute destiné à l’électorat arménien, rien n’a été entrepris pour modérer la Turquie. Le soutien de la Turquie à l’Azerbaïdjan a pourtant été décisif  pour engager cette guerre.

L’argument souvent invoqué que la campagne électorale aurait détourné l’attention des États-Unis à propos du conflit au Haut-Karabagh bute sur l’élément suivant : pendant cette période électorale, la diplomatie des États-Unis s’est poursuivie imperturbablement sous le direction du secrétaire d’État Mike Pompeo. Celui-ci a notamment apporté son soutien à la Grèce, lors d’une visite les 26 et 27 septembre (la guerre au Haut-Karabagh a débuté le 27 septembre) avec pour message l’endiguement de la Turquie mais aussi la Russie en Méditerranée orientale. Un mécanisme de « déconfliction » entre la Grèce et la Turquie à été inauguré à l’OTAN et la diplomatie des États-Unis a aussi clairement pris position en défaveur de la Turquie, pendant le mois d’octobre en Méditerranée orientale, pendant que le conflit au Haut-Karabagh se poursuivait.  La diplomatie américaine a aussi encouragé la Turquie à contrer la Russie en Syrie. Pourtant rien n’a été entrepris de semblable vis à vis du conflit au Haut-Karabagh mis à part de vagues déclarations dans les médias.

Les États-Unis ne sont donc pas neutres vis à vis de la posture de plus en plus agressive de la Turquie. Toutefois, leurs prises de position sont sélectives. Soit ils sont complaisants voire encouragent la Turquie lorsqu’elle ses actions sont dirigées contre la Russie, soit ils lui posent des limites lorsque cela menace la cohésion de l’OTAN. Même dans le cadre d’un engagement sélectif,  la neutralité n’existe pas. Le silence ou l’absence de réaction concrète en géopolitique vaut souvent  approbation  pour les grandes puissances.

Pour comprendre, il faut rappeler le contexte géopolitique de la nouvelle rivalité des puissances à l’échelle mondiale. La Chine et la Russie ont été désignées par les États-Unis comme leurs puissances rivales et l’Iran comme un «État voyou », en laissant d’autres États occuper l’espace géopolitique en fonction des circonstances et des zones géographiques pour réduire le poids de leurs adversaires. Ils soutiennent donc des États-pivots comme la Pologne et la Turquie et des États-fronts comme l’Ukraine sur la ligne de fracture avec la Russie qui va du Nord-est de l’Europe jusqu’en mer Méditerranée au sud, mer Noire et Caucase au sud-est.

En ce qui concerne la Russie, les crises héritées de la disparition de l’URSS qui éclatent dans  son « étranger proche » sont exploitées de manière calibrée pour éviter un conflit de haute intensité ou de manière indirecte par les États-Unis. Ces instabilités forment un arc de tensions qui tendent à renforcer la perception d’encerclement de la Russie et sont mises à profit pour provoquer son épuisement dans les points chauds multiples de sa proximité géographique. Dans cette manœuvre stratégique, le Royaume-Uni se positionne en synergie avec les États-Unis pour contrer la Russie dans le cadre de l’OTAN mais aussi au niveau bilatéral (voir carte – Stratégie géopolitique des États-Unis contre la Russie dans le contexte multipolaire ).


D’où la prise de position des États-Unis et du Royaume-Uni et leurs alliés proches contre la Russie avec un renforcement des tensions sur les différents théâtres comme la Biélorussie, l’Ukraine, l’opposition au gazoduc North Stream 2, mais aussi l’affaire Navalny. Le théâtre de confrontation se prolonge en mer Méditerranée avec la Libye et la Syrie.

C’est dans le cadre de cette configuration que la Turquie à ainsi une fonction de pivot pour les États-Unis et l’OTAN vers le Moyen Orient, la mer Méditerranée, la mer Noire et dans la Caucase. La Turquie s’immisce de manière opportuniste sur tous ces théâtres, au Proche-Orient, en Afrique du Nord, en Méditerranée orientale et au Caucase, en fonction de ses intérêts géopolitiques.

