Le test américain d’interception d’ICBM nous rapproche d’une guerre nucléaire

Le test américain d’interception d’ICBM nous rapproche d’une guerre nucléaire

… et prouve que les préoccupations de Moscou étaient bien fondées

Par Scott Ritter

Scott Ritter est un ancien officier du renseignement du corps des Marines américains. Il a servi en Union soviétique comme inspecteur de la mise en œuvre du traité INF, auprès du Général Schwarzkopf pendant la guerre du Golfe et de 1991 à 1998 en tant qu’inspecteur des armes de l’ONU.

Source : RT, 17 novembre 2020

Traduction : lecridespeuples.fr

Les États-Unis ont depuis longtemps botté en touche les préoccupations de la Russie concernant le déploiement du système de défense antimissile Aegis Ashore sur le sol européen. Le test de cette semaine de l’intercepteur SM-3 Block IIA contre un ICBM (missile balistique intercontinental) a prouvé que les préoccupations de la Russie étaient justes.

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Mardi 17 novembre, l’Agence américaine de défense antimissile (MDA) a annoncé qu’elle avait effectué un test d’un destroyer de classe Arleigh Burke équipé du système de défense antimissile balistique Aegis (BMD), l’USS John Finn, contre ce qui a été qualifié de « cible représentant une menace balistique intercontinentale » à l’aide dun intercepteur Standard Missile-3 (SM-3) Block IIA. L’objet de test a été lancé depuis l’atoll de Kwajalein, dans la République des îles Marshall, vers une zone de l’océan Pacifique au nord-est d’Hawaï. Selon le MDA, le missile SM-3 Block IIA a intercepté avec succès sa cible.

Le test réussi n’est que le dernier d’une série visant à préparer le missile SM-3 Block IIA et ses systèmes associés –le système d’armes Aegis Baseline-9 et le réseau de communication de gestion de combat de commandement et de contrôle (C2BMC)– pour l’action opérationnelle en tant que ligne de front de la capacité de défense antimissile américaine.

Auparavant, le système d’armes Aegis avait été annoncé par les États-Unis comme étant limité contre les menaces de missiles à courte et moyenne portée. Ce raisonnement a été cité à la fois par les responsables américains et ceux de l’OTAN pour contrer les inquiétudes de longue date de la Russie selon lesquelles les systèmes de défense antimissile Aegis Ashore installés en Roumanie et en Pologne représentaient une menace pour les capacités de missiles stratégiques russes. L’interception d’une cible de type ICBM par le système Aegis BMD a montré que les préoccupations de la Russie étaient en fait bien fondées.

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Le système Aegis testé au large d’Hawaï est identique à ceux récemment mis en service en Roumanie et en construction en Pologne, ayant été spécifiquement conçu pour utiliser le système d’armes Aegis Baseline 9, et est interopérable avec le réseau européen américain C2BMC. En tant que tel, il n’y a aucune raison pour que les sites européens Aegis Ashore ne puissent pas être utilisés pour intercepter des ICBM. En effet, alors que l’Aegis Ashore roumain est actuellement équipé de l’intercepteur SM-3 Block IB moins performant, le site polonais Aegis Ashore utilisera l’intercepteur SM-3 Block IIA, fournissant une capacité de destruction des ICBM au continent européen.

La Russie a longtemps soutenu que le déploiement de systèmes de missiles anti-balistiques en Europe représentait une modification majeure de l’équilibre stratégique des forces, dans la mesure où il autorisait un scénario potentiel de première frappe nucléaire US / OTAN, dans laquelle des missiles nucléaires américains seraient lancés contre les forces nucléaires stratégiques russes dans un effort visant à les détruire de manière préventive. L’Europe éviterait alors la certitude d’une destruction mutuellement assurée en se cachant derrière le bouclier antimissile américain, qui en théorie serait capable d’abattre la poignée de missiles russes qui pourraient survivre à une telle attaque.

En réponse au déploiement initial d’Aegis Ashore en Europe, la Russie a déployé en avant des missiles nucléaires à courte portée sur Kaliningrad comme moyen de dissuasion.

L’intercepteur SM-3 Block IIA représente une grande menace pour la Russie. Lorsqu’il est déployé à bord de destroyers de classe Arleigh Burke équipés de Baseline-9 intégrés au réseau C2BMC, l’intercepteur SM-3 Block IIA devient l’ancre d’un bouclier antimissile potentiellement mondial capable d’annuler le potentiel de frappe ICBM de tous les adversaires potentiels –y compris la Russie.

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La marine américaine base actuellement quatre destroyers de classe Arleigh Burke sur sa base navale de Rota, en Espagne, et prévoit d’augmenter ce nombre à six dans un proche avenir. Ces destroyers ont commencé à patrouiller dans la mer de Barents, au-dessus du cercle polaire arctique, les mettant en position d’abattre les ICBM russes qui tenteraient d’atteindre les États-Unis en survolant l’Arctique.

La menace posée à la Russie par le SM-3 Block IIA est réelle. La Russie a longtemps lié les progrès supplémentaires en matière de contrôle des armements à la nécessité pour les États-Unis d’accepter des limitations de leurs capacités de défense antimissile balistique pour empêcher la situation même qui se déroule aujourd’hui.

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En testant l’intercepteur SM-3 Black IIA en tant qu’arme anti-ICBM, les États-Unis ont rendu le nouveau Traité START inutile du jour au lendemain, mettant à l’épreuve la volonté de la Russie d’accepter sa prolongation. Même si la Russie autorise l’extension du nouveau Traité START, il ne fait aucun doute qu’elle insistera sur des limites significatives et vérifiables aux capacités de défense antimissile balistique des États-Unis, y compris l’intercepteur SM-3 Block IIA, avant que la Russie ne puisse signer un nouveau Traité additionnel sur la réduction des armements stratégiques.

Plus critique est ce que le nouveau SM-3 Block IIA fait à la posture nucléaire russe actuelle, qui est déjà en cours de réévaluation à la lumière de la décision des États-Unis de déployer des ogives nucléaires à faible rendement à bord des sous-marins porteurs de missiles américains.

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La combinaison d’armes nucléaires à faible rendement à bord de sous-marins américains cachés au large des côtes de la Russie et de destroyers américains équipés pour abattre les ICBM russes est l’étoffe du pire cauchemar de tout planificateur nucléaire russe. La Russie sera très probablement obligée de réexaminer sa posture d’alerte pour tenir compte de la possibilité accrue que les États-Unis cherchent à lancer une attaque de décapitation préventive en utilisant des armes nucléaires à faible rendement.

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Cela signifie que la Russie sera obligée de réagir rapidement à tout événement de détection suggérant une telle frappe, réduisant le temps pour les dirigeants d’examiner la possibilité d’une erreur avant de donner l’ordre de lancer. En bref, alors que les États-Unis peuvent prétendre que le SM-3 Block IIA est une arme défensive qui crée la stabilité de la sécurité régionale et mondiale, c’est exactement le contraire : le SM-3 Block IIA augmente le risque de guerre nucléaire par inadvertance entre les États-Unis et Russie. Ce n’est jamais un bon résultat.

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