Trump va-t-il se venger en attaquant l’Iran ou en rapatriant les troupes américaines ?

Trump va-t-il se venger en attaquant l’Iran ou en rapatriant les troupes américaines ?

Par Philip Giraldi, ancien officier de la CIA*

Source : Strategic Culture, le 19 novembre 2020

Traduction : lecridespeuples.fr

J’ai une idée folle que je ne peux pas m’ôter de ma tête : c’est que nous autres, Américains, nous nous dirigeons vers quelque chose comme un Armageddon dans les prochains mois, quelle que soit la façon dont l’imbroglio électoral actuel est résolu. Ma plus grande inquiétude est que Trump n’attaque l’Iran, soit par une sorte d’opération sous faux drapeau, soit par une agression directe. Le décor est déjà planté pour une action militaire en raison de l’hostilité incessante envers la République Islamique au cours des quatre dernières années, combinée à une guerre économique menée contre l’économie du pays et à l’assassinat délibérément provocateur d’un grand général iranien, Qassem Soleimani en janvier. En vérité, il ne faudrait pas grand-chose pour déclencher une guerre, juste un bateau de patrouille errant qui s’infiltrerait dans les eaux territoriales iraniennes et ouvrirait le feu lorsqu’il sera confronté par une vedette des Gardiens de la Révolution. Deux Iraniens mourront, peut-être aussi quelques Américains, et ça sera la guerre.

Les spéculations selon lesquelles quelque chose pourrait arriver découlent en partie de la façon dont plusieurs changements de personnel de haut niveau au Pentagone se sont produits à un moment qui n’a aucun sens pour une administration provisoire ou même pour une administration qui pense qu’elle inversera les résultats électoraux. Le « licenciement » et le remplacement de Mark Esper au poste de Secrétaire à la Défense ont été expliqués comme étant dus à sa résistance aux ordres du Président de procéder à un retrait des troupes d’Afghanistan, mais en tant que tel, un tel retrait serait à peine commencé en janvier, de sorte qu’il ne semble pas logique de faire de changement dans la structure de commandement dans ces circonstances. En effet, avoir de nouveaux dirigeants ne ferait que ralentir le processus, même si le nouveau Secrétaire à la Défense par intérim, Chris Miller, aurait publié vendredi dernier une note disant que « Toutes les guerres doivent cesser », et qu’il y a eu une annonce de réduction des effectifs à la fois en Afghanistan et en Irak pour début janvier, mais nous verrons comment cela évolue réellement. L’arrivée du colonel anti-interventionniste Douglas Mac Gregor au Pentagone en tant que conseiller principal du Secrétaire à la Défense par intérim confirme également l’idée qu’un retrait majeur des forces américaines est imminent.

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Il est également plausible qu’Esper ait été licencié en raison de sa résistance à l’utilisation de soldats pour réprimer les émeutiers en cas de troubles civils d’ici janvier, mais cela manque également de crédibilité car une telle décision serait certainement confrontée à l’opposition de l’ensemble des chefs d’état-major interarmées qui ne coopéreraient pas. Une autre explication encore est que ce licenciement était due à la résistance rapportée d’Esper à la publication de fichiers classifiés relatifs au Russiagate, que Donald Trump considérerait comme une révélation finale du complot de sécurité nationale qui cherchait à détruire son administration.

Quoi qu’il en soit, en plus d’Esper, le chef de la planification par intérim du Pentagone, James Anderson, a également été contraint de démissionner. Anderson a été remplacé par Anthony Tata, qui est considéré comme farouchement fidèle au Président et qui a soutenu certaines théories du complot de « l’État profond » sur les Obama. Les changements au sommet du département de la Défense ont également entraîné la démission d’autres cadres supérieurs, y compris le vice-amiral à la retraite Joseph Kernan, qui était sous-secrétaire à la défense pour le renseignement et la sécurité. Kernan a été remplacé par Ezra Cohen-Watnick, un ami du gendre présidentiel Jared Kushner. Il semble que les autres cadres supérieurs continuent de s’inquiéter du fait qu’une chasse aux sorcières soit en cours.

Le nettoyage de la maison Pentagone ainsi que les rumeurs persistantes selon lesquelles il sera bientôt suivi de licenciements au bureau du Procureur général, au FBI et à la CIA n’ont guère de sens à ce stade du cycle électoral, que l’on pense ou non que les résultats des élections aux États-Unis seront inversés. Mais en considérant tout cela ensemble, ces changements pourraient donner à Trump la liberté de faire ce qu’il veut au cours des deux prochains mois, y compris éventuellement recourir à certains éléments de l’appareil de sécurité nationale pour intervenir directement dans les processus de comptage et de transition. Ces mouvements me signalent qu’un Trump en colère pourrait bien préparer quelque chose de vraiment vindicatif et aussi d’incroyablement stupide en termes d’intérêts nationaux.