La Turquie est pourtant un allié de plus en plus ambigu dans l’OTAN vis à vis de ses partenaires. La Turquie achète le système d’armes russe S-400 et son programme d’achat des F35 américains a été suspendu en conséquence. L’ acquisition de ce système d’arme russe par la Turquie est un moyen de pression sur ses partenaires, comme l’arme migratoire pour réduire l’opposition à ses priorités géopolitiques, tout en restant dans l’alliance atlantique. La Turquie a par contre pour rôle implicite au sein de l’Alliance atlantique d’éviter une victoire totale du gouvernement syrien de Bachar el-Assad et de la Russie en Syrie, d’où le soutien des États-Unis à la Turquie à Idlib. La Turquie est aussi intervenue en Libye contre le général Haftar soutenu par la Russie. Enfin à l’occasion du conflit au Haut-Karabagh, la Turquie cherche à se renforcer dans le Caucase du Sud (voir carte – La Turquie: allié ambigu de l’OTAN – Défi géopolitique croissant pour l’UE et la Russie).


L’absence de pressions sur la Turquie de la part des États-Unis ainsi que de l’OTAN  et l’UE renforce l’hypothèse d’un  assentiment implicite des États-Unis et de ses alliés proches vis à vis de l’offensive turco-azérie.

L’objectif principal de cette manœuvre est de repousser la Russie dans ces terres continentales, grâce à la Turquie, d’où la complaisance vis à vis de l’expansionnisme turc. Dans le Caucase du Sud, comme en Syrie, la Turquie fait  donc le travail que les États-Unis ne veulent plus faire en première ligne. L’objectif géopolitique implicite est de réorienter l’expansion géopolitique de la Turquie vers le Caucase et l’Asie centrale contre la Russie et la détourner de la Méditerranée orientale et du théâtre européen pour endiguer la fissuration de l’OTAN.

Les États-Unis se renforcent par contre en première ligne en Méditerranée orientale en Grèce (nouvelle base à Souda Bay en Crète après la base d’Alexandroupolis près des détroits turcs) et à Chypre (nouveau centre de formation sur la sécurité portuaire CYCLOPS, levée de l’embargo sur les ventes d’armes). L’objectif est d’ endiguer la Turquie, membre OTAN en conflit territorial maritime avec la Grèce et Chypre à propos des zones économiques exclusives (ZEE) regorgeant de Gaz, mais aussi la Russie. Ils réaffirment ainsi leur rôle central au sein de l’OTAN menacée par les rivalités entre alliés.

La France a aussi mené ses propres initiatives pour soutenir la Grèce et Chypre contre la Turquie, notamment avec des ventes de Rafales à la Grèce. Ses forces navales ont aussi mené des exercices avec la Grèce, Chypre et l’Italie alors que les États-Unis ont mené des exercices parallèles avec la Turquie. Les États-Unis sont donc complaisants vis à vis de la Turquie quand il s’agit de la France et démontrent ainsi qu’ils n’approuvent pas sa posture en pointe vis à vis de la Turquie. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a pourtant souligné  à Paris la nécessité de renforcer les relations transatlantiques pour faire face à la Turquie, mais après que le cessez-le-feu au Haut-Karabagh ai été obtenu sous l’égide de la Russie, c’est à dire quand les jeux étaient faits. Les États-Unis attendent de la France quelle se positionne de manière prioritaire pour contrer la Russie.

Le rôle de la Turquie comme gardienne des détroits turcs et contrepoids géopolitique à la Russie dans le Caucase, mer Noire et Moyen Orient est donc prioritaire pour les États-Unis . C’est un élément essentiel de leur posture géopolitique.

La Turquie est aussi garante du corridor énergétique  qui passe au sud du Caucase sur l’axe Azerbaïdjan-Géorgie-Turquie, avec des visées pour son prolongement en Asie centrale,  avec le soutien des États-Unis, du Royaume-Uni mais aussi de l’OTAN et l’UE pour contourner la Russie.

Les États-Unis n’ont donc pas cherché à restreindre de manière décisive la Turquie dans le conflit contre le Haut-Karabagh, pour affaiblir par contrecoup la Russie (dans le contexte de la pression en Ukraine, en Biélorussie, et l’affaire Navalny). Mais la Russie n’est pas tombée dans le piège et la Turquie a  finalement obtenu un rôle plus limité qu’attendu. Les États-Unis ne semblent pas non plus favoriser la Turquie au point de voir émerger un format de négociation turco-russe exclusif sur l’avenir du Haut-Karabagh, qui marginaliserait totalement le groupe de Minsk dont les États-Unis partagent la coprésidence avec la Russie et la France. La situation reste encore fluide.