Le Président Donald Trump a clairement une haine viscérale pour l’Iran. Il a été rapporté que pas plus tard que la semaine dernière, il a demandé à des conseillers principaux s’il devait attaquer le principal site nucléaire iranien à Natanz. La réunion aurait eu lieu peu de temps après que les inspecteurs internationaux ont observé ce qui semblait être une augmentation significative du stock iranien de matières nucléaires. Les conseillers ont convaincu le Président qu’une frappe militaire pourrait rapidement escalader vers un conflit et ne serait pas dans l’intérêt des États-Unis.

Le Secrétaire d’État Mike Pompeo a également déjà clairement indiqué la centralité de l’Iran dans la réflexion de la Maison Blanche. Un récent reportage du New York Times concernant l’assassinat d’un chef présumé d’Al-Qaïda à Téhéran qui provient de « responsables du renseignement » anonymes vise à suggérer que le gouvernement iranien travaillerait avec le groupe terroriste, ce qui n’est évidemment pas le cas. Le département d’État de Pompeo a également annoncé que les États-Unis continueraient d’augmenter les sanctions contre l’Iran et la Syrie. Les analystes estiment que l’intention est de créer un réseau de sanctions si complet qu’elles ne seront pas facilement annulées, de sorte que personne à l’avenir ne pourra renouer contact avec l’Iran en cherchant à restaurer quelque chose comme les inspections du programme nucléaire établies par le plan global conjoint d’action (JCPOA, ou accord sur le nucléaire iranien). Cette décision vise clairement à empêcher Joe Biden, s’il devient Président, d’essayer d’inverser les politiques de l’administration Trump à l’égard de la République Islamique.

Il y a d’autres indications que la Maison Blanche de Trump va de l’avant avec des mesures pour mettre encore plus de pression sur l’Iran. Elliot Abrams, qui est en charge de la politique iranienne en tant qu’envoyé spécial, vient de se rendre en Israël pour une visite officielle afin de discuter de la façon dont l’administration Trump, en coordination avec Israël et plusieurs États du Golfe, imposera les nouvelles sanctions à l’Iran dans les semaines qui restent avant le jour de l’inauguration, juste au cas où l’élection de Biden serait confirmée. Et Mike Pompeo s’est également arrêté en Israël pour une visite et s’est entretenu avec le Premier ministre Benjamin Netanyahou.

Ces voyages arrivent étrangement à un moment où l’on pourrait penser que les deux loyalistes de l’administration seraient nécessaires à Washington. Israël se cache, bien sûr, dans l’ombre de tout ce qui a à voir avec la politique américaine envers l’Iran. Israël domine l’actuelle Maison Blanche par l’intermédiaire du donateur multimilliardaire Sheldon Adelson et les Israéliens, bien que confiants dans leur capacité à diriger Joe Biden comme ils contrôlaient Barack Obama, préviennent également le nouveau Président que s’il cherche à rétablir l’accord d’inspection nucléaire, Israël devra « prendre des mesures » et qu’il y aura une guerre avec l’Iran [bluff transparent, car jamais Israël n’oserait attaquer la République Islamique].

Dans un rapport certes plus alarmant suggérant qu’Israël sera en mesure de prendre le contrôle de celui qui est en charge à Washington, «  Shimrit Meir, un analyste et commentateur israélien, a déclaré à Jewish Insider que le Premier ministre Benjamin Netanyahou ‘préserverait l’option’ d’avoir les Républicains aux commandes ‘pour un moment désespéré — un accord imminent avec l’Iran qui ne répondrait pas aux préoccupations [israéliennes], par exemple.’ Un Sénat républicain aura la capacité ‘d’appliquer une pression unique sur la politique étrangère d’une administration Biden’, a suggéré Richard Goldberg, conseiller principal à la Fondation [néo-conservatrice] pour la défense des démocraties. »

On ne sait pas exactement qui combattrait et mourrait s’il devait se passer quelque chose, mais puisque le Parti démocrate est entre les mains du gouvernement israélien et de son lobby américain, Biden ne sera probablement pas assez audacieux pour mordre la main qui le nourrit, et il renoncera vraisemblablement à prendre le risque d’initier tout rapprochement avec les Iraniens.