Avec le renforcement de l’Azerbaïdjan, le but pour les Américains pro-israéliens est aussi d’affaiblir et de fragmenter à terme l’Iran au moyen des minorités azéries, en synergie avec Israël. Pour Israël, l’Azerbaïdjan est un alliance de revers contre l’Iran. Israël vend des armes à l’Azerbaïdjanet s’approvisionne en pétrole azéri.

La faiblesse et l’alignement des Européens sur la vision euro-atlantiste exclusive laisse aussi une énorme marge de manœuvre à la Turquie et facilite son expansion. La tentative de la France de s’y opposer n’a pas beaucoup suscité de vocations ni à  l’UE divisée, ni à l’OTAN.

La posture géopolitique des États-Unis envers la Russie ne changera pas fondamentalement avec la nouvelle administration et on peut s’attendre à une cristallisation des tensions

L’Iran pour un endiguement de la Turquie, d’Israël et de l’OTAN

L’Iran, rival de la Turquie et adversaire des États-Unis et d’Israël, ne souhaite pas non plus voir s’installer des troupes turques au Haut-Karabagh, c’est à dire au nord de son territoire. L’Iran de confession shiite est particulièrement opposée à l’arrivée de mercenaires islamistes sunnites à ses frontières, mais aussi de l’influence de l’OTAN. Sa position est proche de celle de la Russie, comme en Syrie, pour soutenir la Syrie de Bachar el-Assad contre l’État islamique, et faire contrepoids à la Turquie, les États-Unis et Israël. En ce qui concerne les termes de l’accord accompagnant le cessez-le-feu au Haut-Karabagh, l’Iran est d’avis que le corridor de transport Nakhitchevan-Azerbaïdjan ne doit pas barrer les flux du corridor Arménie-Iran. Cette ligne rouge des Iraniens va amener les Russes à être vigilants au sujet du  contrôle de ces corridors dont ils auront la charge.

Les limites de l’Union Européenne dans le Caucase du sud

L’Union européenne qui est divisée en raison des positions différentes des États-membres envers la Turquie et la Russie a été marginalisée à propos du conflit du Haut-Karabagh.  L’attentisme de l’UE vis à vis de la Turquie, incapable de s’accorder jusqu’à présent pour renforcer les sanctions contre la Turquie en conflit territorial à propos des zones économiques exclusives en Méditerranée orientale avec la Grèce et Chypre, tous deux membres de l’Union européenne, s’est renforcé à propos du  nouveau conflit au Haut-Karabagh. Les prochains sommets européens en décembre vont être l’occasion d’examiner si les lignes vont bouger.

L’Arménie et l’Azerbaïdjan, comme la Géorgie, sont des États associés au partenariat oriental  de l’UE, programme de coopération dans le cadre de sa politique de voisinage au moyen duquel elle s’efforce de renforcer ses liens et son influence dans le Caucase du Sud. Avec le renforcement probable de l’emprise russe  en Arménie  et de la Turquie en Azerbaïdjan, le programme du partenariat oriental  atteint ses limites du point de vue politique, mais pourrait être dirigé vers des programmes d’aides au populations et de reconstruction. L’objectif de certains États membres d’utiliser ce programme pour donner une orientation européenne aux États du Caucase du Sud, voire implicitement un élargissement futur, va être bridé.

La classe politique arménienne va traverser une période de troubles politiques en raison de la colère des Arméniens vis à vis du président arménien Nikol Pashinyan considéré comme le perdant des négociations. L’Arménie va peut-être s’orienter plus fermement vers l’Union économique eurasienne pilotée par la Russie. On peut conclure que la poussée euro-atlantique (UE et OTAN sont complémentaires) atteint ses limites car l’UE comme l’OTAN sont en sur-extension.