Voir Israël, éternel vainqueur des élections américaines

En plus de faire encore une autre faveur à Israël, une petite guerre, limitée on l’espère, pourrait également être bénéfique à d’autres égards. Si elle est suffisamment médiatisée par des médias consentants, cela pourrait éventuellement générer quelque chose comme une déclaration d’état d’urgence qui prolongerait ce que nous traversons actuellement, auquel cas l’inauguration de Biden devra simplement attendre. Trump et Pompeo sont-ils capables d’une telle chose ? Peut être.

Est-ce que tout cela est trop farfelu pour être envisagé ? Et le cas échéant, que pourrait-on faire pour l’arrêter ? Je ferais remarquer que je ne suis pas le seul dont les antennes de danger se sont levées lorsque les hauts responsables du Pentagone ont été évincés si peu de temps après les élections. Même la presse israélienne spécule qu’une attaque pourrait se produire et Mondoweiss a publié un article convaincant intitulé « Un Trump dérangé pourrait encore déchaîner la violence contre l’Iran, mais les médias américains minimisent le danger » L’article cite un article du New York Times sur les licenciements au Pentagone qui inclut, enterré dans le texte, ces lignes éloquentes : « Les responsables du département de la Défense ont exprimé en privé leurs craintes que le Président puisse lancer des opérations, ouvertes ou secrètes, contre l’Iran ou d’autres adversaires, au cours de ses derniers jours au pouvoir. »

Donald Trump a retweeté pas moins de 3 messages (deux de source israélienne et un du New York Times) pour célébrer l’assassinat de Mohsen Fakhrizadeh, principal responsable du programme nucléaire iranien, le 27 novembre

Des terroristes ont assassiné aujourd’hui un éminent scientifique iranien. Cette acte lâche, qui porte des indications sérieuses d’implication israélienne, montre un bellicisme désespéré de ses auteurs. L’Iran appelle la communauté internationale, et en particulier l’UE, à mettre fin à leur honteux deux poids deux mesures et à condamner cet acte de terreur d’État. (Mohammad Jawad Zarif, Ministre des Affaires étrangères iranien sur Twitter)

Le New York Times a enchaîné avec un autre article sur les changements au Pentagone le 11 novembre, qui commence par ces mots : « Une purge des hauts civils du Pentagone et l’ascension d’un responsable politique similaire à un poste de haut niveau à l’Agence de sécurité nationale ont suscité les craintes que l’administration Trump prévoie de nouvelles punitions pour l’Iran… » Étant donné que ce journal réputé est généralement sourd face aux tambours de guerre et qu’il pourrait bien avoir une source fiable, nous devrions également en prendre note. On aimerait savoir qui étaient ces fonctionnaires anonymes du ministère de la Défense et se demander : « Que savent-ils que nous, le public, devrions savoir ? »

Voir Le mythe persistant selon lequel Trump serait anti-impérialiste et anti-système

Certains pourraient faire valoir que même pour l’administration Trump, une attaque non provoquée contre un pays étranger quelques jours à peine avant une transition du gouvernement américain serait un pont trop loin. Mais cette évaluation est quelque peu naïve. Les gouvernements des États-Unis, tant démocrates que républicains, commettent l’indicible et l’injustifiable depuis un certain temps déjà. Espérons qu’au lieu d’un nouveau conflit armé, Donald Trump aura la vision et le courage de tenir ce qu’il avait promis de faire il y a quatre ans. Mettre fin aux guerres et ramener les troupes à la maison.

* Philip M. Giraldi est un ancien spécialiste de la lutte contre le terrorisme et officier du renseignement militaire de la CIA qui a servi dix-neuf ans à l’étranger en Turquie, en Italie, en Allemagne et en Espagne. Il a été chef de la base de la CIA pour les Jeux olympiques de Barcelone en 1992 et a été l’un des premiers Américains à entrer en Afghanistan en décembre 2001. Philip est directeur exécutif du Council for the National Interest, un groupe de défense basé à Washington qui cherche à encourager et à promouvoir une politique étrangère américaine au Moyen-Orient conforme aux valeurs et aux intérêts américains.

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Pour rappel, voici l’analyse de Nasrallah :

Tout peut se produire durant les deux derniers mois de l’administration Trump

La dernière chose que je veux dire au sujet des élections concerne ce qui reste, ces deux derniers mois (de l’administration Trump). Car il a été dit dans les médias que de grands responsables du Pentagone ont fait part de leurs craintes (d’une guerre avant la fin du mandat de Trump), de même que la présidente de la Chambre des représentants (Nancy Pelosi), et d’autres responsables américains dans la région. Beaucoup de personnes ont dit qu’en limogeant son Secrétaire d’Etat à la Défense (Mark Esper), le remplaçant par un autre (Christopher C. Miller), qui est devenu Secrétaire d’Etat à la Défense par intérim, il se préparait à faire quelque chose durant ces deux derniers mois. Mais quoi donc ? C’est une grande question qui taraude le monde entier. Je ne sais pas ce qu’il peut faire durant ces deux mois, mais tout est possible. Avec quelqu’un comme Trump, il faut s’attendre à tout. Il se peut que ce limogeage ne soit qu’un acte impulsif dû à son ego blessé, car il se dit que ce Secrétaire d’Etat Esper n’était pas toujours docile, qu’il s’opposait à certaines choses que voulait faire Trump et avait préparé sa lettre de démission, et que par conséquent, Trump se l’est fait au déjeuner avant qu’Esper se fasse Trump au dîner. C’est tout à fait possible, ce ne serait pas étonnant (de la part d’une baudruche boursouflée d’orgueil comme Trump). Mais il est également possible que ce soit lié à des décisions majeures et dangereuses que Trump s’apprêterait à prendre. Parmi ces décisions majeures et dangereuses, le monde entier a immédiatement pensé à la possibilité d’une action à l’extérieur des Etats-Unis. Car il y a deux hypothèses. Soit il a limogé Esper parce que la dernière fois, lorsqu’il y a eu des manifestations (massives aux Etats-Unis), et que Trump a voulu envoyer l’armée pour réprimer les manifestants, ce Secrétaire d’Etat a menacé de démissionner autant que je me souvienne, ou d’y moins s’est opposé à l’intervention de l’armée, je suis certain qu’il n’avait pas accepté. J’ai entendu qu’il avait menacé de démissionner. Et peut-être que Trump a considéré que l’une des raisons de sa défaite, c’est qu’il n’a pas pu en finir définitivement (avec ces manifestations) durant les derniers mois, du fait des répercussions internes (qu’aurait eu l’intervention de l’armée). Et il est bien connu que les principales raisons de la chute de Trump sont des raisons internes. Peut-être que Trump fait endosser à Esper la responsabilité de sa défaite, et se venge de lui en le châtiant ainsi. Mais d’un autre côté, le limogeage d’Esper est peut-être dû à la volonté de Trump de recourir aux forces armées américaines à l’intérieur des Etats-Unis (pour se maintenir au pouvoir), c’est une hypothèse possible. Et l’autre hypothèse est (que Trump va prendre une décision majeure et dangereuse) à l’extérieur des Etats-Unis : le Parti Républicain, l’extrême droite et leur allié Israël (se disent peut-être) qu’ils auraient dû faire quelque chose d’important au Moyen-Orient qu’ils ne sont pas parvenus à faire durant ces 4 années, et qu’ils veulent rattraper durant ces deux derniers mois. C’est également une possibilité. Je n’ai pas de préférence (pour favoriser l’une ou l’autre de ces hypothèses), cela demande une analyse et ce sont des choses nouvelles qui viennent tout juste de se produire, mais il se peut qu’il n’y ait rien (de sérieux derrière tout ça), il se peut que ce soit une question d’ordre intérieur et il se peut que quelque chose (de grand) se prépare à l’extérieur (et principalement une attaque contre l’Iran). Tout est possible.

L’Axe de la Résistance reste en état d’alerte, prêt à une guerre américano-israélienne

Au sein de l’Axe de la Résistance, les Etats, les gouvernements, les dirigeants, les Présidents, les factions de la Résistance, et les peuples de l’Axe de la Résistance, pour le moins, car nous en faisons partie, je les appelle tous à la vigilance, à l’éveil, à faire attention. Dans tout ce que nous disons, dans tout ce que nous faisons, dans tout ce que nous suivons (de près), nous devons être attentifs et vigilants, prendre nos précautions (et se préparer à tout), car c’est ce qu’exigent la sagesse et la raison. Nous devons imaginer le pire, même s’il ne doit rien se passer, et être prêts à y faire face. Nous devons être dans un état d’alerte durant ces deux mois, en espérant qu’avec la grâce de Dieu, ils se termineront bien. Nous devons également nous tenir à un haut niveau de préparation, prêts à faire face à tout danger, toute agression, toute atteinte, et rendre coup pour coup et davantage si l’imbécilité des Etats-Unis ou d’Israël va jusqu’à une chose de ce genre. […]

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