Il est assez logique que dans un monde de plus en plus multipolaire, les logiques géopolitiques régionales priment de plus en plus. L’UE dont les paradigmes reposent sur la vision d’un monde unipolaire en synergie avec les États-Unis, peine à s’affirmer dans sa proximité géographique face à la Turquie et la Russie.

Quels intérêts géopolitiques de la  France au Caucase ?

La France est l’État-membre de l’OTAN et de l’UE qui a eu la position la plus proche de la Russie au sujet du Haut-Karabagh avec la dénonciation de la présence de mercenaires syriens envoyés par la Turquie. Elle n’a cependant apporté qu’un soutien moral à l’Arménie, cherchant à maintenir une position neutre en raison de son rôle au processus de Minsk. La diplomatie Française est pourtant en recul puisque le groupe de Minsk de l’OSCE dont elle partage la co-présidente avec la Russie et les États-Unis a été marginalisé lors de l’accord de cessez-le-feu négocié par la Russie. La Russie est de toute manière le seul État qui avait toutes les cartes en main pour stopper le conflit au Haut-Karabagh en faisant pression sur la Turquie et les belligérants.

Au sujet du Haut-Karabagh, la France et l’Allemagne n’ont pas négocié de position commune en raison de leurs positions divergentes vis à vis de la Turquie, mais aussi à propos de la Russie. La France est l’État le plus en pointe pour s’opposer à l’expansion de la Turquie en Méditerranée orientale et pour promouvoir une nouvelle architecture de sécurité  européenne avec la Russie. Vis à vis de la Turquie, l’Allemagne  préfère la négociation à la confrontation. L’Allemagne cherche avant tout à préserver l’unité de l’OTAN et ne veut pas mettre en cause ses liens économiques ni ses flux migratoires avec la Turquie. Elle possède une très grande diaspora turque, et elle est prisonnière du chantage turc après avoir confié à la Turquie la garde des frontières de l’UE, lors de la crise migratoire en 2015.

Les enjeux géopolitiques du Caucase du Sud au carrefour de l’Europe et de l’Asie concernent pourtant l’Europe toute entière et aussi la France qui a en plus des intérêts stratégiques particuliers en Méditerranée orientale, même si le Caucase n’a jamais fait partie de son pré-carré. La France possède aussi un héritage civilisationnel commun avec l’Arménie chrétienne et une forte diaspora arménienne assimilée à la nation française. Or l’expansionnisme territoriale de nature pan-turquiste et islamiste de la Turquie menace l’Arménie, avant-poste oriental de la civilisation occidentale, et risque aussi de déstabiliser la Méditerranée et l’Europe balkanique, avec des prolongements sur le territoire européen en raison de la présence des diasporas turques qui sont autant de leviers pour le président Recep Tayyip  Erdogan.

Le Caucase étant éloigné de la France et faisant partie de la zone d’influence russe, une posture spécifique de la France qui aille au delà de l’aide humanitaire et culturelle pour protéger le patrimoine de la région n’en demeure pas moins importante. C’est la présence militaire russe qui sera décisive pour protéger le Haut-Karabagh, mais la France peut aider à stabiliser la situation. S’impliquer dans le Caucase du Sud permet aussi à la France de faire pression sur la Turquie en la prenant à revers.

Outre la promotion de la stabilité pour tous les peuples du Caucase, son rôle devrait avoir pour objectif d’endiguer l’expansionnisme turc, mais avant tout sur les territoires où elle peut jouer un rôle décisif, c’est à dire en Méditerranée orientale. Dans son rôle de défenseur de la liberté des nations, Arménie et Azerbaïdjan comprises, la France a pourtant aussi un rôle à jouer pour contribuer à ce que le Haut-Karabagh ne soit pas conquis dans son entièreté lors d’un conflit futur et puisse s’engager dans un processus d’autodétermination. La Turquie considère que l’Arménie est un obstacle à ses ambitions territoriales panturques, et va jusqu’à considérer que la Turquie et l’Azerbaïdjan sont deux États pour une même nation. L’Azerbaïdjan était un État resté jusqu’à présent indépendant et laïque. Il serait judicieux d’éviter une emprise croissante de la Turquie sur l’Azerbaïdjan.

Pour atteindre cet objectif, c’est une politique d’alliances régionales qui serait adéquate. La seule manière pour les Français de renforcer leur poids dans leur proximité géographique est de se rapprocher au niveau bilatéral de la Russie pour endiguer la Turquie, avec les États européens favorables à cette approche, notamment la Grèce, Chypre et l’Italie, et dans le mesure du possible, l’Allemagne. La Russie se trouverait ainsi moins seule dans son objectif de contenir la Turquie. Dans le cas contraire, la Russie sera tentée de s’accorder avec la Turquie contre les intérêts des États européens. Si la France ne cherche pas à construire des alliances européennes  plus ciblées, en coordination avec  la Russie qui se renforce aussi dans le pourtour géographique de l’UE, elle risque d’être écartée non seulement du Caucase, mais des zones plus proches et stratégiques pour ses intérêts en Syrie et en Libye.

Une inflexion de la position des États-Unis n’est pas non plus à exclure, même si les fondamentaux géopolitiques vont se prolonger. Si la nouvelle administration aux États-Unis se préoccupe de leur alliance avec les Européens, c’est le moment d’au moins essayer de faire passer le message que l’impunité de la Turquie et l’hostilité envers la Russie ne correspondent  ni aux intérêts de la France ni aux intérêts de l’Europe.

La réactivation du groupe de Minsk, bien que ce format n’ai pas été décisif pour l’obtention de l’accord de cessez-le-feu, peut à nouveau jouer un rôle à l’avenir car la Russie a peut-être intérêt à ne pas donner trop d’espace à la Turquie, mais cela dépend aussi de la bonne volonté des Européens. Des initiatives pour contrer et faire pression sur la Turquie peuvent être complémentaires, notamment au sein de l’Union européenne (avec la remise en cause de l’accord douanier et les aides de préadhésion entre l’UE et la Turquie), au Conseil de l’Europe, ou au moyen de coalition plus restreintes si cela s’avère impossible en raison des désaccords entre États-membres

Contrairement à ce qui est affirmé par la diplomatie française, la France n’est pas obligée de maintenir une position de stricte neutralité (qui est par contre dans l’intérêt de la Russie), d’autant plus que la Turquie soutient ouvertement l’Azerbaïdjan et cherche à marginaliser la France. C’est bien évidemment aussi pour défendre le principe de l’équilibre en Europe et en Eurasie que la France devrait exprimer une position  plus claire. Si à l’avenir, le rôle de médiateur de la Russie restera central, l’alliance turco-azérie avec le soutien non explicite des  États-Unis et du Royaume-Uni en plus de la complaisance de l’OTAN et de l’UE aboutit à une  configuration  très déséquilibrée en défaveur des Arméniens. La France, en soutenant de manière plus franche  l’Arménie, en coordination avec les alliés européens les plus proches comme la Grèce et Chypre, pourrait contribuer à rétablir la balance vis à vis de la Turquie, en synergie avec la Russie.

Perspectives: la pertinence d’une nouvelle architecture de sécurité européenne et eurasienne

Pour une résolution des différents conflits gelés sur le flanc oriental de l’Europe, en particulier le Haut-Karabagh dont l’avenir n’est toujours pas déterminé, une nouvelle architecture de sécurité européenne et eurasienne de sécurité reste pertinente à l’avenir. Il est illusoire de croire à la résolution des différents conflits au cas par cas, car ils font partie d’une problématique systémique plus large, la rivalité entre la Russie, la Turquie, et les États-Unis. Ils peuvent être réactivés à tout moment en fonction des évolution des rapports de force.

Tant que la menace d’un élargissement de l’OTAN pèsera sur l’étranger proche de la Russie, et que l’UE se considèrera comme une entité complémentaire à l’OTAN, il n’y aura pas d’avancée significative. Il est aussi de l’intérêt de la France de promouvoir cette nouvelle architecture européenne de sécurité avec la Russie, pour un meilleur équilibre géopolitique en Europe et Eurasie selon la vision gaullienne de l’Atlantique à l’Oural (au Pacifique dirait t’on aujourd’hui).  Cela exige un arrêt de l’élargissement de l’OTAN, mais aussi de l’UE,  afin que l’Europe ne soient plus le théâtre de la rivalité russo-américaine. selon la vision euro-atlantiste exclusive.

source : http://www.eurocontinent.eu/

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Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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